Il revint vers elle et lui tendit le verre.
— Buvez ça... Pourquoi m'observiez-vous ainsi ?
Elle se sentit rougir.
— Je vous ai toujours trouvé très intrigant.
Il eut l'air surpris, puis son regard s'adoucit.
— On m'a affublé de nombreux qualificatifs, mais « intrigant », jamais.
— Je ne voulais pas être désagréable.
— Je sais, Francesca. Je vous connais mieux que vous ne l'imaginez. Buvez.
— C'est du whisky, objecta-t-elle.
— Vous êtes le genre de femme qui devrait apprécier un bon verre de scotch, déclara-t-il en s'asseyant près d'elle. Faites-moi confiance.
L'idée la tentait grandement, d'autant que les femmes ne buvaient que du vin, du Champagne, du punch ou du sherry. Sa mère s'évanouirait, si elle la surprenait en train de siroter un alcool fort.
Elle en but une gorgée, faillit s'étrangler. Hart eut un petit rire. Il glissa la main dans son dos, comme lorsqu'on tapote un enfant qui a avalé de travers, mais s'immobilisa tandis que le whisky se frayait un chemin brûlant dans sa gorge. Elle trouva délicieux le goût qui s'attardait sur sa langue, et troublante la main de Hart dans son dos.
Elle prit une autre gorgée.
— Vous allez faire de moi une alcoolique, remarqua-telle d'un ton qu'elle voulait léger.
Francesca se targuait d’être intelligente et se passionnait pour la réforme. Elle n'avait pas de temps a consacrer aux mondanités ni a la recherche d'un mari, et elle comprenait mal les jeunes femmes qui ne s’intéressait qu'a cela. Elle était membre actif de cinq associations, et elle-même en avait fondé une : le Comité des femmes pour l'éradication des taudis. Elle nourrissait l'ambition d’écrire des articles et des essais sur les bas-fonds de la ville afin d’éclairer les gens des quartiers huppés, jusqu’à ce qu'elle découvre, deux semaines plus tôt, sa véritable vocation.
Résoudre des crimes.
Les femmes n'étaient pas censées se servir de leur cerveau, aspirer à une vie professionnelle et émettre publiquement leurs opinions.
— Je... j'espère que je ne vous dérange pas.
Elle avait tout oublié du discours qu'elle avait si soigneusement préparé, et sa nervosité allait croissant. Elle jeta un regard à sa gauche, et aperçut un petit salon avec un piano et des meubles victoriens, puis à sa droite, là où s'ouvrait une salle à manger intime. Il devait y avoir deux ou trois chambres à l'étage, supposa-t-elle.
— Comment pourriez-vous me déranger ?
Il souriait à peine et son accent texan était un peu plus prononcé que de coutume. D'une douceur de miel. Presque hypnotisant.
— Il n'est guère courant de se présenter chez un gentleman à cette heure matinale, débita-t-elle d'une traite.
— Il n'y a rien de courant chez vous, Francesca.
Il la fixait sans ciller, et son léger sourire n'avait pas disparu.
— Vous m'apportez un nouvel indice ? hasarda-t-il.
Elle se répéta sa phrase précédente, essayant d'en décrypter le sens. Devait-elle y voir un compliment?
— Malheureusement non, répondit-elle avec un temps de retard.
— Je suis déçu.
Elle battit des paupières. Quelque chose n'allait pas...
Il se décida enfin à s'approcher d'elle.
Elle ne parvenait pas à quitter son visage des yeux. Elle était à présent si tendue qu'elle respirait avec difficulté. Il sourit davantage, révélant des fossettes, puis soudain il fut près d'elle et tendit les mains.
Elle sentit ses genoux se dérober sous elle, mais il la retint par les épaules, et, l'espace d'un instant, elle se retrouva dans ses bras. Toutes sortes de pensées folles se bousculaient dans sa tête.
— Francesca...
Elle leva les yeux vers lui.
— Oui ? fit-elle d'une voix étranglée.
— J'essaie de prendre votre manteau.
Elle comprit tout à coup qu'il voulait simplement la débarrasser de son vêtement pour le remettre à Peter dont elle avait complètement oublié la présence. Elle sursauta et, rougissante, se hâta de se dévêtir. Alors qu'elle ôtait son chapeau, deux longues épingles à cheveux s'échappèrent de son chignon, et tombèrent sur le sol. Comme tous deux se penchaient pour les ramasser, leurs mains se rencontrèrent.
Elle se redressa d'un bond.
Il récupéra les épingles et les tendit à Peter, qui s'éclipsa aussitôt.
Francesca se sentait aussi mûre qu'une gamine de douze ans...
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Francesca frissonnait toujours. Elle fut heureuse de voir Bragg lui frictionner gentiment l'épaule.
Que voulez-vous, dit-il amusé, je ne peux pas vous voir sans éprouver une certaine... excitation. Cela ne devrait pas vous étonner.
Les mots sont faciles à prononcer. Mais ensuite, on ne peut plus ni les changer ni les effacer.
Il est étrange que les règles de la bonne éducation échappent parfois à ceux qui en font le plus grand cas. Une fois de plus, certain dignitaire étranger a jugé bon d'avoir recours à notre monde comme scène publique, au mépris de toute moralité !
Je crains que tu ne sois obligé de passer la nuit au poste. Menottez le.
L’Écosse n'avait jamais été en paix. Chaque seigneur, grand ou petit, avait des rivaux ; chaque clan avait des amis et des ennemis. Des pères perdaient leurs fils, et les femmes leurs maris. La politique changeait en un battement de cils. Les veuves épousaient alors les rivaux.