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Citations de Cécile Desprairies (96)


À toi de combler les blancs, donner du sens, lier les événements, au-delà de ce qui a été. C’est ton héritage, la part qui t’échoit, tu n’en auras pas d’autre.
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Mais est-ce qu’on « est », quand on « a » ? Et quand on sait ? Qu’est-on ?
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L' histoire est toujours écrite par les vainqueurs.Et au vainqueur va le butin.

( p.123)
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Friedrich ne se racontait pas, Lucie ne le racontera pas.

( p.87)
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Comme l'existence est messianique, il faut éduquer les Français au national-socialiste.Il ne faut pas laisser le Français penser tout seul mais l'aider à comprendre.
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Celle qui, quelques semaines plus tôt, était encore l'auteur de l'un des derniers slogans de la "Propaganda" (" Les " libérateurs"! La libération ! Quelle libération ?") est désormais protégée par un travail du "bon côté". Lucie n'est pas à une contradiction près quand il s'agit de sauver sa peau et d'éviter la honte et l'infamie. Ces femmes tondues au front marqué au fer rouge, enduites de mercurochrome, brisées, promenées à travers la ville à demi dénudées, elle préfère éviter d'y penser.
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L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Et au vainqueur va le butin.
Les choses sont simples. Ce sont les gens qui les compliquent.
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Il avait su afficher haut ce qui était tabou pour dissimuler d’autres parts sombres.
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Celle qui a quelques semaines plutôt était encore l'auteur de l'un des derniers slogans de la "Propaganda" (" Les " libérateurs"! La libération ! Quelle libération ?") est désormais protégée par un travail du "bon côté". Lucy n'est pas à une contradiction près quand il s'agit de sauver sa peau et d'éviter la honte et l'infamie. Ces femmes tondues au front marqué au fer rouge, enduites de mercurochrome, brisées, promenées à travers la ville à demi dénudée, elle préfère éviter d'y penser.
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Elle n'ignorait pas que, dans l'Ordre noir, la SS, chaque membre devait payer une capitation pour tout enfant manquant à une fratrie de quatre.
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À Paris, la vie est moins drôle. Lucie n’a plus ses repères et dans un
appartement qui n’a jamais été occupé par Friedrich, elle a l’impression
d’étouffer. Elle se plonge dans la lecture de livres ou de magazines,
Le Spectacle du monde ou Valeurs actuelles, dans lesquels elle reconnaît
des signatures familières, telles celles de Gaxotte ou de Benoist-Méchin. Le
style est mesuré mais le fond n’a pas changé.
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Mon frère, premier-né, est prénommé Frédéric. Autant dire Friedrich
Junior, ou Friedrich 2, comme le subjonctif du même numéro. Lucie
l’habille parfois en Lederhose, la culotte de peau austro-bavaroise, et peigne
ses cheveux blonds en arrière. Friedrich Junior est à la fois l’enfant rêvé et
un rêve d’enfant, même si Lucie aurait tant aimé que le père fût éponyme.
Dès son plus jeune âge, il reçoit l’injonction de faire un jour des études de
médecine pour devenir médecin, et vivre ainsi comme s’il était Friedrich –
une autre forme de Frédéric, en somme. Lucie a presque réussi, car il est
devenu un médecin « de la tête », ayant travaillé toute sa vie à l’hôpital
psychiatrique, essentiellement dans des unités fermées, soignant nombre
d’anciens Waffen-SS désormais gâteux, de vieux collabos confondant les
guerres et des dévastés de la guerre d’Algérie. Intelligent, il a vite compris
par où notre mère était malade et a très tôt refusé d’être appelé par ce
prénom, préférant celui de Félix, son deuxième prénom. Il y avait trop de
personnes dans Frédéric.
Mais que dire de Charles, le second mari, qui accepte de laisser nommer
son fils Friedrich, auquel il n’offrira guère de cadeaux, tant il semble être
compris « comme » le fils d’un autre, dans le foyer qu’il forme avec Lucie.
