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Critiques de Bernard Friot (II) (14)
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Abolir la dette

Pour la première fois, je préfère ne pas faire de commentaire…
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Prenons le pouvoir sur nos retraites

Économiste et sociologue du travail, Bernard Friot cherche à comprendre l’obstination des classes dominantes à conduire depuis 35 ans des contre-réformes sur les retraites malgré une constante et forte impopularité, et surtout l’échec quasi systématique des mobilisations.

(...)

Le changement de point de vue radical opéré par Bernard Friot sur la question de la retraite, par un rappel de ce qu’elle est réellement, ouvre des perspectives qui nous permettent de sortir du terrain que nous imposent les réformateurs et de l’impasse dans laquelle ils nous contiennent. Il nous offre un redoutable point d’appui pour envisager un véritable changement systémique.



Compte rendu de lecture à retrouver sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Emanciper le travail : Entretiens avec Patr..

Perversité d'un système qui dure...



Le plus difficile, c'est de reconnaître la domination, autrement que dans le moment d'une lutte, du soulèvement qui la rend tolérable mais comme état permanent, caractéristique d'une classe sociale qui, même lorsqu'elle se révolte, le fait à ses dépens. Elle demande finalement toujours plus de soumission, entraînée dans une logique qui ne lui donne de valeur économique que pour autant qu'elle se soumet aux diktats d'un marché du travail (c'est-à-dire à une pratique capitaliste) mais jamais pour son propre potentiel, sa capacité à produire, son utilité sociale effective.



La lutte des classes, si elle est toujours d'actualité (en ce sens qu'elle ne peut devenir un jour inactuelle), n'a pourtant plus réellement lieu..

Peut-être parce qu'elle est perçue, à tort, comme la radicalisation d'un conflit visant une utopie, quelque chose d'inatteignable, un rêve nécessitant trop de fureur pour qu'il se réalise

L'originalité de Friot, au coeur de l'aliénation, est de considérer ce qui est déjà-là et ne demande qu'à être poursuivi, en cohérence depuis 1945 ; le risque aujourd'hui étant plutôt celui d'un retour en arrière, jusqu'à la normalisation du paiement à l'acte, en illusionnant toujours plus les personnes sur leur capacité d'agir et d'exister par elles-mêmes, en exaltant davantage encore l'individualisme au prix de leur liberté



Un horizon viable pour les travailleurs ne peut se construire dans "des revendications aliénées" ; ce qu'il faudrait plutôt, c'est continuer à faire de la politique
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Emanciper le travail : Entretiens avec Patr..

Pas du tout facile à lire, non pas pour des raisons théoriques, mais par l'insistance à expliquer les concepts avec des points de vue complémentaires, des nuances dans l'approche philosophique ou politique qui font que la lecture exige parfois de revenir en arrière pour vérifier si on est en train de lire un nouveau concept ou si le même est proposé différemment...

Sur le fond, cette proposition communiste de salaire à vie, prolongé a partir des avancées sociales de 1945 est tout à fait pertinente.

La différence avec le revenu universel ou revenu de base apparaît cruciale dans la mesure où le salaire à vie à fait ses preuves avec la fonction publique. Il vise plus large, inclut son financement par une cotisation et passe par une mutualisation des outils de production de valeur ; c'est une mise au rebut du capitalisme, par la réappropriation de la valeur par les salariés qui la produisent.

Les principes sont clairs et sans ambiguïté, mais ça se corse dans les détails concrets, dont la mise en oeuvre rappelle les expériences soviétiques ou cubaines.

Cela dit si on veut vraiment changer le système, ça reste une des rares propositions concrètes viables, à condition de retenir les expériences passées. Mais à moins d'un grand soir dont on peut anticiper l'issue dans le sang, je vois mal comment la transition peut se faire avec une classe ouvrière exportée le plus loin possible, des syndicats divisés et un pouvoir de manipulation de la classe dominante de plus en plus important.

