Citations de Blaise Ndala (54)
Je m'étais souvenue des paroles qu'avait prononcées un sage nigérian avant que le prix Nobel de littérature ne fasse de lui une icône mondiale : « Plutôt que de proclamer sa tigritude, le tigre bondit, attrape sa proie et la dévore, un point c'est tout. »
(...) dans cette ville, tu le sais autant que moi, quand le politicien t'a raté, c'est Dieu qui te scie les jambes.
L'honneur ne se lave que dans le sang. De quelle couillonnade es-tu le visage, toi qui crois que c'est en tendant la peau du ventre, après avoir été flagellé sur le dos, que tu gagneras le respect de toi-même?
Ainsi en avait décidé la nature à la racine du monde : l'huile flottait au-dessus de l'eau dormante. Le Blanc était destiné à la Blanche, la Négresse au Nègre.
Se mesurer au phacochère est acte de bravoure, Nyimi. Bomber le torse face à la foudre est sottise pour le commun des mortels, forfaiture pour un souverain.
Car, on a beau dire, le Blanc qui n'accorde que peu de crédit aux paroles qui enfourchent le vent s'est offert à travers l'écriture un serviteur de qui il peut tout obtenir, à commencer par le dernier mot.
Celui qui mange la bouche ouverte avalera une mouche;
Celui qui la ferme ne court qu’un seul risque : vivre en santé.
(Interligne, p.236)
…il avait ordonné qu’on rassemble dans le Stade du 20 mai pas moins de mille malfrats raflés dans les rues ou sortis des cachots pour les besoins de la cause. Dans ce lieu reclus et à l’abri des regards indiscrets, le commandant en charge de l’opération Bangisa Ba Bangisi (autrement dit, « terroriser les semeurs de terreur »), le très redouté capitaine Bokoliana Kala-Te, avait choisi au hasard cent d’entre eux. […] Il les avait fait décapiter soigneusement, avec un sadisme presque artistique, veillant à ce que chaque tête soit sectionnée à la jointure du tronc, bien au ras du cou, sous les yeux des neuf cents autres rassemblés.
(Interligne, p.285)
« Malheur à toi qui as tout compris, toi qui te gargarises de raison du haut de ton orgueil. Sans mystère et sans le doute qu’il ne peut que générer, que te reste-t-il sur cette terre, si ce n’est de mourir l’esprit constipé? »
(Interligne, p.424)
« Qui avale une noix de coco fait confiance à son anus »
Proverbe africain d’origine incertaine.
(Interligne, p.285)
Il a rigolé et les a traités de bouffons. Se prenant pour le capitaine Haddock, il aurait même crié : "Mille milliards de mille sabords !" avant de recourir au subjonctif-de-machin-chose pour expliquer ce qui signifiait réellement l'indépendance pour les Africains. Tu sors le passé composé, à la limite tu balances le futur simple, mais pas le subjonctif-de-machin-chose quand dehors le dernier discours de Lumumba se vend comme des petits pains.
Sans crier gare, un nuage sombre avait commencé à se former au-dessus du Heysel. Dans l'un des pavillons les plus courus où les visiteurs pouvaient s'émerveiller devant un « village de Bantous congolais avec leur invité Pygmée, en pleine jungle équatoriale, comme si vous y étiez », et ainsi, toucher du doigt « le long chemin que la Belgique a fait prendre à ses indigènes depuis les ténèbres de l'époque de Kurtz jusqu'à l'ère contemporaine », le tout en vue de comprendre « pourquoi notre mission chrétienne et civilisatrice en Afrique centrale restera l'un des plus grands apports du roi bâtisseur Léopold II d'abord, et de l'ensemble de notre peuple ensuite, à l'universel », dans ce pavillon, donc, le projet cher au ministère de Colonies avait pris du plomb dans l'aile.
[...]
Il y avait eu ces "Défense de nourrir les Noirs — Verboden Negers te voeden — Do not feed the niggers" attachés contre les parpaings, que le sous-commissaire fit enlever sans se référer à son supérieur.
[...] Vint l'incident qui mit le feu aux poudres.
Au cours d'une visite scolaire, des adolescents d'un athénée du Brabant flamand jetèrent derrière l'enclos qui délimitait le village des bananes au cri de « Dégustez les bananes, petits Nègres, sinon nous allons vous couper les mains ! » Dans la foulée, des visiteurs se mirent à pousser des cris de singe, à mimer des gestes qui laissaient peu de place à l'imagination.
Les lois de Bula Matari [l'état colonial] n'étaient que toquades, mais dire que nous avions attendu le Blanc pour inventer l'ignoble serait pisser sur cent vingt et une générations de passeurs de mémoire.
Et un après-midi, au moment de me laisser retourner à l'école, il soutint mon regard et me dit qu'il m'aimait. De toute ma vie, c'était la première et la dernière fois qu'un homme m'adresserait ces mots qu'aucun homme ne devrait prononcer devant une femme à moins d'être convaincu qu'il sacrifierait son âme pour en assumer les conséquences.
Eh oui, Grand Pa', chez les Mindele aussi et bien avant Adolf Hitler et sa grande guerre qui nous arracha le prince Osako, d'étranges théories servirent à mettre des humains dans des cases et à les superposer les uns au-dessus des autres, un peu comme chez nous les Batswa sont classés en dessous des Mongo, qui eux-mêmes seraient en dessous des Bakongo et ainsi de suite.
"[...] quant aux cris de singe (qui leurs sont adressés), je ne sais pas quoi dire, je n'en vois pas un seul parmi nous, alors si jamais un animal sauvage croit reconnaître son semblable dans ce parc et décide de lui lancer un message de fraternité, que voulez-vous que ça me fasse, à moi Zando Bara ?"
Il s'en allait chercher l'amour d'une vie qu'il avait oublié de vivre, tout occupé à se demander si vivre c'était mourir tous les jours loin d'un bonheur évanescent ou si le bonheur n'existait que tant que l'on croyait vivre pour lui courir après.
- Je ne vais pas m'excuser d'aimer le Congo et ses habitants, Mark. Ni renier l'esprit libre que fut mon grand-père à une époque où le rêve de Léopold II ne comptait que des louangeurs en métropole.
- Ta vie serait bien plus simple si tu te contentais d'aimer l'ivoire et le cuivre du Congo comme hier les femmes du Rwanda.
Le coq a deux genoux, certes, mais personne ne l'a jamais vu les plier à la manière du chien pour quémander une graine de maïs.
Un roi Kuba est un digne descendant de Woto ou il n'est rien du tout, pas même le pet d'un traîne-misère.