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« Les nouveaux héros, ce n’est plus nous. Ce sont ces crétins, qui
paradent déjà. La Résistance, mais la résistance à quoi, vous pouvez me le
dire ! Tout le monde faisait ce qu’on a fait. Simplement, de gros malins ont
senti le vent tourner. Les autres sont une bande de lâches.
« On y a cru et on y croit toujours. C’est comme ça et pas autrement.
Nos ennemis restent les mêmes, mais on se tait.
« Actuellement, on essuie quelques revers. Il faut laisser passer la
première vague. Ça promet d’être long. Mais tout n’est pas fini. Je ne peux
vous en dire plus.
« En attendant, il faut se débrouiller. Vous allez faire ce que je vous dis.
Exactement comme je vous le dis. Vous allez brûler tout. Pas jeter, brûler.
– Même les Signal ? hasarde Zizi, effrayée.
– Vous pouvez garder quelques Signal. Tout le monde lit des magazines.
« Brûlez la correspondance, qui nous cite les uns les autres. Il faut agir,
vite. Pas de sentiments.
« Faites attention à vos propos. Maintenant, vous la bouclez ! Ne parlez
pas du passé. Échangez des banalités avec les amis, les voisins.
« Vous m’avez bien entendue ? S’aider, c’est se compromettre. On ne
s’aide plus.
« Et si je vous y prends une seule fois, vous aurez affaire à moi ! »
Lucie prend son inspiration.
« J’aurais préféré éviter d’avoir à vous dire cela, mais nous entrons dans
la clandestinité.
« On est bien d’accord, on ne parle plus un seul mot d’allemand. On ne
l’a jamais parlé. »
Le groupe opine. C’est vrai, cette langue n’a jamais été leur fort – sauf
pour Lucie, bien sûr.
« Si jamais un mot vous échappe, dites que c’est de l’alsacien. Je vais
vous donner un truc : chaque fois que vous pensez “allemand”, dites à la
place “italien”. Par exemple, au lieu de parler de “Hitler”, dites
“Mussolini”. Au lieu de dire “le Führer”, vous dites “le Duce” – c’est la
même racine étymologique. “Duce”, ça veut dire “Führer”.
« Le mot “nazi” n’évoque rien pour vous. De toute façon, c’était en
Allemagne. Si vous ne pouvez pas vous en empêcher, remplacez par
“fasciste”. Un fasciste porte le faisceau ; c’est une sorte de sport olympique
italien.
« Pas de “collaboration” ou “collaborateur”. Remplacez par “travailler
avec”. Ça veut dire la même chose.
« Chaque fois que vous pensez “Aryen”, dites “Celte”.
« Et surtout ne parlez pas des juifs. Ne prononcez jamais ce mot ! »
Les amies de Lucie se demandent si elles doivent prendre des notes.
« Et le Maréchal ? » risque l’une d’entre elles.
Lucie hésite un instant. C’est un gros sujet.
« Pétain, vous pouvez en parler de temps en temps. Après tout, il a fait
Verdun. »
Elle poursuit sa harangue.
« Vous m’avez bien comprise : vous avez seulement le droit de parler
d’“Italie”. Exagérez la prononciation, faites des gestes, lancez-vous :
“Allora, ma che ci faccio ? Ma che dico ?” (De toute évidence, Lucie parle
mieux l’allemand que l’italien.). Et si on vous pose des questions précises,
vous avez mal compris. Rajoutez-en dans nos disputes. On est presque
napolitains. De toute façon, les Italiens adorent le théâtre. Et souvenez-
vous : on mange de la polenta. »
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Dans sa jeunesse, Raphaël avait été dédaigné par les siens pour son
style de vie ; guère présentable à leurs yeux, il avait été tenu à distance
respectable, sans trop d’excès cependant, pour qu’il n’oublie pas de les
coucher sur son testament. Couronné propriétaire des immeubles grâce à
son pygmalion, il était redevenu fréquentable.
À sa vie libre s’ajoutait son caractère incontrôlable et donc dangereux.
