TV Film "Cadfael", extrait
Après la bataille, les devins de la onzième heure sont toujours légion.
Les hommes sont changeants, faillibles et il faut les prendre comme ils sont.
Celui qui t'a donné ton nom a prévu ton avenir.
Il avait si bien accepté sa solitude qu'elle lui semblait sa condition naturelle et éternelle, et il ne cherchait pas à rompre le silence.
Chapitre 4

Tu es celui qui a conduit mon père Harry Talvace dans ces murs, avec son frère de lait, Adam Boteler. Tu en as fait ton maître d'œuvre pour qu'il te construise une splendide église. Ne t'a-t-il pas donné ce que tu lui demandais ? A-t-il failli dans son service ? Tu sais bien que non ! C'est dans cette église que je t'ai rencontré pour la première fois, et j'ai vu ton regard sur l'œuvre de mon père. Tu en connaissais la perfection. Tu l'as même admis devant moi. En quoi t'a-t-il trahi ? Comment t'a-t-il offensé ? Il a arraché de tes mains un jeune prince gallois, un enfant de neuf ans que tu devais mettre à mort sur les ordres du roi Jean, et il a chargé Adam de le ramener auprès de son père adoptif, le prince Llewelyn. Voilà toute sa faute ! Il a privé le roi Jean du petit cadavre d'Owen ap Ivor et il t'a épargné l'accomplissement d'une ignominieuse allégeance que tu abhorrais mais devant laquelle tu ne voulais pas te dérober. Ensuite il est revenu se livrer à toi, parce qu'il avait juré de ne pas te quitter avant d'avoir achevé son chef-d'œuvre. Il l'a achevé, le corps enchaîné, et lorsque le dernier pilier et la dernière claie d'échafaudage ont été démontés, tu l'as conduit devant sa propre église pour qu'il y subisse une mort de traître, une mort atroce. « Ce cœur qui est le tien, as-tu dit, je l'arracherai de ta poitrine. » Et c'est ce que tu aurais fait, si ta bien-aimée Madonna Benedetta n'était secrètement intervenue pour lui ménager une fin meilleure, rapide et propre, par la main de son archer John le Fléchier. Mais même alors tu ne pouvais te résoudre à le laisser en paix. Ni lui, ni Benedetta, parce qu'elle l'aimait et l'avait sauvé. Tu l'as dévêtue et tu l'as attachée, vivante, au corps de mon père mort, puis tu les as précipités dans les eaux de la Severn afin qu'ils pourrissent à jamais dans les bras l'un de l'autre. Mais John le Fléchier les a repêchés, donnant à l'une la vie, et à l'autre une tombe paisible à Strata Marcella. Tu ne voulais pas en rester là. Tu as retrouvé la trace de Madonna Benedetta ainsi que celle de ma pauvre mère, encore chancelante de m'avoir mis au monde, et tu nous as pourchassés au-delà de la frontière de Gwynedd, jusqu'à un refuge que tu n'avais pas prévu : le manoir et la protection paternelle du prince Llewelyn.
Chapitre 1
Oui, maintenant il les reconnaissait. L'homme et la bague, des cadeaux l'un et l'autre. C'est bien long, dix-huit ans. Cela tasse un homme, entrave sa démarche, blanchit ses cheveux, corrode son visage, mais cela lui laisse un éclat dans le regard qui dit la plénitude de sa haine, et un acide dans le cœur qui se diffuse jusque dans ses paroles.
Chapitre 4
Osbern le bancal, qui était né avec les jambes atrophiées, et qui se déplaçait à une vitesse incroyable sur ses mains armées de patins de bois, trainant derrière lui ses genoux sans force sur une petite charrette de bois, était le plus humble parmi ceux qui suivaient le roi.
Lorsque les ténèbres commencèrent à s'adoucir un peu avant l'aube, Benedetta quitta sa couche et monta jusqu'au sommet de la colline, où le vent se levait, lui apportant la plainte de la mer, le flux et le reflux de la marée montante, pareils aux grands soupirs d'un lointain chagrin enfin apaisé après les tourments des débuts. Elle délivra ses cheveux sur ses épaules et fit les cent pas pendant les dernières heures de la nuit, tel un chien à l'affût sur l'herbe incolore. Silencieuse, attentive, guettant le signal. À l'aube, elle redescendit de la colline, aussi calme que la pierre que le maçon a fini de tailler, dont la forme est achevée et parfaite et ne doit plus être retouchée de crainte de gâter sa perfection.
Chapitre 3
La sainte femme d'Aber, bien qu'elle n'eût pas prononcé ses vœux, demeurait en ces lieux telle la cime de la montagne, respectant son accord secret avec Dieu, sans jamais émettre un reproche, une plainte, sans jamais laisser place au moindre désir. Son sang ne s'animait (à l'évocation de Dieu seul savait quel souvenir) que lorsque la mère du garçon lui rendait visite, faisant renaître par sa voix fraîche et vive, ses yeux brillants et tristes, le monde d'autrefois.
Chapitre 3
Les métaux stupides que vous entassez et qui vous sont plus chers que l'honneur, ne comptez pas vous en servir pour acheter ma conscience.