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Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde : sonnets
Étienne Jodelle
Édition d'Agnès Rees
Préface de Florence Delay
Éditeur Gallimard
Collection Poésie, n° 574
« Étienne Jodelle, ce nom ne vous dit sans doute pas grand-chose et pourtant il s'agit d'un des sept membres de la Pléiade, ce groupe de poètes constitué autour de Pierre de Ronsard et Joachim du Bellay. Un des derniers numéros de la collection Poésie chez Gallimard nous donne à le découvrir avec ce très beau recueil de sonnets avec ce titre superbe : Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde. Ce sont des sonnets, surtout des sonnets d'amour, mais aussi des sonnets politiques, des sonnets religieux... »
Guillaume, libraire à La Procure de Paris
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Sur la colline, Madeleine a retrouvé le privilège royal de la solitude. Elle a dîné dans la cuisine d'oeufs au jambon et de figues cueillies encore tièdes sur le figuier près de Somsecq. Après, elle est montée dans sa chambre avec une bouteille d'eau et un fonds de vodka dans un seau à glace. Elle s'est démaquillée, parfumée, elle a enfilé sur sa chemise de nuit un peignoir fleuri, brossé sur la terrasse ses cheveux qu'elle a laissés s'envoler puis les a relevés en chignon, a éteint les lumières et s'est assise au plus près de la nuit.
Elle joint les mains sur ses genoux pour conjurer l'absence de Capucine, qui grimpait là pour atteindre la félicité. Elle regarde le ciel. Pas une étoile ne manque au troupeau. Le berger là-haut fait bien son travail. Un sentiment de paix et de reconnaissance l'envahit. Le merveilleux silence est à peine troublé par un battement d'ailes qui s'éloigne et se pose. La hulotte ? Un cri, un silence, un hou court puis trois autres tremblés dont le dernier s'allonge jusqu'à elle. Hou hou hou houe. Elle est aimée, elle s'endort. On est aimé quand on s'endort.
En pleine guerre civile, José Bergamin fît le voyage à Marseille pour saluer Georges Bernanos avant qu il n'embarque avec toute sa famille en direction de l'Amérique latine. Il souhaitait le remercier au nom du peuple espagnol pour Les Grands Cimetières sous la lune. J'ai raconté plusieurs fois cette histoire exemplaire parce qu'elle illustre le fier constat de René Char : « Dans mon pays, on remercie. »
C'est après les exactions dont il fût témoin à Palma de Majorque que Bernanos renonça au roman pour se consacrer à des écrits de combat. « Dieu sait le chagrin que j'ai à ne plus écrire de romans. C'est un sacrifice très grand pour moi », confîe-t-il en 1948, l'année de sa mort.
Le mot sacrifice est chrétien. Chagrin, un mot d'enfant...

Que le symbole de la paix entre Dieu et sa création soit devenu le symbole communiste de la paix, on le doit à Picasso. En 1949 le PC, dont il était membre, lui demanda d'imaginer une affiche pour le congrès du Mouvement mondial des partisans de la paix. Ainsi naquit la célèbre colombe, un rameau d'olivier dans le bec. L'afflche couvrit les murs de bien des villes de l'Europe de l'Est. Dans des pays du bloc communiste la colombe figura même sur un timbre. En bon Espagnol, Picasso n'ignorait rien du catholicisme. Il joua un rôle dans la conversion de Max Jacob et fut, on l'a vu, son parrain. Proche aussi de ce républicain catholique qu'était José Bergamin - l'écrivain qui au nom des intellectuels antifascistes lui commanda Guernica pour le pavillon espagnol de l'Exposition universelle de 1938 à Paris. Bergamin, à la question posée : « Jusqu'au irez-vous avec les communistes ? », donnait cette admirable réponse : «Jusqu'à la mort. Mais pas un pas de plus. »
Picasso, dans son atelier, avait en cage des pigeons blancs. La virilité de sa première colombe - celle de l'affiche - s'en ressent. La même année 1949 lui naquit une fille qu'il prénomma Paloma, Colombe en espagnol. Celle-ci prénomma sa fille Paz, Paix, et n'hésita pas à prêter son nom à une voiture et à un parfum.
Silencieuse – Jusqu’au-Dégel
Son nom raconte comment
cela se passait avec elle.
La vérité est qu’elle ne parlait pas
en hiver.
Chacun avait appris à ne pas
lui poser de questions en hiver
une fois connu ce qu’il en était.
Le premier hiver où cela arriva
nous avons regardé dans sa bouche pour voir
si quelque chose y était gelé. Sa langue
peut-être, ou quelque chose d’autre au-dedans.
Mais après le dégel elle se remit à parler
et nous dit que c’était merveilleux ainsi pour elle.
Aussi, à chaque printemps
nous attendions, impatiemment.
(Poèmes noms)
Tout ce qui vient d'en haut est inexplicable. La lumière qui resplendit soudain sur le chemin de Damas, s'enroule autour de Saul, le fait chuter et le transforme en Paul. La flèche qui traverse un pilier de Notre-Dame et troue le cœur de Claudel. Le rêve envoyé à la mère de Dominique quand elle était enceinte : elle enfantait un chien noir et blanc portant une torche enflammée dans sa gueule qui embrasait le monde - ce pourquoi saint Dominique décida qu'il serait ce chien embrasant de vérité le monde, et habilla de noir et blanc l'ordre qu'il créa des Dominicains.

