Alysia Abbott -
Fairyland : un poète homosexuel et sa fille à San Francisco dans les années 1970 .
À l'occasion de la 8ème édition du festival America, le festival de littératures et cultures d'Amérique du Nord,
Alysia Abbott vous présente son ouvrage "
Fairyland" aux éditions Globe et traduit en français par Nicolas Richard. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/14581/alysia-abbott-
fairyland Notes de Musique : "TENNESEE HAYRIDE" by Jason Shaw - Free Music Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Il a postulé et passé des entretiens pour plusieurs jobs, dont un à Mother Jones. En plein milieu de cet entretien, on lui a demandé de donner son plus gros défaut. « Mon humeur changeante », a-t-il répondu. « Je ne vais pas noter ça, a répondu la femme chargée du recrutement, sinon, vous serez immédiatement disqualifié. » Elle a ensuite conseillé à mon père de se procurer quelques livres sur les techniques d'entretien. Dans son journal, il a écrit : « J'ai dû lui plaire, pour qu'elle me donne un conseil comme ça. » Il n'a pas obtenu le poste.
La mort donne tout simplement du sens à la vie (en lui assignant des frontières), et l'on pourrait se plaindre autant de la naissance que de la mort, car c'est à la naissance que commence la souffrance.
Personne n'est comme moi. Personne ne sait ce que ça fait, avais-je coutume de penser.
En fait, nombreux étaient les enfants qui avaient des pères ou des mères homosexuels – parfois les deux – dans les années 1970 et 1980. Le plus souvent, ces parents gays avaient eu des enfants avec des partenaires hétérosexuels avant de finir par vivre au grand jour leur sexualité. Soit ils faisaient leur coming-out et divorçaient pour pouvoir assumer leurs aventures homosexuelles, soit ils ne franchissaient pas le pas et demeuraient mariés, recherchant désespérément des rencontres fugaces. À certains égards, j'avais de la chance. Bien que souvent déçu sur le plan amoureux, au moins papa était libre d'être lui-même, il ne subissait pas la confusion et la haine de soi qui étaient le lot des parents n'ayant pas fait leur coming-out.
Des conservateurs tels que Anita Bryant ou le sénateur de Californie John Briggs craignaient que des professeurs homosexuels inculquent aux enfants un « mode de vie gay ». Papa n'a jamais déployé de tels efforts. Voici ce qu'il a écrit en 1975 :
« Je ne m'efforce pas de faire d'elle une homo. Je ne dissimule pas mon homosexualité pour qu'elle devienne une adulte hétéro. Mais elle peut voir qu'il y a de nombreuses orientations et maintes façons d'être. Espérons que lorsqu'elle sera adulte nous vivrons dans une société où les dichotomies homo-hétéro et homme-femme ne seront pas si importantes. Où les gens pourront simplement être ce qui leur paraît le plus naturel, là où ils sont le plus à leur aise. »
Le désastre, pour papa et d'autres qui ont eu à l'affronter, c'était l'émergence de la crise du sida et les attaques culturelles lancées par les conservateurs à l'encontre des homosexuels, hommes et femmes, au début des années 1980. Le sida a tout d'abord suscité la cruelle indifférence du Président Ronald Reagan, qui n'a pu faire état publiquement de l'épidémie qu'à la fin de son second mandat, après la mort de vingt mille Américains, et la rhétorique hostile de conservateurs proches de Reagan, comme Jerry Falwell, fondateur de la Majorité morale, et Pat Buchanan, futur rédacteur de discours pour Reagan. En 1983, Buchanan a écrit à propos du sida : « Les pauvres homosexuels – ils ont déclaré la guerre à la nature, et voilà que la nature leur inflige un terrible châtiment. »
Sois courageuse. Si tu ne l'es pas, fais comme si. Personne ne fait la différence.
Quand il était petit, les enfants n'avaient le droit de parler que si on leur en donnait l'autorisation et les punitions physiques étaient leur lot quotidien ; chez nous, mon père m'invitait à donner mon opinion sur tout, de ses petits copains à mes punitions. Après une enfance où il avait eu droit à la fessée pour avoir couru tout nu sur la pelouse et où les marques d'affection étaient rares, papa m'a élevée dans une maison au sein de laquelle un homme nu pouvait parader dans le couloir, où j'habitais sur ses genoux et l'appelais mon petit copain. Il n'y avait jamais cette notion selon laquelle « cela ne regarde pas les enfants ». Mon père m'emmenait partout, me présentait à tout le monde et travaillait dur pour me mettre sur un pied d'égalité. Et comme j'étais une enfant précoce et que papa était un adulte enfantin, à certains égards, nous étions effectivement sur un pied d'égalité.
Tu ne vois donc pas, m'interrogeait-il, que Ma sorcière bien-aimée traite du conflit entre la spiritualité anarchique, Samantha, et l'aspiration à l'ordre du patriarcat répressif, Jean-Pierre ?
Papa était un soutien local de [Harvey] Milk et a défendu les droits des homosexuels de la manière qui lui paraissait la plus logique : sur un plan artistique. Il a écrit un poème sur Anita Bryant, qu'il a transformé en affiche façon bande dessinée et qu'il a ensuite, en ce mois de mai, lu en direct à la radio libre KPOO :
« … Ô Humanité ! Quand donc retiendrons-nous les leçons de l'histoire ?
Si nos enfants ont besoin d'être sauvés de quoi que ce soit
C'est des chasseurs de sorcières avec leurs étoiles roses et leurs fours à gaz.
Plus jamais ! Cette fois-ci, nous résisterons. »
Elle voulait « sauver les enfants ». Au printemps 1977, une certaine Anita Bryant, promotrice du jus d'orange de Floride, se fit connaître de toute l'Amérique en s'opposant publiquement à un arrêté des droits civils visant à interdire la discrimination contre les homosexuels, femmes et hommes, dans le comté de Miami-Dade. Des lois similaires avaient été votées dans tout le pays. Miami était néanmoins la première ville du Sud à prendre une telle initiative, et Anita Bryant, une chrétienne évangélique mère de quatre enfants, était prête à tout pour que cela n'ait pas lieu. Dans des spots publicitaires à la télé, elle comparait l'esprit sain et bon enfant de la Rose Parade aux danses mi-nues du défilé de la Gay Pride à San Francisco. Bryant développait l'argument selon lequel les avancées de la communauté homosexuelle en matière de droits attaquaient les valeurs américaines et constituaient une menace pour les enfants. Dans des annonces publiées dans la presse, elle expliquait sa position : « Ce que ces gens veulent vraiment, tapi derrière un obscur jargon juridique, c'est le droit de suggérer à nos enfants qu'il existe un autre mode de vie acceptable… Je mènerai une croisade comme jamais notre pays n'en a connu pour que cela cesse. »