Alain Etchegoyen

J‘aime dans une femme sa douceur : cette peau blanche que le soleil n’a pas encore séchée, ce doux regard qui s’inquiète de ma fidélité, ces seins lourds dont mes mains créent les formes multiples, le gréement de ce corps que je reconnais à deux cents pas, ces lèvres qui réveillent en moi les restes d’un tempérament presque éteint, cette caresse en passant au milieu d’une foule, cette épaule qui me rend carnivore, cette joie du visage quand nous nous retrouvons, ces fesses qui frémissent aux soubresauts de mon sexe, ce sourire qui déclenche celui de mes enfants, cette souplesse des membres qui produit mille figures libres et imposées, cette allure magnifique d’une noble démarche, ces longues jambes que relèvent et dissimulent les ombres d’un voile de soie noirs, cette voix qui ne dit jamais mon prénom mais invente mille périphrases, cette humidité qui m’assure de son désir, cette délicatesse qui éveille le mien, la chaleur de son corps ensommeillé qui résiste encore à mes avances, l’élégance de l’air qu’elle déplace, la pudeur de son geste le plus érotique. J’aime ce que précisément, je ne suis pas, dans cette Différence éblouissante et buissonnante.

1076 - [Arléa, p. 28]

Le monde politique se ment à lui même en se prenant pour le monde même.

Du poète maudit aux représentations chevelues, les littéraires n'en finissent pas d'être identifiés à des marginaux. La société se les paye comme un luxe, tribut obligé de la démocratie, des droits de l'homme et de la tolérance. Littéraires qui êtes aux cieux, restez-y et nous, nous resterons sur la terre où nous produirons les richesses qui serviront à vous subventionner.

Il serait dangereux que, dans notre société, toute relation entre les hommes puisse être soupçonnée de corruption. Un déjeuner, une invitation, un soutien ponctuel font partie du commerce des hommes.

Vivre le temps des responsables met à l’épreuve notre liberté individuelle et notre réflexion collective.

Curieuse notion que la responsabilité. On la fuit comme on la cherche. On s’en défausse comme on s’en pare. On y accède comme on la quitte. On use du même vocable pour désigner un pouvoir, pour attribuer une faute ou louer une assomption.

C'est une belle illusion que de croire que la responsabilité, du fait de son essence même, dépend entièrement de l'individu qui deviendrait responsable par une sorte de coup d'Etat de la volonté.

Un corrupteur peut chercher la faille dans le plus petit comportement. En visite chez l'élu local pour présenter son entreprise, il laisse traîner un stylo de valeur. (...) Il guette la réaction : lui dira-t-on bientôt son oubli ou profitera-t-on de l'objet abandonné ? Dans ce dernier cas, le signe est positif, on pourra aller plus loin.

L'entreprise privée victime d'une corruption interne résout la plupart du temps elle-même son problème, par un licenciement accompagné d'une transaction. (...) Il ne faut donc pas s'étonner que la corruption privée apparaisse peu dans la presse : l'entreprise qui en est victime n'aime pas dévoiler une faiblesse dans sa gestion.