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Citations de Albert Ogien (15)


Foucault, Castel et Donzelot défendent une même proposition : la déviance n'existe pas hors des pratiques de contrôle social qui la définissent et la répriment. (...) Ce qu'il faut expliquer, ce ne sont ni les caractéristiques des actes manifestant la folie, la délinquance ou l'indigence, ni celles des populations prises en charge au titre du péril qu'elles font courir à l'ordre social, mais la légitimité des normes qui définissent et naturalisent ce péril. (...) Ce qui conduit certains individus à être placés en situation de déviance est la différence entre les critères de jugement de la normalité d'une conduite produits par les institutions et ceux qu'admettent les personnes qui défient cette normalité.
(...) C'est donc à ce point que toute enquête sur la déviance devrait débuter : d'où nous viennent les concepts que nous utilisons pour nommer la folie, le crime, la pauvreté? (...) De leur point de vue, en effet, ces notions se construisent de façon historique à l'intérieur de régimes discursifs permettant d'identifier et de décrire l'anormalité et la dangerosité. Les mots ne sont pas innocents : lorsqu'ils composent la terminologie savante des psychiatres, des criminologues, des juristes ou des travailleurs sociaux, ils fondent et justifient une intervention des autorités publiques dont l'objet est de rappeler les limites d'un ordre et de perpétuer l'état des rapports de domination sur lequel il repose. En ce sens, la définition des formes de la déviance et des modalités de leur traitement est toujours, qu'elle se fasse au moyen de l'élaboration d'un savoir professionnel ou par le truchement de mesures législatives, un élément essentiel de l'exercice d'un pouvoir.
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Aucun argument décisif ne se dégage en faveur de l'une ou l'autre des théories exposées [dans cet ouvrage]. (...) On peut [toutefois] porter au crédit du travail sociologique la formulation de deux propositions. La première pose que l'organisation même de la vie sociale engendre et appelle la déviance ; la seconde affirme que définir de façon scientifique les caractéristiques universelles et invariantes de la criminalité et de la délinquance est une tâche à laquelle il faut renoncer.
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Les théories de la déviance, qu'elles soient causales ou compréhensives, poursuivent un même objectif : expliquer ce qui distingue conduites normales et pathologiques. [Mais] cet objectif s'est transformé à mesure que les tenants de ces théories ont été amenés à abandonner l'idée selon laquelle la déviance s'opposerait radicalement à la conformité. Au fil des recherches, une autre conception s'est imposée, aujourd'hui partagée par la majorité des sociologues : la différence entre normal et pathologique n'est pas définitivement fixée par des conditions nécessaires et suffisantes, s'appliquant de façon mécanique aux phénomènes observables, mais procède d'une réaction sociale faisant jouer une variété de critères d'interprétation.
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Weber pose que la sociologie ne peut pas découvrir les causes de l'activité sociale, [prenant] acte de ce qu'elle n'est pas un fait naturel, mais un processus qui se construit à partir de la signification qui lui est donnée par ceux qui la réalisent. De ce point de vue, l'explication requiert de tenir compte des "motifs" rationnels qui animent probablement les individus lorsqu'ils agissent.
(...) La tâche de la sociologie compréhensive consiste donc à saisir les raisons qui ordonnent le déroulement d'une activité sociale. Et ces raisons, il s'agit de les dégager d'une double analyse : celle du sens que les individus attribuent à leur action et à celle d'autrui, et celle du type d'activité dans le cadre duquel ces attributions s'inscrivent.
(...) Ainsi, les raisons de l'action rapportent-elles moins à une intention émanant d'une conscience libre qu'à des obligations contenues dans un type d'activité et que l'individu doit respecter s'il entend maintenir l'intelligibilité et la rationalité du monde dans lequel il vit. (...)
En somme, une théorie compréhensive ne se cantonne pas à relater les commentaires que les individus émettent à propos de ce qu'ils font. Si elle renonce à l'ambition d'expliquer la cause des conduites humaines, c'est qu'elle y substitue une interprétation causale des raisons qu'il est possible d'invoquer pour rendre compte d'une activité sociale.
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La criminologie moderne appréhende la causalité du crime dans les formes élaborées au milieu du siècle dernier. (...) Les facteurs explicatifs de l'analyse quantitative ne sont, souvent, que la traduction savante de conceptions implicites à propos de l'origine de la délinquance. (...) Même si l'on y consacrait des années de réflexion, on ne saurait [probablement] où aller chercher les causes du crime ailleurs que 1) dans la personnalité du délinquant, ou 2) dans le milieu dans lequel il a été élevé et inscrit ses activités quotidiennes, ou 3) dans la société à l'intérieur de laquelle ce milieu se situe.
