Benoît Coquil est un enseignant mais il vient de publier son tout premier roman, "
Petites choses", édité chez Rivages. Cette histoire date de la nuit des temps, mais l'auteur la commence au début des années 50, dans un petit village isolé du sud du Mexique, où l'on y trouve des champignons étonnants. Des
petites choses qui, si vous les goûtez, vous permettront de toucher l'au-delà. Les anciens les appelaient la chair des Dieux, et un jeune couple américain va les découvrir, les étudier, puis les apporter en Occident... où tout le monde voudra les goûter, au risque de leur faire perdre leur dimension sacrée.
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Voici Psilocybe.
Psilocybe, qui se tient droit, se dresse sur la terre, pas bien haut. Psilocybe, discret ne paye pas de mine. Il passe inaperçu. Encore mince, élancé, fait d'un seul tenant, là-dessus un simple chapeau brun beige terreux, eux, un peu élimé sur les bords. Vous le trouverez le plus souvent près d'un champ de maïs ou bien dans une prairie, à l'abri du soleil. Psilocybe, comme tous les autres, se tient dans l'ombre. Et comme tous les autres, il est là pour quelques jours à peine, après la pluie. Il ne fait pas ce que passer.
Alors il fuit encore.Il cherche une Arcadie, un rivage un peu ouaté qui assourdisse le boucan de la guerre.Une terre douillette et reculée où travailler tranquille.Il cherche les rives du Neutre.Cette fois il prend plein sud. Ce sera l'Argentine.(...)
A Buenos Aires, il va passer neuf mois.Neuf mois suspendus, le temps de prendre congé du monde et pourquoi pas de lui- lui-même. Il veut s'amuïr, comme une voyelle : cesser d'être prononcé. De ce hiatus de neuf mois on ne sait pas grand grand-chose, hormis par quelques lettres, quelques entretiens. Pour le raconter, il faut appeler la fiction à la rescousse.
( p.29)
A coup sûr il fera s'emballer ou ralentir votre cœur, dilatera vos pupilles. C’est toujours ainsi avec lui. Sans doute il vous fera connaître l'euphorie et les larmes.
Ils ne vous montrera rien de lui, vous fera plutôt voir en dedans de vous-même. Peut-être vous montrera-t-il vos morts, ceux qui était là avant vous. Vos morts et aussi votre mort à venir. Ce sera terrifiant ou apaisant.
Psilocybe n'exaucera pas de vœux de fortune, ne vous offrira pas d’éternelle jeunesse. Psilocybe n’est pas ce genre de génie bienfaiteur. Il œuvrera en vous selon son bon vouloir, dans l’obscur, dans la clarté ou bien dans le gris entre les deux. Vous ne déciderez de presque rien.
Si vous croyez au temps régulier des horloges, au temps régulier résolu rectiligne des horloges, Psilocybe le rendra liquide et sinueux comme le ruisseau, le fera s’épaissir, le rendra solide, gazeux, changera les heures en secondes.
Bon ces dames du Femina n’ont rien compris, tant pis pour elles, elles ne savent que respirer l’air du temps, entre introspection permanente et inceste. Laissons-les prendre leur thé à la causerie des lilas, drapées dans leurs châles en étamine de laine.. elles finiront comme les autres rentrées dans leur ombilic à force de vouloir faire tourner leurs soucoupes blablateuses . le vent de l’aventure devait déranger leurs brushings ..
ce roman est toujours en lice pour le « Femina
des lycéens » qui je l’espère , n’ont pas d’œillère , savent lever la tête et humer de leurs jeunes naseaux un autre parfum, celui de l’aventure, du cœur du monde qui bat avec eux. Sans se laisser contaminer par la convenance rance…
( à propos de Marcel Duchamp)
Il est celui par qui le scandale est arrivé , d'abord nu et dans l'escalier, puis dans un urinoir retourné.Il est l'éléphant dans le jeu de quilles des Salons, d'Ulysse aux mille ruses de l'art moderne. D'après son ami Henri-Pierre Roché, il est le Français le plus connu de l'époque à New-York avec Sarah Berhardt et Napoléon. Mais pour l'heure, c'est juste un mince jeune homme au complet froissé qui sent le tabac froid.Nous sommes le 9 septembre 1918 et Marcel Duchamp descend du Crofton Hall après vingt- cinq jours de traversée.
( p.25)
A croire que l'Histoire, quand elle entre par effraction, déboule toujours au milieu d'un échiquier, comme un chien fou dans un jeu de quilles.
Par ailleurs, Josefina Ludmer a pointé le fait que, dans Martín Fierro, l’identité étrangère est liée à la féminité sous la forme de l’insulte. Si l’on associe le territoire national de la pampa à la figure exclusivement masculine du gaucho, par contraste, on dégrade l’étranger en le féminisant, en l’associant à une forme de soumission sexuelle féminine, via un calembour vulgaire portant sur le nom de son pays ou sa nationalité (au début de la Ida : « Hinca-la-perra » pour « Inglaterra » ; « papo-litano » pour « napolitano », papo étant un mot vulgaire pour qualifier le sexe féminin)
Les personnages émancipés : opérations transfictionnelles dans Las aventuras de la China Iron, de Gabriela Cabezón Cámara
C’est autour de lui, Psilocybe l’imperturbable, celui qui revient toujours après la pluie, autour de Psilocybe qui enivre, que tourne cette histoire.
C’est autour de son pied mince et droit que tous vont orbiter, chamanes, sorciers, chercheurs, chimistes, espions, hippies, sages et fous, dieux et diables. Approchez voir Psilocybe haut comme trois pommes, penchez-vous pour le cueillir et vous les verrez tourner, ces histrions du siècle dernier, enivrés qu’ils sont de Psilocybe.
Approchez, et vous saurez.