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L'enjeu du salaire

Je choisis un ordre de présentation ”transversal”, différent de celui de l’auteur, pour m’appuyer sur le salaire, la qualification personnelle, l’usage sensé de certains mots, le refus de passer sous silence l’exploitation, rester le plus longtemps possible sur la ligne de crête, puis traiter de la valeur et enfin essayer d’exposer les problèmes politiques tels que je les saisis, à cette étape de réflexion. Il s’agit à la fois d’essayer de présenter certaines thèses du livre et de poursuivre le débat politique avec l’auteur.



Premièrement le salaire. Le salaire contrairement à une idée répandue, ce n’est ni le salaire net, ni d’ailleurs le salaire net augmenté des cotisations sociales dites salariées. Le vrai salaire c’est le salaire total incluant le salaire net et l’ensemble des cotisations sociales, y compris les cotisations dites patronales.



Ainsi, lorsque le gouvernement procède à des exonérations de charges sociales, il baisse le salaire total pour le seul bénéfice des entreprises, du profit des entreprises.



Dit autrement, notre salaire total se décompose en deux parties : le salaire net et les cotisations sociales (part dite salariale et part dite patronale). Ces cotisations sociales sont un élément très important de notre salaire, c’est une part socialisée du salaire. « Le salaire total qui figure sur ma feuille de paie, c’est du salaire, mais ça n’est pas totalement mon salaire. »



Ce salaire socialisé, et non différé, sert à rémunérer les malades, les chômeuses et les chômeurs, les retraité-e-s, etc. Flux monétaire immédiat, sans capitalisation, sans recours au marché, sans intérêt.



Un véritable scandale pour les patrons, les pouvoirs publics, les néolibéraux et les sociolibéraux, qui maquillent une partie de notre salaire en charges, en prélèvements obligatoires. Une bataille de mots que les forces d’émancipation ont pour l’instant perdue. Les travaux de Bernard Friot, réactualisés dans ce livre, sont un véritable et juste plaidoyer pour donner tout son poids à cette chose inouïe : la perception d’un salaire lorsque l’on est hors travail, un salaire continué, permise par les cotisations sociales.



Deuxièmement la qualification personnelle. Le statut de la fonction publique confère à la/au fonctionnaire « un grade, c’est à dire une qualification personnelle et le salaire à vie qui va avec ». C’est donc une qualification « attribuée ex ante » avant l’acte de travail et déterminant un niveau de salaire. Bernard Friot souligne, à juste titre que cette qualification personnelle est « antinomique de l’individualisation des salaires ». Dans le secteur privé, dans une mesure assez différente, les conventions collectives tendent à ”objectiver” ou ”désindividualiser” « les conventions collectives qualifient des postes pas des personnes ». Il est possible par extension/modification/regroupement des conventions collectives, d’arriver à une qualification personnelle dans le secteur dit privé. L’auteur propose des solutions pour faire évoluer cette qualification dans le temps.



Ces deux éléments, au centre de l’argumentation, suffisent à poser l’extension du salaire et l’attribution d’une qualification personnelle, voire un salaire universel (comme « droit politique attaché à la personne »). Ces propositions devraient être largement et sérieusement discutées, quelque soit l’avis que l’on porte sur les autres éléments développés par Bernard Friot.



Si, je pense pas que la solution unique puisse être la cotisation sociale, la socialisation, au moins partielle, des investissements par cotisation me semble aussi une piste à étudier.



Mais, je tiens à le souligner, aucune mesure politique, en soit, ne peut être le gage d’un basculement dans une autre organisation sociale. Les propositions peuvent contribuer à rendre crédible ”l’horizon” et sont un appui non négligeable dans le développement de l’auto-organisation nécessaire à la modification des rapports de force.



Troisièmement l’usage de certains mots. L’auteur fait œuvre salutaire en redonnant à certains mots leur sens, derrière les masques de réalités conventionnelles, historiques et socialement construites. Je ne cite que quelques exemples. Je reviendrais, plus loin, sur la notion de « valeur/valeur économique» dont les déclinaisons me paraissent pour le moins floues et théoriquement peu fondées.



Le salaire socialisé n’est pas un salaire différé. Nous ne recevrons pas demain, éventuellement, nos cotisations, conservées dans un réfrigérateur de valeur”.



Valeur d’usage : « La valeur d’usage d’un bien ou d’un service, c’est à quoi il sert concrètement ». Pour le capitalisme la valeur d’usage peut n’avoir aucune valeur.



