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Citations de Antonin Artaud (994)


Petit poème des poissons de la mer (1926)

Je me suis penché sur la mer
Pour communiquer mon message
Aux poissons :
« Voilà ce que je cherche et que je veux savoir. »

Les petits poissons argentés
Du fond des mers sont remontés
Répondre à ce que je voulais.

La réponse des petits poissons était :
« Nous ne pouvons pas vous le dire
Monsieur
PARCE QUE »
Là la mer les a arrêtés.

Alors j’ai écarté la mer
Pour les mieux fixer au visage
Et leur ai redit mon message :
« Vaut-il mieux être que d’obéir ? »

Je le leur redis une fois, je leur dis une seconde
Mais j’eus beau crier à la ronde
Ils n’ont pas voulu entendre raison !

Je pris une bouilloire neuve
Excellente pour cette épreuve
Où la mer allait obéir.

Mon cœur fit hamp, mon cœur fit hump
Pendant que j’actionnais la pompe
À eau douce, pour les punir.

Un, qui mit la tête dehors
Me dit : « Les petits poissons sont tous morts. »

« C’est pour voir si tu les réveilles,
Lui criai-je en plein dans l’oreille,
Va rejoindre le fond de la mer. »

Dodu Mafflu haussa la voix jusqu’à hurler en déclamant ces trois derniers vers,
et Alice pensa avec un frisson : « Pour rien au monde je n’aurai voulu être ce messager ! »

Celui qui n’est pas ne sait pas
L’obéissant ne souffre pas.

C’est à celui qui est à savoir

Pourquoi l’obéissance entière
Est ce qui n’a jamais souffert

Lorsque l’être est ce qui s’effrite
Comme la masse de la mer.

Jamais plus tu ne seras quitte,
Ils vont au but et tu t’agites.
Ton destin est le plus amer.

Les poissons de la mer sont morts
Parce qu’ils ont préféré à être
D’aller au but sans rien connaître
De ce que tu appelles obéir.

Dieu seul est ce qui n’obéit pas,
Tous les autres êtres ne sont pas
Encore, et ils souffrent.

Ils souffrent ni vivants ni morts.
Pourquoi ?

Mais enfin les obéissants vivent,
On ne peut pas dire qu’ils ne sont pas.

Ils vivent et n’existent pas.
Pourquoi ?

Pourquoi ? Il faut faire tomber la porte
Qui sépare l’Être d’obéir !

L’Être est celui qui s’imagine être
Être assez pour se dispenser
D’apprendre ce que veut la mer…

Mais tout petit poisson le sait !
Il y eut une longue pause.
« Est-ce là tout ? demanda Alice timidement.
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La tristesse hideuse du vide,
du trou où il n’y a rien,
il ne souffle pas le rien,
il n’y a rien,
c’est autour du trou,
au point où les mots se retirent,
un trou sans mots,
syllabe sans sons.
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Les Nouvelles Révélations de l’Être

Mort au monde ; à ce qui fait pour tous les autres le monde, tombé enfin, tombé, monté dans ce vide que je refusais, j’ai un corps qui subit le monde, et dégorge la réalité.
J’ai assez de ce mouvement de lune qui me fait appeler ce que je refuse et refuser ce que j’ai appelé.
Il faut finir. Il faut enfin trancher avec ce monde qu’un Être en moi, cet Être que je ne peux plus appeler, puisque s’il vient je tombe dans le Vide, cet Être a toujours refusé.
C’est fait. Je suis vraiment tombé dans le Vide depuis que tout, – de ce qui fait ce monde, – vient d’achever de me désespérer.
Car on ne sait que l’on n’est plus au monde que quand on voit qu’il vous a bien quitté.
Morts, les autres ne sont pas séparés : ils tournent encore autour de leurs
cadavres.
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C’est l’ordre de la cochonnerie criminelle…
C’est l’ordre de la cochonnerie criminelle, mentale qui a
provoqué la formation des corps,
et elle était morale, augurale et préputiale,
car le mental de corps
c’est de la couille en bande
et de l’esprit à troude,
et tout cela ne fut jamais qu’un corps.
La masse
agit par un bisquille
et petandi mora trosquille
et tranchati lima mimille
et tematille maro pistille
parce que jamais un geste n’a pu être fait sans un corps,
ni une pensée avoir lieu sans un corps,
et plus il y a de corps plus il y a de pensée,
et plus il y a de pensée et moins il y a de corps,
alors il faut tuer la pensée pour le corps,
et il n’y a pas d’esprit
et je n’ai pas d’esprit
et je suis inintelligible
et je n’entre jamais sans inintelligible
attaché comme un nouveau corps
à l’aisselle de mes pieds morts,
et ils carapatent les pieds qui pensent,
ce n’est pas de la pensée mais de la panse,
et jamais je n’ai eu d’esprit,
et si tu dis: Jamais d’esprit, non, jamais d’esprit de ta vie,
dieu qui parles dans mon corps,
je te…
parce que tu ne crois pas au corps,
et même ici pour ce discours,
apprête-toi à quelque chose.
Car si l’esprit ni la pensée existent, alors il ne fallait pas
en parler.
il n’aurait jamais fallu en parler.