En conséquence, les théories causales de la déviance retiennent quatre grands groupes de facteurs pour essayer de rendre compte du fait criminel : inadaptation de l'individu, émulation du groupe de pairs, dilution de l'autorité des institutions de contrôle, inégalité sociale. A ces quatre types d'explication, on doit ajouter un cinquième, d'inspiration différente : celui qui conçoit la criminalité comme un phénomène lié à la reproduction de la domination, c'est-à-dire découlant directement de la défense d'une forme établie de hiérarchie sociale.
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Pour Robert Castel, (...) sitôt que la psychanalyse est conçue en tant qu'institution et pas en tant que thérapeutique, le rôle qu'elle remplit dans les rapports de domination qui caractérisent une société normalisatrice peut être défini comme une "idéologie". Elle se présente, alors, comme le parfait opérateur du passage d'une forme de contrôle social ancienne, fondée sur ce qu'il nomme "l'autorité-coercition", à une autre, plus adaptée au monde contemporain, reposant sur l'idée de "persuasion-manipulation".
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Lorsqu'une conduite déroge à ce qu'il faudrait qu'elle fût, elle donne lieu à une sanction. Or, pour qu'une sanction soit prononcée, une première condition semble être requise : qu'une idée préalable de ce que le comportement idéal devrait être habite l'esprit de ceux qui l'infligent comme celui de ceux qui s'y soumettent. En d'autres termes, il faudrait que pré-existe une norme à l'aune de laquelle puisse se mesurer un écart ; et que cette norme soit suffisamment publique pour que la sanction soit comprise en tant que telle.
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La première chose que l'analyse sociologique nous apprend au sujet de l'infraction tient en une proposition : la déviance est un jugement exprimant une relation, pas un état de fait.
(...) La déviance peut faire référence à deux phénomènes distincts [illustrant la double nature, prescriptive et procédurale, de la norme] : enfreindre une prescription, c'est-à-dire se mettre ou être mis en marge d'une activité sociale de manière transitoire, ou manquer à appliquer une règle de conceptualisation, c'est-à-dire s'exclure, ne serait-ce que de façon momentanée, de l'ordre même de la rationalité, faire peser un doute sur sa participation à la commune humanité. En effet, être intelligible, ne pas paraître fou, inspirer confiance ou être humain sont des contraintes au moins aussi impérieuses que respecter un article de loi ou des principes de pureté, d'hygiène, de séparation des sexes ou de bienséance, ou se rendre aux servitudes de la hiérarchie sociale.
La deuxième chose que la sociologie de la déviance affirme savoir au sujet de l'infraction prend les allures d'une thèse : un acte tenu pour déviant lorsqu'il est décrit à l'aide de critères relevant d'un certain ordre normatif peut être considéré comme normal lorsqu'il l'est en usant de critères propres à un autre ordre normatif.
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Au lieu de conclure que le laxisme de la justice accroît le sentiment d'impunité du délinquant, il serait plus raisonnable de considérer que l'institution judiciaire est, comme toutes les organisations, prise dans la dynamique du changement social ; et que le relâchement apparent des méthodes de sanction du crime répond à une logique dont on voit mal comment on pourrait inverser le cours et à des raisons pratiques qu'il serait illusoire d'ignorer.
(...) Les règles qui gouvernent le travail de la justice et de la police (...) composent avec les impératifs de l'activité quotidienne, s'accomodent d'agissements blâmables et suspects (...). Il faut donc admettre que les professionnels ne visent pas l'éradication, mais le contrôle : sous l'angle de la pratique, la criminalité doit être maintenue dans des ordres de grandeur constants et compatibles avec un degré satisfaisant de sécurité des citoyens, sans attenter excessivement aux libertés individuelles et sans trop manquer à la morale ordinaire.