Jamais condamné, Raphaël pouvait attirer une attention fâcheuse, de nature
à mettre en lumière les autres faces cachées de la famille, et Lucie, qui avait
si bien su mater le reste de la lignée, n’avait que peu de prise sur lui. Pour
elle, c’étaient beaucoup d’efforts pour rien.
Mon grand-oncle et ma mère ne parlaient pas le même langage. Raphaël
méprisait tout ce à côté de quoi sa nièce était passée. Selon lui, Lucie
n’avait pas l’antisémitisme utile. Intelligente, oui, elle l’était ; c’était même
l’idéologue de la famille, orthodoxe, en plus, mais trop idéaliste aux yeux
de Raphaël, insuffisamment vénale. Pour lui, cette dinde avait cherché
l’amour plus que la possession. Financièrement, elle avait raté son
antisémitisme ; elle n’en avait rien tiré.
De son côté, Raphaël n’adhérait pas à tous ces grands discours. Il était
certes antisémite mais, disait-il, tout le monde avait été obligé de collaborer.
Il s’était enrichi au contact des nazis parce qu’ils étaient au pouvoir, comme
il aurait pu le faire avec d’autres. Lui qui avait raté son baccalauréat avait
suivi l’air du temps et semblait dire à sa nièce : « Toi qui es intelligente et
as fait des études, tu n’as pas réussi », portant son attention sur Lucie et non
sur son autre nièce, Zizi, qui criait souvent, mais n’avait pas les mêmes
capacités. Celle-là seule était une véritable adversaire.
Quand la conversation tombait sur cette période de l’Occupation,
Raphaël, auquel manquaient sans doute des capacités d’argumentation et
qui savait combien il avait été opportuniste, se mettait aussitôt en colère.
« Qu’importe qu’une chose soit vraie ou fausse si on est persuadé qu’elle
est vraie. Qui a raison ? » répétait-il, se refusant à juger. C’était son dernier
mot. Sa seule idée était qu’aujourd’hui, on ne faisait plus assez travailler
« les Français ». Pourquoi n’engageait-on pas des chanteurs français, des
metteurs en scène français, dans des mises en scène françaises, voilà ce qui
lui échappait. Avec ces nouveaux chanteurs qui n’articulaient pas, c’était
bien simple, on ne comprenait rien. Lui, l’homosexuel, prônait un fascisme
bon enfant, sans en connaître véritablement les périls ni savoir qu’il faisait
partie des boucs émissaires. De toute façon, il ne votait pas. Vraiment, qui
avait raison ? Pour lui, la vie était un jeu. Mais Lucie en savait trop.
Les rares fois où Raphaël était en présence de ma famille, l’écart
continuait de se creuser entre eux. Telle fois, il lui arrivait de raconter, dans
un silence consterné, comment il avait donné de l’argent à un garçon
rencontré sur un banc des Grands Boulevards, pour qu’il l’accompagne au
spectacle, et plus, si affinités ; comment il avait ensuite perdu ses clés et
tout ce qu’il portait sur lui, sans doute dépouillé par ledit garçon, puis la
façon dont il avait dû loger à l’hôtel, en face de chez lui, en attendant le
matin pour faire venir le serrurier.
À l’écoute de ces récits légers, le gigot-flageolets du déjeuner dominical
semblait mal passer, en ce jour du Seigneur. Vraiment, ces homosexuels
pourraient être plus discrets.
Le dernier avait soixante ans de moins que lui. Ce n’était plus Raphaël,
le gigolo. Et s’il avait longtemps aimé conduire sa voiture décapotable bleu
métallisé, une Panhard Tigre Cabriolet qui ressemblait à un jouet, c’était
désormais dans une Clio qu’il exhibait ses poulets.
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Progressivement, Raphaël avait changé de statut et de stature. Au reste,
de nombreux artistes allemands, pour la plupart anciens nazis n’ayant plus
le droit d’exercer leur métier dans leur pays, s’étaient utilement souvenus
de Raphaël ou lui d’eux. Des compatriotes aussi travaillaient pour lui, au
passé compromis et dont le futur immédiat l’était aussi.
