Littérature
les improvisations musicales sont interprétées par
Pierre PETIT au piano.
Matthieu GALEY,
Roger VRIGNY,
Robert KANTERS,
Jean Didier WOLFROMM, critiques des livres suivants :
- "
L'enfant dans la cité des ombres", de
Camille BOURNIQUEL.
- "Minuit sur les jeux", de
Florence DELAY.
- "La Chasse à l'
amour", de
Violette LEDUC.
- "Moi,
Pierre Rivière, ayant égorgé ma...
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Se souvenir du comte de la Mirandole léguant en 1625 sa fortune à une carpe... et se demander ce que ladite carpe, à part gober des bulles et des bouts de pain, a pu en faire.
On se croit souvent en pleine nature et, derrière une dernière ligne de bouleaux et de peupliers, pointent déjà les premiers H.L.M.
Il y a beau temps que nos bruyères, qui ne sont plus pâturées par les moutons et les agneaux dont on retrouvait les flocons sur les toiles de Didier-Pouget et sur celles, exposées en plein vent, des rapins du boulevard Poissonnière, sont devenues le terrain de manœuvre des faucons rouges. Ceux-là du moins n'offusquent pas le paysage ! Pourtant, certains jours, l'occupation devient plus visible et tend à rendre une partie des berges impraticable. Joueurs de pétanque ou de volley, émietteurs de mie de pain, couples à transistor, gaveurs d'ablettes et cueilleurs de gui, secouristes aux points névralgiques, sans oublier ces solides femelles se livrant à leurs occupations ménagères entre les tentes multicolores. Tandis que les trains tous les quarts d'heure grossissent ces foules, chaque espace libre voit s'agglomérer les autos...
Que l'oreille s'habitue donc mal aux bruits des autres, et le regard à leurs détritus ! Repliés, nous attendons qu'une température moins clémente vide à nouveau les bois.
L'été ne nous appartient plus. Et peut-être est-ce justice : que ferions-nous d'un été dont nous serions les seuls à profiter ? Il ne nous est rendu que par bribes : entre deux averses qui ont obligé les promeneurs à se réfugier dans les guinguettes en bordure de la route nationale, à environ un kilomètre d'ici. Ou encore, de grand matin, quand tout redevient perceptible, jusqu'au bouillonnement de la vanne, jusqu'au plongeon d'une bête partie des roseaux et dont le sillage s'élargira ensuite d'une rive à l'autre.
Un rêve où l’on plane. Très haut. Sans emporter d’images. Le temps n’existait plus. Il n’y avait plus que ce glissement dans l’espace. A la tension de ses ailes il comprenait qu’il était cet oiseau et que ces courants l’emportaient. Et au-dessous il n’y avait plus rien, même pas son ombre. Et il comprit que la main qui lui avait arraché son masque l’avait lancé vers le soleil.
Ces fièvres ont ne sait jamais pourquoi elles vous tombent dessus. A une autre époque de l'année, je me dirais c'est le palu, la malaria, et les heures iraient par trois ou par quatre, entre les crises et le délire. Tant de gens ici ont dû avoir affaire aux moustiques depuis que, fuyant Attila, Odoacre, les Hérules, les Ostrogoths, ces populations du golfe se sont installées sur les îles ; tant de gens se sont fait piquer qui ne voulaient pas être empalés ou rôtis qu'on en vient à se dire que, cherchant un lieu sûr, un refuge contre la destinée, l'homme n'a jamais fait que troquer une mort contre une autre, l'incendie contre la noyade, la mise en quartiers contre le garrot, la cirrhose du foie contre l'anophèle. Un mal lointain, une bizarre démangeaison du sang. Sur ces pâles étendues paludéennes, cette lente cachexie a certainement fait plus de victimes que toutes les défaites, que toutes les victoires de la République. L'insecte en question a-t- il une part dans la décadence des empires, l'extinction des races dominantes, la décrépitude des plus grands esprits ?
Ce mode de vie lui permet d'échapper à un autre genre de servitude : la carrière de virtuose. Chiffre significatif : en dix-huit années de vie parisienne, dix-neuf concerts, parmi lesquels quatre seulement où il est l'unique soliste. Les choses sont parfaitement claires : Chopin a toujours eu le trac.
Peut-on séparer arbitrairement un artiste de certaines atmosphères privilégiées pour lui seul - voir Proust - de certains fétichismes ?... Chacun ses rites : pour Chopin, le crépuscule. Pour Wagner, la forêt. Pour Debussy, la mer. Pour Ravel, les automates ! Le crépuscule, c'est, en Pologne, "l'heure grise" : le moment où tout se dilue, s'évanouit, s'efface - univers d'Ariel. Mais c'est aussi, entre Chopin et Marie, un signe de référence : la comtesse Wodzinska pour le lui rappeler ne signe-t-elle pas aussi ses lettres par ces deux mots. C'est à la fois l'heure de l'aveu et le moment où le pacte se noue.
Frédéric s'assied au piano, un ange traverse la volière, et c'est tout.
Il faut beaucoup de qualités humaines et un véritable tempérament d'artiste pour donner à une telle vision des choses cet accent et cette vérité.Certainement une foi dans l'homme pour le retrouver , semblable à ce qu'il a pu être autrefois , dans la ligne des travaux intemporels et des rites , menant une existence que les divisions de ce temps n'ont ni entachées ni détruite.