Travail abstrait : « C’est dans la production, qu’intervient comme mesure de la valeur le travail abstrait » et l’auteur ajoute « toute remise en cause du principe de l’abstraction du travail comme mesure de la valeur serait une régression ».



L’auteur indique quant à la valeur (au sens de la critique de l’économie politique) : « C’est là à la fois un progrès que représente le capitalisme – l’extorsion de valeur par une minorité n’a pas besoin de l’inégalité entre les humains – et sa force, car la domination prend la forme de l’égalité et de l’échange entre équivalents et devient bien plus difficile à détruire que lorsqu’elle s’expose dans des statuts sociaux différents et des formes plus ou moins violents d’extorsion de valeur ». D’autres parlent de « loi de la valeur »



L’emploi est différent du travail, le travail de la force de travail, etc…



Propriété lucrative : contre les confusions, et des conceptions a-historiques autour du terme propriété, l’auteur fait une distinction entre la propriété lucrative dans le système capitaliste et la propriété d’usage, domestique pourrais-je ajouter.



Quatrièmement ne pas passer sous silence l’exploitation « le rapport d’exploitation est masqué par l’emphase sur la valeur d’usage des marchandises », et/ou par le soit disant échange égal entre la/le salarié-e et le patron. Bernard Friot nous rappelle que « Une part du droit au travail s’est construite sur cette structure asymétrique du rapport salarial ». La/le salarié-e ne se vend pas, il vend sa force de travail, ceci n’a rien de naturel ni de trans-historique. Cette construction sociale est récente, c’est « un concept explicatif de l’exploitation capitaliste ». Cette exploitation est une « violence sociale indéfiniment renouvelée », violence qui peut être ”atténuée” grâce à organisation sociale (syndicale ou politique) mais qui ne pourra être remise en cause que par des incursions sérieuses dans le droit de propriété et par l’invention d’une autre organisation socio-politique de la société.



D’où, cinquièmement, rester sur la ligne de crête, « Cette ligne de crête, c’est celle d’une action politique délibérée de sortie du capitalisme s’appuyant sur le déjà-là émancipateur dans les deux dimensions du salaire qui se sont imposées dans le conflit salarial du XXe siècle : la qualification personnelle et la cotisation finançant du salaire. »



Je voudrais aussi souligner un point d’accord sur la retraite. La mise en cause des retraites, dites par répartition, se fait à la fois par le recul de l’âge pour bénéficier des droits à une retraite pleine et entière et par un abaissement du montant de la pension « C’est d’abord et avant tout à cause du principe même des annuités, qui fait que leur pension, déjà calculée sur la base d’un salaire de référence plus faible, est amputée par la proratisation ». Il est pour moins étonnant que lors de la lutte contre la réforme, personne n’ait « revendiqué la suppression des annuités et donc de la proratisation », soit de laisser tomber l’idée des 37,5 ans, qui pénalisent particulièrement les salariéEs, pour exiger le droit à retraite à 60 ans pour toutes et tous (ou 55 ans, comme revendiqué, il y a bien longtemps), « Nous devrions en être à 100% du meilleur salaire pour tous à 55 ans quelle que soit la durée de cotisation ». Limiter en somme le temps de travail contraint.



Schématiquement, je cite ce qui me semble problématique.



La valeur (souvent nommée d’échange) au sens théorique de la critique de l’économie politique est avant tout un rapport social. Sa détermination, ne peut se faire par une simple quantification monétaire comme la valeur ajoutée de la comptabilité d’un pays. Il n’est pas possible de fermer des frontières à un concept abstrait, analytique du fonctionnement du rapport social qu’est le capitalisme mondialisé.



La valeur économique, terme employée par l’auteur, peut-être, certes, pensée « comme une convention sociale » mesurant la valeur que l’on attribue, monétairement ou non à des valeurs d’usage, mais la démonstration n’est pas convaincante sur le lien entre cette convention sociale et le rapport social central du système capitaliste : la valeur et son corollaire l’exploitation. Cet élément rend très friable une partie des développements autour du travail et de son marché.