Se refusant à des explications trop précises, Raphaël répondait de
manière évasive : « Ils ont eu des ennuis après la guerre. Ils n’avaient pas
de travail. » Ainsi, mon grand-oncle apportait ce que l’on appelle en
allemand par dérision un Persilschein, sorte de certificat de dénazification,
comme la célèbre lessive Persil, qui lave plus blanc que blanc. Fort de ce
laissez-passer, le grand blanchisseur se blanchissait lui-même, par la même
occasion. On finissait par en avoir une certaine habitude, dans la famille.
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Elle en a fait du chemin, la petite-fille de paysans bourguignons, la
paille dans ses sabots, la noiraude aux poux traités au pétrole, l’enfant qui
avait l’onglée et des crevasses quand il gelait à pierre fendre. Enfermée
seule à la cave sans lumière quand elle était punie. Traitée comme une
orpheline.
La raison invoquée était que son père, militaire de carrière, avait
démissionné de l’armée et cherchait du travail. La raison plausible est que,
d’une avarice à couper le compteur d’électricité la nuit, il avait économisé
les frais d’éducation de sa fille aînée en la plaçant chez les grands-parents
de l’enfant.
Lucie n’aura pas assez de toute son existence pour prendre sa revanche.
C’est aussi pour cela qu’elle reste attachée au gynécée. Ils savent ce qu’elle
a connu, elle pourra parader devant eux.
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Aussi, en plus de ses activités professionnelles, Lucie s’accroche et
obtient sa licence de droit ; pour celle de biologie, il lui reste à passer un
examen en octobre. Elle pourra bientôt travailler aux côtés de Friedrich –
« Il est aussi juste que j’attende de toi de m’aider à réaliser toutes mes
possibilités », lui écrit-il doctement. Certains soirs, elle est à la limite de ses
forces. La jeune femme écoute Friedrich discourir et tâche de rester éveillée
(« Lucie, tu m’écoutes ? – Mais oui, je te suis », répond-elle, dodelinant de
la tête, les yeux fermés). Elle a ses examens de droit – il lui reste encore à
potasser l’Administratif et le Civil, les Privilèges et les Hypothèques. Sa
biologie à préparer. Et tout un programme de lectures. Sans compter la
propagande. Décidément, la vie est chose sérieuse.
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Enfant, debout à l’arrière, la rappelant parfois à ses devoirs (« Ton
clignotant ! », « Passe la seconde ! », « Attention ! »), je l’entendais
murmurer avec conviction : « Ah, les salauds ! » En réponse à mes
questions, ce vocable désignait, de manière indifférenciée, tous ceux qui
avaient « condamné Pétain », « Laval » ou qui avaient « assassiné
Henriot », dont elle prononçait les noms en avalant les syllabes. Je pensais
que ces hommes étaient morts de façon tragique ou qu’ils avaient été
victimes d’une erreur judiciaire. Il devait s’agir de grands-oncles, dont nous
aurions été plus ou moins proches – ma famille comptait de nombreux
grands-oncles.
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Livre curieux, écrit par une historienne.
Curieux car c'est un mélange de roman à clé et de récit historique sur le monde de la collaboration avant, pendant et surtout après la guerre !
La mère de l'auteure, amoureuse d'un jeune nazi adhère à ses idées. Il est tué . Devenue prudente après la guerre concernant les idées et actes nazis, elle continue à vivre avec son mari mort, son nouveau mari et leurs enfants qui eux s'y retrouvent difficilement, très difficilement.
Intéressant surtout par la description du culte éternel d'un mari mort mais encore encombrant comme nazi. Elle donne la priorité au cryptage par prudence des événements de la vie courante au mépris des enfants qui ne s'y retrouvent pas du tout.
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L'épurateur s'était non seulement dispensé lui-même d'épuration, mais il épurait ses pairs.Il était passé dans le camp des vainqueurs, comme l'avait fait de son côté sa nièce Lucie.L' " effet caméléon " est une constante de ma famille.

( p.133)
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