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La désobéissance civile est le recours, interne à la démocratie, de ceux qui se sentent dépossédés d'une voix dans leur histoire. Non qu'ils soient des “sans-voix”, et soient totalement sans expression [...], mais bien plutôt parce que la société ne fournit pas le contexte dans lequel leurs mots auraient un sens, ou dans lequel en tout cas on pourrait les signifier, les vouloir-dire réellement. - 36 -
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[D'après Aaron Cicourel,] les données recueillies (étude de "cas", examen des rapports de police, observation des procès, entretiens avec les protagonistes des affaires, etc.) [montrent que] la reconnaissance du délinquant s'effectue en recourant à des typifications, c'est-à-dire des interprétations pré-formées qui guident les policiers pour cataloguer immédiatement un individu à partir de l'observation de quelques signes extérieurs : tenue vestimentaire, argot utilisé, intonation de voix, attitude vis-à-vis des forces de l'ordre, lieu et circonstance de l'arrestation, etc.
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Fonctionnalisme, culturalisme et théorie de la désignation sont les trois cadres d'analyse les plus courants auxquels la sociologie recourt lorsqu'elle traite du problème de la délinquance. On peut cependant regrouper les interprétations que chacun d'eux propose en deux grandes classes : théories causales et théories compréhensives de la déviance.
En effet, une infraction peut être envisagée de deux manières distinctes. D'une première façon, il est possible de la concevoir en tant que fait juridique. En ce cas, elle se confond avec les crimes et délits qui font l'objet d'une intervention des autorités de police et de justice ; et pour s'en donner une idée, il suffit de se reporter aux statistiques officielles (...). Depuis Quételet, les intuitions de la criminologie s'épanouissent sur ce type de données, en cherchant à trouver, dans l'analyse quantitative, la réponse à une question : qui commet quel type d'infraction et pourquoi?
Mais l'infraction peut, d'une seconde façon, être saisie comme un phénomène social, c'est-à-dire comme un acte faisant l'objet d'un jugement qui met en lumière nos manières habituelles de concevoir la normalité. En ce cas, elle pose un autre genre de question : qu'est-ce que commettre une infraction ?
Répondre à la première de ces questions conduit généralement à produire une théorie "causale", c'est-à-dire une explication de comportements déjà qualifiés (en tant que crime ou délit) qui ne se prononce ni sur leur nature ni sur leur sens. (...) La seconde question admet que ces deux dimensions de l'infraction font irrémédiablement partie de son appréhension, donc de sa définition. C'est à cette question que les théories compréhensives de la déviance entendent se mesurer, en s'attachant à rendre compte des procédures utilisées pour conférer un caractère déviant à un acte et en attribuer la responsabilité à son auteur.
En somme, [ces dernières] essaient de pénétrer les raisons de la conduite déviante, en interrogeant la notion même d'infraction et en précisant la place que tient la réaction sociale dans la définition de l'acte délinquant.
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Le monde familier, le « chez-soi » se résume à une série de traits permanents, ou, pour le dire autrement, « le monde apparaît, à tel moment donné, comme stratifié en différentes couches de pertinence, chacune requérant un degré différent d’approfondissement » , « couches sédimentaires de signification ». La connaissance du monde social s’échelonne selon différents degrés de familiarité et d’étrangeté. Usant de la métaphore des courbes de niveaux qu’utilise le topographe pour représenter un relief sur une carte, Schutz suggère que chaque acteur appréhende le monde où il vit en reliant entre eux une succession de points de repères, d’éléments pertinents. La représentation graphique de ces « courbes de pertinence » dessine un paysage, une topographie de la réalité sociale. Une telle représentation implique de distinguer entre les sommets qui se détachent du fond et qui représentent les zones de connaissance acquise sur le monde où nous vivons, alors qu’alentour « vient une région dans laquelle on pourra tout au mieux “placer sa confiance” ; les vallonnements avoisinants sont le refuge de conjectures et de suppositions ; entre ces régions se trouvent des zones d’ignorance complète ».

Vivant dans la société où j’ai grandi, je suis par définition insensible au caractère particulier de son organisation. Dans mon quotidien, tout va de soi, tout suit son cours, tout se déroule comme prévu. Je ne conçois pas le monde où je vis comme issu d’une certaine construction de la réalité. Mon monde est une sorte de refuge qui m’évite de me demander comment vivre, de m’interroger sur les fondements de la conduite humaine. Le monde social dans lequel je vis se donne comme exclusif de tout autre jusqu’au jour où l’altérité de l’étranger y introduit une déchirure qui est seule susceptible de m’aider à comprendre la relativité de ses fondements : « Qu’une communauté s’oriente d’elle-même à un monde posé comme essentiellement constant, connu et connaissable en commun avec d’autres, procure à cette communauté les fondements offrant une garantie pour une sorte particulière de questions dont le prototype serait : “Comment se fait-il que lui voit cela et pas toi ?”. »  C’est confronté à l’altérité de l’étranger, à l’altérité de celui qui ne voit pas ce que je vois que le monde où je vis se révèle comme un univers construit, organisé d’une manière particulière.

