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EN QUÊTE DE SENS
Voies de la connaissance
André Lévy
En ce siècle d'incertitudes croissantes, la question du sens revêt une particulière acuité. Qui sommes-nous ? Que devons-nous faire pour répondre à notre devoir ? Récusant les réponses des religions, philosophes et scientifiques ont voulu élaborer des connaissances par la seule force de l'esprit. Mais l'éthique des chercheurs en sciences humaines a souvent été mise à l'épreuve. Or tout comme le sens, la connaissance ne se donne pas, elle se construit. Cet ouvrage reprend cette exigence et l'éclaire.
André Lévy est ancien professeur des universités et Président d'honneur du Centre International de Recherche, Formation et d'Intervention en Psychosociologie (CIRFIP). Il a publié Sciences cliniques et organisation sociale aux PUF.
Broché - format : 15,5 x 24 cm
ISBN : 978-2-343-15091-8 ? 13 juin 2018 ? 106 pages
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Je me désole de n'avoir plumes ni ailes pour voler à ton secours. Y consentir ou non ? Ce n'est pas la question. Mais c'est un lac aux eaux profondes ; moi qui vais dans la poussière de ce monde, puissé-je accomplir la mission que tu souhaites me confier ! Je crains toutefois que les voies de lumière et de ténèbres ne soient l'une et l'autre impénétrables et ne me conduisent à trahir ta supplique en manquant à cette tâche assumée avec sincérité.
La table fut mise et des braseros disposés aux quatre coins de la pièce. Le soleil illuminant les fenêtres, la chambre était de la plus grande clarté. Bientôt les petites servantes apportaient la boisson et les plats. La vaisselle et les coupes s'alignaient, les mets fins s'amoncelaient. Le vin jetait des reflets d'or, le thé s'infusait dans des vases de jade. En jupe brodée et veste de brocart, découvrant des dents éclatantes, la femme tendait une coupe de ses mains de jade, révélant ses intentions à son regard comme voilé par les eaux d'automne. Ils bavardaient et riaient en jouant à la mourre et aux osselets, échauffant le printemps de leur passion, lourd de désirs longuement mûris. Ils continuèrent à boire longtemps, jusqu'au coucher du soleil, le regard pervers, le cœur chaviré. Puis on apporta les chandeliers d'argent. Envahis par l'ivresse, ils pénétrèrent tous deux dans la chambre intérieure, écartant les rideaux et fermant les fenêtres. La servante moucha discrètement les chandelles, tandis que la belle se hâtait de fermer les vantaux pourpres.
Le char balance
Le char balance, les chevaux galopent.
Ma pensée te poursuit, jamais ne t’oublierai.
Où vas-tu, à l’ouest, vers la capitale ?
J’aimerais être ton ombre pour te suivre,
Mais elle ne se voit pas dans les ténèbres :
Puisses-tu demeurer dans la lumière !
// Anonyme
/Traduction André Lévy
incipit :
I. 1. "Etudier pour pratiquer ce qu'on apprend au bon moment, n'est-ce point tout de même une satisfaction ? Avoir des compagnons venus de loin, n'est-ce pas tout de même une joie ? Rester méconnu sans en être aigri, n'est-ce point digne de l'homme de qualité ?" disait le Maître.
Dix amours !
(Chanson sur l’air « Fendons le jade ! »)
Mon premier et mon second amour, c’est toi,
Parce que tu es intelligent et narquois.
Mon troisième et quatrième amour, c’est toi,
Parce que tu es beau et courtois.
Mon cinquième et sixième amour, c’est toi,
Parce que, d’humeur égale, tu te tiens coi.
Mon septième amour, c’est toi,
Parce que tu sais parler et me plaît ta voix.
Mon huitième amour, c’est toi,
Parce que je suis ton choix.
Mon neuvième amour, c’est toi,
Parce que tu es à moi.
Mon dixième amour, c’est encore toi,
Parce que je t’aime !
// Anonyme
/Traduction André Lévy
La grande demoiselle eut vent de ces rumeurs. Elle interrogea discrètement son mari qui protesta véhémentement :
« Tu crois cette salope d'esclave qui sur le vice ? Hier j'ai passé la nuit à la boutique. Quand donc serais-je allé au jardin ? D'ailleurs la barrière était restée fermée toute la journée.
— Gibier de potence ! Cesse de discutailler, répliqua sa femme irritée, que souffle le vent, l'herbe s'agite. Et c'est arrivé à mes oreilles. Si jamais ma " mère " se trouve amenée à m'en parler, tu peux le tenir pour dit, dégage et ne songe plus à entrer dans cette chambre !
— Des cancans, il y en aura toujours. Il suffit de ne pas y prêter attention. Ils disparaissent tout naturellement. Pas étonnant que cette mauvaise langue d'esclave ait reçu sa récompense. »
Livre IX, Chapitre LXXXIII.
Le mystère, connu des lecteurs, n’est pas dévoilé par l’astuce de l’un quelconque des protagonistes. La justice ne joue à cet égard qu’un rôle passif. Accordons que nous n’avons pas affaire à un « vrai » policier au sens de la tradition occidentale. C’est une sorte de policier à l’envers où l’astuce de la machination se retourne contre son auteur qui avait sous-estimé le sens de la loyauté – et la rancune – de la femme. L’époux, militaire emporté et brutal, comme il sied à sa profession, s’en tire avec la punition qu’il s’est lui-même infligée.
Ce n'est point le vin qui enivre, mais l'homme qui se soûle. (p. 875)
Le réalisme des « petits détails qui font vrai », la visualisation « cinégraphique » qui commande l’agencement des séquences narratives apparaissent comme autant de conquêtes de l’art romanesque issu de milieux populaires, art diamétralement opposé au goût de la concision de la haute littérature classique. L’expression orale n’est pas ici imitation ou simple alibi ; elle explique et justifie les répétitions que le traducteur n’a pas cru devoir éluder.
Il est assurément malaisé de distinguer le romanesque « noir » de celui à suspens puisque dans l’un et l’autre la source principale du plaisir de lire résulte de l’art d’enchaîner la marche quasi tragique du récit. Néanmoins, ce qui rapproche l’énigme du « suspens », c’est la gageure de l’impossible apparent placée vers le début du récit dans le premier cas, la fin dans le second. Le narrateur livre une sorte de match au lecteur.