En pièce jointe d'un courriel ami, je viens de recevoir un bout d'émission extrait de la chaîne Kobolo News Gabon, forum libre gabonais, où un homme jeune et convaincant règle son compte au serpent.
Avec les inflexions de ces voix françaises d'Afrique, qui modifient les accents toniques et butent contre les consonnes, il s'insurge à l'idée qu'on puisse situer l'histoire du premier couple sur son continent : « J'ai observé qu'il y a des gens qui disent qu'Adam et Ève ont existé en Afrique. J'ai dit aux gens que non, Adam et Eve ne peuvent pas avoir existé en Afrique.
Pourquoi ? Nous n'avons pas de pommes, ça c'est la première chose, nous n'avons pas de pommes. Et puis si Adam et Eve étaient des Africains, ils n'auraient pas mangé la pomme, ils auraient mangé le serpent. Parce que nous on mange le serpent. Je ne vois pas qu'un Africain qui a faim aille manger une pomme alors que traîne un serpent. Ça c'est de l'observation.
Nous on ne joue pas avec les animaux, ce sont les Blancs qui jouent avec les animaux comme s'ils étaient leurs copains ou copines, nous, on ne joue pas avec les animaux, on tue et on mange. On n'est pas trop fruits, on mange la viande. Si Adam et Eve avaient été des Africains... »
Côté grands-mères, Octave constat qu'il entend plus parler de la morte que de la vivante, de Berthe que de Georgette. C'est pourtant cette dernière qu'il a envie de rencontrer parce qu'elle ressemble aux femmes de sa propre famille. Il paraît qu'elle sait tout faire, cuisiner des plats de maison et des plats de fête, coudre, broder, tenir les comptes, tailler un petit drap dans un grand usé sur les bords. Elle connaît la meilleure cire pour les meubles, comment raviver l'étain, lutter contre les vrillettes, sauver les vieux livres en les brossant et en les recouvrant de papier cristal.
Ah, soupire Marianne, tout juste capable de recoudre un bouton et de séparer le jaune du blanc de l'oeuf, que n'ai-je appris d'elle ! Lorsqu'elle est là, la maison rajeunit.
D'aucuns disent que la fête est d'un bleu belliqueux, d'autres que la fête est l'amour d'une femme. Moi je dis que la fête est l'audace d'un homme qui livre ses entrailles au visible et dans la gorge des oiseaux, sur les marches d'un escalier, sous des croissants de lierre, à bord d'un navire, entre les cordes d'un luth, fait courir sa voix, son esprit, ses désirs, relayés par tant de truchements ailés, palmés, inanimés ou humains, que tout devenant lui-même il ne demeure plus rien de lui qu'il s'évanouit dans le désordre sauvage de ses invités.
Le chien qui accompagne Tobie, fils de Tobit, était aussi dans mon esprit un petit chien, comme celui qui suivait partout ma mère, mais relisant le Livre de Tobie, prenant la mesure des centaines de kilomètres qu'il a dû parcourir pour suivre son maître, je pense qu'il s'agissait plutôt d'un chien grand et robuste.

Tu n'auras plus besoin du soleil pour
t'éclairer ni de la lune pour t'illuminer
quand le Seigneur sera ta lumière, promet
Isaïe. Sous l'éclat de son visage, tu devien-
dras soleil. Dans l'espoir de cet heureux
futur, j'enflamme les raisons de douter, je
les réduis en cendres.
Soleil du soleil est Dieu. Magnifique image
ou concept, c'est selon, de Guy Le fèvre de
la Boderie, poète du XVIè siècle, dans un
sonnet adressé aux naturalistes et aux
mécréants. Au cas où vous seriez l'un d'eux,
Je vais le recopier…
AUS NATURALISTES ET MECREANS
Comme le beau Soleil de sourgeon perennel
Dardant son ray subtil penetre une verriere
Sans le verre casser, et sans que sa lumière
il retranche d'avec son pur rayon isnel :
Ainsi nous envoya Dieu le Père eternel
Son Verbe et sa splendeur dedans lea Vierge entiere,
Sans fendre son Christal ni rompre sa barriere,
Et sans se separer du sourgeon paternel.
Vous qui me donnez foy à la sainte ecriture,
Remerquez ce mystere au livre de Nature :
Ouvres les yeux de l'Ame afin d'apercevoir
Le Soleil du soleil qui dans les cœurs veut naistre :
Et n'attribuez plus au serviteur qu'au maistre
Puissant doit estree cil qui donne à tous pouvoir.
p.127-128