Consacrant, à la suite de Simmel, une étude à l’étranger, Schutz remarque que pour l’étranger la conduite sociale cesse d’aller de soi, l’étranger est celui pour lequel : « Le modèle culturel ne fonctionne plus comme un système de recettes éprouvées dont on dispose ; il révèle que son applicabilité est restreinte à une situation historique spécifique. ». Acteur social vivant dans la société où j’ai grandi je suis témoin de la persistance des significations à l’aune desquelles j’adapte ma conduite. Étranger, je suis témoin de leur écroulement. Étranger, j’ai immédiatement l’intuition de ce décalage entre le modèle culturel dans lequel j’ai grandi et celui auquel j’ai aujourd’hui à me conformer, j’accède au statut d’observateur extérieur susceptible de « mettre en question presque tout ce qui semble aller de soi pour les membres du nouveau groupe » pouvant ainsi « examiner (…) avec soin et précision ce qui semble autoexplicatif pour le groupe ». Je comprends soudain le caractère institué, construit de la réalité sociale, de ce que les acteurs sociaux nomment la banalité du quotidien. Plongé dans une société étrangère, j’en découvre les rites, je repère les constantes sociales qui permettent aux acteurs de se sentir chez eux. L’étranger s’efforce en effet de traduire son expérience de la société étrangère dans laquelle il se trouve plongé dans la langue de son propre système culturel, en se référant aux structures générales qui donnaient à son monde d’origine son caractère familier. En cela « l’étranger n’a pas de racines », quel que soit son passé, l’aisance dont il faisait preuve dans la société où il vivait, il n’est plus chez lui, son monde est aboli. Il ne cesse de mesurer l’inadéquation des catégories dont il use afin de décrire son nouvel environnement, il s’aperçoit de l’absence d’équivalence entre les repères généraux autour desquels s’organisait son quotidien dans sa société d’origine et ceux autour desquels s’organise le quotidien des acteurs de la société où désormais il vit. Il ignore tout de la grammaire qui donne un sens aux actions des hommes qui l’entourent, qui permet de réunir leurs significations éparses en une même phrase. Il est le « social-bègue », pour reprendre la formule d’Alfred Schutz, celui qui rencontre l’obstacle d’une signification inconnue à chaque fois qu’il confronte la situation vécue à son propre « stock social de connaissance ».
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L'essentiel de l'oeuvre de Michel Foucault est consacré à l'analyse du rapport (...) entre la production d'une connaissance sur l'homme et l'invention de technologies d'assujettissement des individus cherchant à inscrire la domination directement dans leurs corps. (...)
Dans le système de Foucault, le SAVOIR ne fonde pas la validité d'une pratique professionnelle, mais légitime la détention d'un POUVOIR, en justifiant un rapport de domination. Ce qui vaut pour l'asile, où le psychiatre parvient à réduire la folie à une maladie mentale, vaut pour un ensemble d'appareils de domestication (hôpital, prison, armée, école, atelier, etc.) au sein desquels l'organisation de l'espace, physique et social, est conçue de façon à inculquer l'esprit de discipline. (...)
[Un] phénomène engendre la modification des technologies du pouvoir : la substitution de la norme à la loi. (...)
Un lent mouvement de remplacement de la loi par la norme établit un nouveau régime de pouvoir, fondé sur l'utilisation des critères de rationalité que justifie les avancées de la connaissance objective à propos de l'être humain et de ses conduites. Sur cette base, les conditions de réalisation d'un quadrillage disciplinaire s'instaurent (...). Tout un nouvel encadrement institutionnel émerge qui, peu à peu, fait valoir sa vocation à redresser les vies qui manquent, ou dont on suspecte qu'elles le feront, à l'ordre convenu des choses.
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La criminalité est un phénomène dont la compréhension commande toujours de prendre en considération trois éléments : l'individu qui enfreint la loi, l'acte qui constitue cette infraction et les circonstances qui conduisent à le commettre. (...) Les théories de la délinquance différent toujours selon qu'elles mettent l'accent soit sur l'accomplissement d'un acte criminel, soit sur le contexte social qui préside à sa réalisation, soit sur la rationalité du déviant.
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