Angela Petch

J’étais trop jeune quand nous avons quitté l’Italie pour me rappeler à quoi elle ressemblait. Ces salauds de Tedeschi et de fascisti ont abattu trente-trois civils. Il y avait eu une escarmouche avec les partigiani la veille, en contrebas, dans la vallée. Deux Tedeschi avaient été abattus, et ils ont trouvé un partisan blessé au village, alors ils ont décidé d’exercer des représailles, ces putains d’enfoirés.

C’est triste de découvrir le passé de ma mère maintenant qu’elle est morte. Il y a des dizaines de questions que j’aurais aimé lui poser. En Angleterre, nous connaissons bien la Résistance française, mais je n’ai jamais entendu parler de ce qui a eu cours en Italie.

À vrai dire, j’aime voir le passé reprendre vie. Les gens de la génération de nos parents en ont vu de dures, c’est indéniable.

Maintenant, tenez-le dans la lumière, faites-le tournoyer, et regardez la paroi du verre. Cherchez les arcs que le vin laisse derrière lui. Ils indiquent sa force : plus ils sont proches les uns des autres, plus le vin est fort. Ensuite, savourez-le en le laissant un instant dans votre bouche avant d’avaler. Attendez l’arrière-goût.

Je n’arrive pas à imaginer comment les gens faisaient pour construire ces maisons, autrefois, et comment ils faisaient pour travailler une terre aussi pentue, dit Anna en regardant à travers la vitre.

Souvent, dans ce pays, l’important est qui on connaît et non ce qu’on connaît ! L’Américain en question est mon cousin, c’est ce qui m’a permis d’avoir cette expérience. Nous autres, Italiens, atterrissons partout dans le monde, vous savez ! Après la guerre, les gens ont émigré en masse pour trouver du travail, et c’est comme ça que mon oncle s’est retrouvé à Boston.

Je rêvais de voyager, autrefois… Vous savez, ce sentiment qu’on a quand on est jeune ? Quand on croit que le monde nous appartient ? Qu’on peut l’enlacer et saisir toutes les opportunités ?

Si seulement les montagnes pouvaient parler, ou si elle pouvait remonter le temps pour voir de ses propres yeux ce qui s’est passé à cet endroit !

Commencer à lire le journal de ma mère est comme pénétrer dans un nouveau monde, pour moi… C’est extraordinaire de savoir qu’elle l’a écrit ici même. J’aurais voulu connaître l’existence qu’elle avait derrière elle quand elle était encore en vie, et la comprendre… Elle pouvait être difficile, vous savez. À vrai dire, mes parents étaient tous les deux difficiles.

Maintenant, raconte-moi tout. Tu sais ce qu’on dit : un problème partagé est à moitié réglé.

Je prends le pull-over de rigueur et, à la dernière minute, un carnet dans lequel je glisse une photographie de ma petite amie, Phyllis. L’absence rend le cœur plus tendre, et je ne serais pas mécontent d’être en sa compagnie à l’heure qu’il est. C’est dommage que maman et papa ne l’aiment pas.

On dit que chacun a un livre en lui, mais ce que tu t’apprêtes à lire est la vérité et non de la fiction. Et je crois que notre histoire mérite d’être racontée. La guerre projette encore sa grande ombre sur nos vies, même s’il s’est écoulé plus de cinquante ans.
Cela m’a attristée de lire les mots de ton père. Pendant un moment, ils m’ont ramenée à l’époque où nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre. C’est fou comme les choses peuvent changer ! Que de saletés la vie peut mettre en travers de notre chemin !

Tu regrettes de m’avoir largué ? Tu meurs d’impatience de me remettre dans ton lit ? Ça fait combien de temps, déjà ? Bon sang, je dirais que ça fait deux mois que nous n’avons pas baisé ? Le zizi du vieux Will commence à être rouillé, ah, ah !

Francesco n’est qu’une autre facette du charme du lieu. C’est toute la magie de l’Italie qui lui fait perdre la tête. Elle choisit avec soin sa tenue : un tailleur-pantalon en lin couleur café et un chemisier crème, qui lui va beaucoup mieux maintenant qu’elle a pris des couleurs.

Nous ne croyions pas au mariage, mais finalement, il y a deux ans, nous avons décidé que nous marier serait la meilleure chose à faire pour Alba. Silvana ne voulait surtout pas que notre fille soit cataloguée comme illégitime. Elle estimait que cela risquait de lui causer des problèmes à l’avenir. Alors nous avons fait un grand mariage chic, nous avons invité tous nos proches, la famille et les amis, nous avons réservé un restaurant luxueux au centre-ville de Bologne pour le petit-déjeuner du mariage…

J’aime beaucoup ses dessins. Elle a du talent, et elle se sent probablement dans son élément ici, au milieu de ces œuvres d’art. Peut-être ne devriez-vous pas trop vous en faire. C’est peut-être simplement un endroit qu’elle adore, où elle a des souvenirs heureux.

De toute façon, se retourner pour lui parler lui donne mal au cœur, dans les virages en épingle à cheveux. Francesco connaît bien le chemin, et elle se sent en sécurité malgré la descente abrupte. La route descend en serpentant sur le flanc de la montagne, avec le Marecchia en contrebas. Des versants boisés et rocheux s’élèvent, sinueux, depuis la vallée fluviale.

On offre un prix élevé pour les prisonniers de guerre, et il y a plein de gens qui meurent de faim et qui seraient ravis de toucher l’argent en te livrant aux Allemands.

Il est plus fort, plus beau, et plus grand que dans mon souvenir, peut-être parce qu’il ne boite plus. Ses cheveux ont poussé, aussi, et il a pris le soleil, il a perdu le teint cireux maladif qu’il avait voici quelques semaines. Mais il n’y a pas moyen qu’il passe pour un Italien. Il m’a souri et je lui ai souri à mon tour, le cœur faisant de folles galipettes.

Aucun homme ne m’a jamais embrassée correctement – les bisous d’enfant de Capriolo, après l’école, ne comptent pas – mais j’ai envie d’embrasser Jim.