Par ailleurs, quelque soit la convention adoptée pour désigner et reconnaître le travail, celui reste ”socialement” contraint, ce qui justifie la revendication de réduction radicale du temps de travail, qui au-delà de amélioration des conditions de vie, est une condition nécessaire à l’exercice de la démocratie.



La proposition de baser la ”démocratie” sur le partage de la valeur ajoutée entre salaire, autofinacement et investissements, par les salarié-e-s, en supprimant les impôts, quel qu’en soit les traductions institutionnelles, renvoie, me semble-t-il, à un ancien mythe, celui de dissoudre la politique dans le social. La différence entre citoyen-ne-s et travailleuses/travailleurs disparaîtrait pour ne laisser place qu’à des assemblées « sociales ». Sans oublier que les oppositions politiques, au sein de la classe des travailleuses/travailleurs ne sont pas réductibles au partage de la richesse et les rapports sociaux aux seuls rapports capitalistes.



Les débats politiques doivent se poursuivre car « Ce n’est pas la moindre des perversions de la réaction réformatrice (comme il y a une réaction nobilitaire dans le temps qui ont précédé la révolution de 1789) que de nous enfermer depuis trente ans dans un récit de notre histoire collective qui nous voue au non-futur : une opinion fort répandue est que les enfants auront une vie plus difficile que leurs parents. Nous pouvons sortir de ce récit mortifère ». Les contradictions peuvent se dilater sous la triple la conjugaison d’une crise historique du système capitalisme, d’une crise globale de notre relation à l’environnement et de l’action d’un prolétariat regroupant la majorité de la population vivant en France. Mais majorité ne veut ni dire homogénéité, ni absence de contradictions ou de tensions, ni absence de rapports de domination internes. Oui nous sommes la majorité… mais cette majorité reste à construire politiquement.



Les propositions de l’auteur de s’appuyer sur le « déjà-là potentiellement émancipateur » sont des éléments importants pour rendre crédibles les alternatives sociales et politiques qu’il nous reste à inventer.



Du même auteur :

L’enjeu des retraites ( Editions La Dispute, 2010)

Puissance du salariat. Emploi et protection sociale à la française (La Dispute 1998)

Et la cotisation sociale créera l’emploi (La Dispute 1999)



Sur les retraites : ATTAC, Fondation Copernic, Coordonné par Jean-Marie Harribey, Pierre Khalfa et Christiane Marty : Retraites l’heure de vérité (Editions Syllepse, Paris 2010)
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L'enjeu des retraites

Un après-midi déjà lointain, j’ai entendu Bernard Friot dans Là-bas si j'y suis, l’émission culte de Daniel Mermet, sur France Inter, émission disparue, hélas, de l'antenne parce qu'elle dérangeait trop.

Cet économiste développe une perspective très novatrice concernant les retraites. Au cours des débats sans fin opposant les partisans de la réforme et leurs adversaires, il aurait été intéressant de donner un peu plus la parole à ce chercheur en sciences sociales, animateur de l’Institut Européen du Salariat (IES).

L'auteur développe l'idée de la pension de retraite comme une continuation du salaire et non d'un revenu différé. Alors que l'on essaie de faire passer les retraités pour des gens qui ne font plus rien et consacrent tout leur temps à des loisirs, Bernard Friot rappelle à juste titre que la grande majorité de ceux qui prennent leur retraite continue à travailler bénévolement dans des associations, font un jardin, réalisent des tas de travaux pour venir en aide à leurs petits-enfants, à leurs voisins ou encore à leurs amis… bref qu'ils restent actifs et utiles pour l'ensemble de la société, à l'écart du marché du travail.

La principale revendication concerne la qualification personnelle pour tous avec un niveau de salaire correspondant au niveau des capacités communes. Cette qualification personnelle et le salaire correspondant seraient acquis dès la sortie du lycée jusqu'à la mort. La retraite serait donc un salaire continué. Tout cela suppose que notre quotidien collectif soit débarrassé de la Bourse et des banquiers…

On l'aura compris, cette alternative ouvre des perspectives tellement novatrices tout en s'appuyant sur la réalité vécue par la plupart des gens, que cela dérange beaucoup. Voilà pourquoi il faut faire connaître ces idées sortant des sentiers battus.

