Les malfrats de Montmartre, Jean avait eu l'occasion de les observer du temps de sa jeunesse vagabonde. (...) On peut seulement dire que la vérité réaliste du personnage de Pépé [Pépé le Moko] prenait ses racines dans cette culture populaire qu'il avait acquise très jeune entre Pigalle et Barbès.
Cette "vérité" de Pépé était telle - et le manque de discernement d'une partie du public d'alors entre la représentation cinématographique et la "réalité" s'y ajoutant- qu'après Pépé le Moko, Jean fut assailli de propositions de la part de prostituées désireuses de "travailler" pour lui.
- Quand j'avais quinze ou seize ans, si je ne suis pas devenu un voyou, je le dois à personne d'autre qu'à moi même!...A personne d'autre!
- Je n'ai pas été élevé... Je me suis élevé tout seul...
Avec Bernard Blier, Jean avait deux sujets de conversation qui dominaient nettement les autres, quand ils voulaient bien être sérieux : c'était le sport et la bouffe.
Jean avait une mémoire encyclopédique des évènements sportifs, notamment de ceux qui dataient de sa jeunesse. Cela donnait ce genre de conversation :
- Paris-Roubaix 1928, premier Leducq ! Deuxième Binda !...
Pour le faire marcher, Blier l'interrompait :
- A combien du premier ?
- Deux minutes quinze, monsieur ! répliquait Jean sans hésiter et sans qu'on sache d'ailleurs s'il bluffait ou pas.
Si Duvivier m'a appris ce qu'était la technique du cinéma, je dois à Jean Renoir d'avoir compris le métier d'acteur. Ça peut paraître étonnant que je dise ça, mais il m'a fait aimer les comédiens...
On dit qu'il est un grand directeur d'acteurs. Moi, "un directeur d'acteurs", je n'ai jamais su exactement ce que c'était. Lui non plus probablement. Ce que je sais, par contre, c'est que Renoir " comprend" les comédiens et surtout il les aime. Alors peut-être qu'un grand directeur d'acteurs, c'est ça.
Enfant, adolescent ou adulte, Jean n'a jamais étalé ses sentiments profonds, notamment pas ceux qui le blessaient dans sa sensibilité ou dans son amour-propre.
Ne fréquentant pas l'église et négligeant donc les mots "veillez et priez", il ne devait retenir que les derniers qu'il transforma d'ailleurs en " nul ne sait ni le jour, ni l'heure".