Moi je n’ai pas d’esprit,
je ne suis qu’un corps.
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Ca va mal
parce que la conscience a été marronnée et que nous ne sommes pas où nous croyons être.
Et en réalité nous ne sommes pas là.
Non, personne n'est ce corps qu'il est exactement,
il y a autre chose,
un ailleurs
qui n'est pas dans l'au-delà mais sur la terre,
en certains points connus et catalogués de la terre,
non par nous, certes,
mais par les manœuvriers ordinaires de certains accaparements.
La conscience n'est pas seulement le corps qu'elle occupe,
elle le déborde,
et quand elle déborde
ça se voit.

P 91
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Antonin Artaud
Pensez-vous qu'on puisse reconnaître moins d'authenticité littéraire et de pouvoir d'action à un poème défectueux mais semé de beautés fortes qu'à un poème parfait mais sans grand retentissement intérieur ?

(Correspondance avec Jacques Rivière)
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Antonin Artaud
La cruauté est avant tout lucide, c'est une sorte de direction rigide, la soumission à la nécessité. Pas de cruauté sans conscience, sans une sorte de conscience appliquée. C'est la conscience qui donne à l'exercice de tout acte de vie sa couleur de sang, sa nuance cruelle, puisqu'il est entendu que la vie c'est toujours la mort de quelqu'un.
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La frange ténébreuse insolite du vide montant d'après l'éclair.
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«On n'a pas le droit d'écrire comme cela, un poème qui est hors du coeur, hors de l'affre et du sanglot coeur, un poème qui n'a pas été souffert comme:
Dites-moi où, dans quel pays
Est Flora la belle Romaine,
La royne Blanche comme un lys
Qui chantait à voix de sirène»
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"La médecine est née du mal, si elle n'est pas née de la maladie et si elle a, au contraire, provoqué et créé de toutes pièces
le malade pour se donner une raison d'être."
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Verlaine boit (1921)
Il у aura toujours des grues au coin des rues,
Coquillages perdus sur les grèves stellaires
Du soir bleu qui n’est pas d’ici ni de la terre,
Où roulent des cabs aux élytres éperdues.

Et roulent moins que dans ma tête confondue
La pierre verte de l’absinthe au fond du verre,
Où je bois la perdition et les tonnerres
A venir du Seigneur pour calciner mon âme nue.

Ah! Qu’ils tournent les fuseaux mêlés des rues
Et filent l’entrelacs des hommes et des femmes
Ainsi qu’une araignée qui tisserait sa trame
Avec les filaments des âmes reconnues.
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Musicien (1923)
Voici que s’embrase ton masque
Musicien aux veines cireuses
Allume les bobèches creuses
Avec tes notes en fusion.

La foudre partage les ventres
Des vaisseaux nouveaux que tu lances
Construis-nous un petit enfer
Avec tes firmaments en antres.

Les astres que tu dilapides
Les métaux précieux que tu crées
Composent le temple rapide
De nos sentiments familiers.

Mais voici la plus belle église
Qui ouvre ses canaux profonds
Belle église cent fois décrite
Où n’habitent que des démons.
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Fête nocturne (1923)

Cette fête lie les étangs
Au fulgurant charroi des astres
Avec ses cornes d’abondance
Où roulent nos pensers brillants.

Quelque part entre terre et ciel
Elle vide ces déchets d’âmes
Que d’aucuns dans la nuit en flammes
Prennent pour des cygnes volants

Et nous paternes assistants
De la transfusion de nos moelles
Voyons fondre aussi les étoiles
De nos rêves exhilarants.
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Horripilation

C’était comme si l’irrémédiable s’était accompli:
L’horreur était à son comble
En même temps que le désespoir
Et la navrance.
Et cela s’étendait
A toute la vie de mon âme dans l’avenir.
Dieu alors s’était fait introuvable.
Il y avait un point noir
Où avait conflué ma destinée.
Et elle demeurait là
Figée
Jusqu’à ce que les temps
Se soient résorbés dans l’absolu.
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Deuxième lettre de ménage