Ce livre qui est toujours d'actualité car les retraites reviendront sur le tapis, forcément, une fois les présidentielles passées.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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L'enjeu des retraites

Pour débattre d’une situation sociale, il convient de commencer par aller au fond des choses, mettre en sens les réalités si mal décrites, puis argumenter sur ce que nous souhaitons. Dire oui à un projet d’espoir.



Puis, reste, bien sûr, le nécessaire travail d’annihilation, pas à pas, des évidences qui n’en sont pas, des mensonges intéressés, des arnaques intellectuelles et des « il n’y a pas d’autres solutions » sans oublier le refus concret de la (contre)réforme.







« C’est seulement à partir du rappel du mouvement qui a conduit au système de retraite actuel et à sa réussite, tant politique qu’économique, qu’on peut comprendre les objectifs de la réforme et ceux qu’on peut lui opposer pour prolonger un mouvement qu’elle tente d’interrompre »



A juste titre, Bernard Friot débute son livre par un chapitre percutant « Les retraites, une réussite historique à contre-pied du capitalisme » Il nous rappelle les débats antérieurs (qui reviennent aujourd’hui dans les argumentaires de la réforme). Contre l’épargne retraite, nos pensions sont un salaire continué, une reconnaissance d’une qualification acquise. Par ailleurs « L’évitement de l’épargne lucrative se double de celui de l’impôt ». L’auteur montre aussi toutes les ambiguïtés du régime Arrco (régime complémentaire obligatoire), avec son système de point et son absence de garantie de prestation. Il souligne la première brèche, dans notre système de retraite, avec l’indexation de pensions sur les prix et non plus sur les salaires.



Afin de situer historiquement, la notion de travail, Bernard Friot, fait un court détour, par l’analyse du travail comme rapport social, du temps travail abstrait comme carcan et mesure de toute chose, de la marchandise (abstraite de toute considération tenant à la spécificité du bien produit, à son usage), il souligne qu’il n’y a pas d’essence du travail ni de définition transhistorique de celui-ci.



Le statut des fonctionnaires (fondé sur la qualification et non pas sur l’emploi), les pensions comme salaire continué « ces tremblés dans l’écriture capitaliste du travail, ces étrangetés tolérées ne peuvent plus espérer subsister sans un discours et des pratiques fortes ». Il ne suffit donc pas de s’opposer à la réforme. Il faut affirmer que « c’est le statut du travail et des salariés qui est en cause ».



La réforme comporte deux objectifs centraux : « Donner un coup d’arrêt quantitatif au mouvement de continuation du salaire dans la pension à partir de 60 ans et, qualitativement, délier la pension du salaire pour la lier à l’épargne, au revenu différé et à l’allocation tutélaire (pension complémentaire allouée sous condition de ressources ou d’activité longue), trois formes de ressources résolument non salariales »



L’auteur prend le temps d’expliquer que « l’équité est la renonciation à l’égalité », « le revenu différé est le contraire du salaire continué » et il analyse en détail le modèle suédois de répartition.



Il revient très précisément sur « les caractéristiques du revenu différé » et montre comment « la qualification personnelle » permet d’en finir avec ce type de revenu.



Bernard Friot souligne l’illusion d’une épargne subsituable au travail : « L’épargne n’est pas une opération interpériodique de soi à soi par laquelle de la monnaie ou de la valeur sont transférées d’une période à l’autre sous forme de ”revenu différé”, chacun récupérant demain sa mise d’aujourd’hui. L’épargne est un rapport social intrapériodique dans lequel la propriété de titres est une propriété lucrative qui donne à son détenteur le droit de recevoir une partie de la monnaie mise en circulation à l’occasion de l’attribution de valeur à la richesse produite. Qu’on soit en répartition ou en capitalisation, c’est toujours le travail de l’année qui produit la richesse correspondant à la monnaie qui finance les pensions de l’année. »



