Alberto Giacometti. Le nez
L’idée de faire une peinture ou une sculpture de la chose telle que je la vois ne m’effleure plus. C’est comprendre pourquoi ça rate, que je veux.
L’aventure, la grande aventure, c’est de voir surgir quelque chose d’inconnu, chaque jour dans le même visage. C’est plus grand que tous les voyages autour du monde.
Autrefois je voyais à travers l'écran des arts existants. J'allais au Louvre pour voir des peintures et des sculptures du passé et je les trouvais plus belles que la réalité. J'admirais plus les tableaux que la vérité.
Le ciel n'est bleu que par convention, mais rouge en réalité.
Seule la réalité est capable d'éveiller l’œil, de l'arracher à son rêve solitaire, à sa vision, pour le contraindre à l'acte conscient de voir, au regard. [p267]
Mon intention n’a jamais été de peindre avec le gris et le blanc ni, en général avec telle couleur unique. Au début du travail, j’ai mis sur la palette autant de couleurs que mes collègues, j’ai essayé de peindre comme eux. Au cours du travail, il m’a fallu éliminer une couleur après l’autre ; non : l’une après l’autre, les couleurs ont quitté le bal ; pour finir, il ne restait que : gris ! gris ! gris !
Je ne crée pas pour réaliser de belles sculptures ou de belles peintures. L’art ce n’est que qu’un moyen de voir. quoi que je regarde, tout me dépasse et m’étonne, et je ne sais pas exactement ce que je vois. C’est trop complexe. Alors, il faut essayer de copier simplement, pour se rendre compte de ce qu’on voit.
J’écrirai des choses nouvelles, elles se formeront.
A ce moment là, je commençais à voir les têtes dans le vide, dans l'espace qui les entoure. Quand pour la première fois j'aperçus clairement la tête que je regardais se figer, s'immobiliser dans l'instant, définitivement, je tremblai de terreur comme jamais encore dans ma vie et une sueur froide courut dans mon dos. ce n'était plus une tête vivante, mais un objet que je regardais comme n'importe quel autre objet, mais non, autrement, non pas comme n'importe quel autre objet, mais comme quelque chose de vif et mort simultanément. Je poussai un cri de terreur comme si je venais de franchir un seuil, comme si j'entrais dans un monde encore jamais vu. Tous les vivants étaient morts, et cette vision se répéta souvent, dans le métro, dans la rue, dans le restaurant, devant mes amis. Ce garçon de chez Lipp qui s'immobilisait, penché sur moi, la bouche ouverte, sans aucun rapport avec le moment précédent, avec le moment suivant, la bouche ouverte, les yeux figés dans une immobilité absolue
p. 21: "Aucune sculpture ne détrône jamais aucune autre. Une sculpture n'est pas un objet, elle est une interrogation, une question, une réponse. Elle ne peut être ni finie ni parfaite."