J’ai besoin, à côté de moi, d’une femme simple et équilibrée, et dont l’âme inquiète et trouble ne fournirait pas sans cesse un aliment à mon désespoir. Ces derniers temps, je ne te voyais plus sans un sentiment de peur et de malaise. Je sais très bien que c’est ton amour qui te fabrique tes inquiétudes sur mon compte, mais c’est ton âme malade et anormale comme la mienne qui exaspère ces inquiétudes et te ruine le sang. Je ne veux plus vivre auprès de toi dans la crainte. J’ajouterai à cela que j’ai besoin d’une femme qui soit uniquement à moi et que je puisse trouver chez moi à toute heure. Je suis désespéré de solitude. Je ne peux plus rentrer le soir, dans une chambre, seul, et sans aucune des facilités de la vie à portée de ma main. Il me faut un intérieur, et il me le faut tout de suite, et une femme qui s’occupe sans cesse de moi qui suis incapable de m’occuper de rien, qui s’occupe de moi pour les plus petites choses. Une artiste comme toi a sa vie, et ne peut pas faire cela. Tout ce que je te dis est d’un égoïsme féroce, mais c’est ainsi. Il ne m’est même pas nécessaire que cette femme soit très jolie, je ne veux pas non plus qu’elle soit d’une intelligence excessive, ni surtout qu’elle réfléchisse trop. Il me suffit qu’elle soit attachée à moi. Je pense que tu sauras apprécier la grande franchise avec laquelle je te parle et que tu me donneras la preuve d’intelligence suivante : c’est de bien pénétrer que tout ce que je te dis n’a rien à voir avec la puissante tendresse, l’indéracinable sentiment d’amour que j’ai et que j’aurai inaliénablement pour toi, mais ce sentiment n’a rien à voir lui-même avec le courant ordinaire de la vie. Et elle est à vivre, la vie. Il y a trop de choses qui m’unissent à toi pour que je te demande de rompre, je te demande seulement de changer nos rapports, de nous faire chacun une vie différente, mais qui ne nous désunira pas.
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Lettre du 17 septembre 1945

Les gens sont bêtes. La littérature vidée. Il n’y a plus rien ni personne, l’âme est insane, il n’y a plus d’amour, plus même de haine, tous les corps sont repus, les consciences résignées. Il n’y a même plus l’inquiétude qui a passé dans le vide des os, il n’y a plus qu’une immense satisfaction d’inertes, de boeufs d’âme, de serfs de l’imbécilité qui les opprime et avec laquelle ils ne cessent nuit et jour de copuler, de serfs aussi plats que cette lettre où j’essaie de manifester mon exaspération contre une vie menée par une bande d’insipides qui ont voulu à tous imposer leur haine de la poésie, leur amour de l’ineptie bourgeoise dans un monde intégralement embourgeoisé, avec tous les ronronnements verbaux des soviets, de l’anarchie, du communisme, du socialisme, du radicalisme, des républiques, des monarchies, des églises, des rites, des rationnements, des contingentements, du marché noir, de la résistance.
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Jardin noir

Roulez fleuves du ciel dans nos pétales noirs.
Les ombres ont comblé la terre qui nous porte.
Ouvrez nos routes au charroi de vos étoiles.
Éclairez-nous, escortez–nous de vos cohortes,
Argentines légions, dans la route mortelle
Que nous entreprenons au centre de la nuit.
Ainsi le jardin parle au bord de la marée.
Et le métal figé de vos saintes colonnes
Ô tiges a vibré. Voici la nuit qui donne
L’universelle clef de ses portes de corne
Aux émanations des âmes délivrées.

(1925)
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Prière (1923)

Ah donne-nous des crânes de braise
Des crânes brûlés aux foudres du ciel
Des crânes lucides des crânes réels
Et traversés de ta présence

Fais-nous naître aux cieux du dedans
Criblés de gouffres en averses
Et qu’un vertige nous traverse
Avec un ongle incandescent

Rassasie-nous nous avons faim
De commotions intersidérales
Ah verse-nous des laves astrales
A la place de notre sang

Détache-nous. Divise-nous
Avec tes mains de braises coupantes
Ouvre-nous ces routes brûlantes
Où l’on meurt plus loin que la mort

Fais vaciller notre cerveau
Au sein de sa propre science
Et ravis-nous l’intelligence
Aux griffes d’un typhon nouveau
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Silence (1925)

Belle place aux pierres gelées
Dont la lune s’est emparée
Le silence sec et secret
Y recompose son palais
Or l’orchestre qui paît ses notes
Sur les berges de ton lait blanc
Capte les pierres et le silence.

C’est comme un ventre que l’amour
Ébranle dans ses fondements
Cette musique sans accent
Dont nul vent ne perce l’aimant
La lumière trempe au milieu
De l’orchestre dont chaque jour
Perd un ange, avance le jour.

Rien qu’un chien auprès du vieillard
Ils auscultent l’orgue en cadence
Tous les deux. Bel orgue grinçant
Tu donnes la lune à des gens
Qui s’imaginent ne devoir
Leurs mirages qu’à leur science.
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Amour

Et l’amour ? Il faut nous laver
De cette crasse héréditaire
Où notre vermine stellaire
Continue à se prélasser

L’orgue, l’orgue qui moud le vent
Le ressac de la mer furieuse
Sont comme la mélodie creuse
De ce rêve déconcertant

D’Elle, de nous, ou de cette âme
Que nous assîmes au banquet
Dites-nous quel est le trompé
O inspirateur des infâmes

Celle qui couche dans mon lit
Et partage l’air de ma chambre
Peut jouer aux dés sur la table
Le ciel même de mon esprit

Tric Trac du ciel (1923)
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