Avant de critiquer les balivernes sur la démographie (j’invite les lectrices et les lecteurs à lire les démonstrations sur : « la proportion d’actifs occupés reste stable dans un PIB en constante augmentation » ou « la croissance du poids des pensions dans le PIB ne pose aucun problème »), l’auteur critique la problématique générationnelle, la naturalisation d’une caractéristique biographique et indique « L’analyse d’une société selon la naturalisation de caractéristiques biographiques individuelles (comme l’appartenance à une génération), posées du coup comme des essences, empêche l’affirmation des logiques d’abstraction fondatrices d’un lien social politique. »







« Retraite à 60 ans » Bernard Friot propose de « poser sa signification politique, donc contingente, conventionnelle, et en même temps source de droits garantis à un âge qui ne peut être laissé à l’initiative privée mais doit être le même pour tous, et obligatoire dans ses effets, comme l’est ”la majorité à 18 ans” »



D’autres débats pourraient être ouverts, la fusion de l’Arrco et de l’Agirc dans le régime général, la compensation du déficit des carrières des femmes, ou l’ancienne proposition de l’auteur, ici reprise, de financer les investissements par une cotisation économique.



Je partage, avec l’auteur, l’appréciation du caractère potentiellement corrosif, pour le capitalisme, des cotisations sur les salaires, de leur augmentation dans le produit intérieur brut (PIB) et donc de la nécessaire extension des salaires socialisés, à d’autres couches de la population, comme les étudiant-e-s.



Mais dire cela ne signifie pas, que les cotisations ou leur développement, par augmentation de la part patronale, suffiraient à dissoudre les mécanismes ”objectifs” du fonctionnement du système.



Comme dans ces précédents livres, je trouve que l’auteur sous-estime le caractère systémique du capitalisme et les effets de la propriété privée. Ou, pour le dire autrement, une modification substantielle dans l’organisation du système capitaliste (généralisation du salaire continué) ne pourra se faire, en douce, des réactions probablement violentes des possédants. Se pose alors et une fois de plus, l’unification des salarié-e-s (au sens souhaité par Bernard Friot) dans la construction d’une alternative démocratique majoritaire.



Mais ceci est une autre dimension des débats nécessaires.



Il faudrait que l’éditeur réédite deux précédents ouvrages de l’auteur « Puissance du salariat. Emploi et protection sociale à la française » (La Dispute 1998) et « Et la cotisation sociale créera l’emploi » (La Dispute 1999)
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Retraites : généraliser le droit au salaire

Livre reçu par Masse Critique. Il s'agit d'une retranscription des interventions ayant eu lieu lors d'un séminaire organisé entre octobre 2018 et juillet 2019 par Réseau Salariat à la bourse du travail de Paris. Avec le retour du serpent de mer libéral de la "Réforme des retraites", c'est un sujet on ne peut plus d'actualité. Les intervenants sont Bernard Friot et Nicolas Castel, deux enseignants-chercheurs en sociologie.

J'ai été un peu noyé par le niveau technique du discours, néanmoins si on s'accroche ça permet de comprendre certaines choses notamment pourquoi les adeptes de la religion libérale sont aussi acharnés à vouloir imposer leur modèle, comment reconnaître si une réforme va dans le bon sens (quand les droits sont liés à la personne) ou dans le mauvais (quand les droits sont liés au travail), et comment sur de telles durées de luttes même les syndicats ont parfois du mal à ne pas perdre le Nord : il faut donc rappeler l'histoire de ces acquis sociaux et rien que les parties du livre où on la raconte valent déjà le coup.

Mon bilan : ce sujet vital est ici vulgarisé à un niveau assez élevé et n'étant pas un militant "professionnel" j'ai été un peu dépassé ce qui ne m'a pas empêché d'en retirer quelques points intéressants à mon échelle.
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L'enjeu des retraites

Depuis vingt cinq ans, on nous répète la même chose: il n'est plus possible de financer les retraites à leur niveau actel. Depuis vingt cinq ans, afin de sauver les retraites, on ne fait que leur ôter de l'argent (Le gel du taux de cotisations patronales par exemple.).

Qu'avons-nous à gagner à partager le diagnostic des réformateurs?

Tout le mérite de Bernard Friot est de nous rappeler que "réformer", c'est tendre vers le mieux, et de nous montrer par là même une autre voie possible, basée sur la cotisation sociale, une alternative significative pour en finir avec la logique capitaliste.

Bien que très (Trop?) technique, "l'enjeu des retraites" laisse entrevoir que l'on peut réformer les retraites autrement, que les idées existent, ce qui en fait un livre porteur d'espoir, d'autant plus qu'il est constructif.

Bref, une bouffée d'oxygène pour moi.
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Prenons le pouvoir sur nos retraites

En ces temps de lutte sociale de millions de personnes qui manifestent, pétitionnent, discutent, disputent, se demandent s'il faut lâcher l'affaire et se priver à jamais de vacances (à supposer qu'on ait eu les moyens d'un tel poste budgétaire) pour capitaliser dès maintenant ou poursuivre la lutte jusqu'au bout, ce petit livre ne joue pas la reprise des arguments contre la réforme qu'on entend un peu partout depuis des mois.



Il rappelle les fondamentaux de la retraite, du salaire, tels que les a voulus Ambroise Croizat en 1946 (déconnectés du travail, attaché au travailleur, nuance difficile à comprendre pour ma part, même rapprochée de la question de la fonction publique où c'est le cas) ; bizarrement, Croizat a quand même posé la "condition de carrière", ce que Friot estime être une sorte de concession. Il montre comment le patronat a contrattaqué dès 1947 avec la création de l'Agirc-Aarco qui instaure l'idéologie, qui me paraît avoir gagné (puisque je la reprends alors que je me crois de gauche) du "je cotise, j'ai droit" et, plus grave mais je n'en suis heureusement pas là, du travail à la tâche. Il me fallait chaque fois interrompre et réfléchir à ce que j'observais dans ma propre pratique, puisque je suis salariée, travailleuse, ou dans d'autres professions, et c'est effectivement mon impression : toutes les réformes vont effectivement dans le détricotage de cette tentative initiale de détacher le salaire du travail et d'évoluer vers la rémunération exclusive du travail, de plus en plus saucissonné et payé à part, voire indemnisé plutôt que payé (de la part de gens qui adorent sur-rémunérer le capital, on ne sait si ça donne à rire ou à gronder).



cf. suite de ma note de lecture sur mon blog
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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L'enjeu du salaire

ouvrage d'une excellente compréhension des institutions salariales d'aujourd'hui, l'ouvrage exige de se défaire d'une représentation aliénée et non pensée de ces institutions. En résumé : le capital du XXI siècle
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Retraites : généraliser le droit au salaire

Avec la réouverture prochaine du chantier de la réforme des retraites, cette retranscription des séminaires conduits par Nicolas Castel et Bernard Friot se place comme une brique importante pour organiser une contre-pensée dans le débat actuel. Ce sujet me touche d’autant plus que ma mère part bientôt à la retraite.



Le traitement médiatique et politique de ces questions passe sous silence non seulement l’importance du sujet mais surtout la véritable contre-révolution capitaliste menée par les gouvernements de ces 30 dernières années. En retraçant l’histoire de la mise en place du système général et des différents systèmes complémentaires, on comprend mieux la vision originellement communiste de ce dispositif. C’est fort de cet héritage, que les deux chercheurs, tout en restant didactique, proposent de totalement repenser notre vision de la retraite et plus largement du travail, de sa nature et de son organisation. L’aspect séminaire permet non seulement d’avoir une forme pédagogique mais aussi propice à l’échange avec la retranscription des retours pendant la séance.



En définitif, « Retraites : Généraliser le droit au salaire » est une lecture d'utilité publique que je ne peux que conseiller.
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Emanciper le travail : Entretiens avec Patr..

C'est un livre de sociologie et ce n'est vraiment pas mon domaine, mais je l'ai trouvé clair grâce au reportage d'Arte "les idées larges : le salaire à vie" qui interviewé Bernard Frigo et constitue une très bonne introduction car il y expose l'essentiel de ses idées. A voir sur Youtube : https://youtu.be/50vPCv7EPWE?si=mwO-k9DHDkT3t3Lz



Je trouve la pensée de cet auteur passionnante et j'espère que notre société évoluera dans le sens qu'il préconise.
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Un désir de communisme

Frédéric Lordon s’inspire des propositions de Bernard Friot sans pour autant répondre à toutes les questions posées par ces dernières.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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