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Critiques de Céline Lapertot (194)
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Ce qui est monstrueux est normal

« En littérature, tout se lit, tout se vit, tout se dessine. La laideur d'une famille qui traverse les lieux sales d'un pays qui ne veut pas le voir, c'est aussi ce que nous pouvons en faire, c'est aussi ce qu'elle sait en faire, depuis qu'elle a neuf ans, en les écrivant : la littérature. Alors on ferme les yeux et on redevient l'enfant. »



L'illustration de la couverture est très juste : une fillette hurlant dans un porte-voix. Ce récit autobiographique a beau être court, il n'en reste pas moins un long cri, celui d'une adulte qui se souvient avoir été l'enfant, d'une adulte qui aurait pu sombrer après avoir été l'enfant mais qui s'est relevé.



Les mots de Céline Lapertot savent se faire silex pour décrire la rue du Pont-Rouge, une de ses zones que personne ne nomme, que personne ne regarde «  parce que ça en tient pas debout, ça ne tient pas la route, ces murs en carton et ces allées qui puent la pisse de char, ces immeubles branlants aux vitres cassées ». du silex pour décrire la misère sociale mais aussi affective que subit l'enfant auprès d'une mère terrassée par la précarité et d'un beau-père violent. Mais ce qui est très fort dans l'écriture sèche et très travaillée de Céline Lapertot, c'est qu'elle à l'art de sublimer les blessures sans chercher à atteindre une quelconque esthétique fascinée par le sordide et l'abject. Jamais le lecteur ne sent voyeur et s'il est mal à l'aise, c'est parce que ce que subit l'enfant qu'a été l'auteur est inacceptable et relève d'une enfance que personne ne peut imaginer s'il a grandi dans une enfance cocon. Elle parvient à transmettre le goût des murs sales, des assiettes vides, des larmes et du sang sans pathos ni atermoiement.



Les mots de Céline Lapertot savent aussi se faire lumière lorsqu'ils rendent hommage au pouvoir salvateur de la littérature et de l'écriture. Parce qu' « il n'y a qu'à travers les mots qu'on peut s'octroyer le droit de balancer des coups de poings dans la gueule ». La violence du souvenir ne s'efface jamais sous les mots mais permet d'aller au-delà. Car l'enfant s'est révélé à l'école à coup de lectures frénétiques, puis sous le regard bienveillant d'éducateurs de la DDASS. Ecrire ou crever. L'enfant est devenu professeur.



Un récit intime sans fard d'un parcours de résilience, d'une grande honnêteté, un récit marquant, porté par une écriture forte à la hauteur de l'ambition de son auteure.
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Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance

Roger voue une haine féroce à Nicolas, ce demi-frère qui l’a privé de la fête qu’il méritait pour ses dix ans. Ce cadeau empoisonné ne sera jamais accepté et des années plus tard, le ressentiment ne faiblit pas. Et comme pour compléter l’argumentation qui justifie une telle inimitié, les deux hommes ont fait le choix de carrières diamétralement opposées : Roger évolue dans les hautes sphères politiques alors que le cadet est artiste, autrement dit méprisable pour l’homme public que Roger est devenu.



Roger est sur le point d’écrire une page non négligeable de l’histoire politique du pays, puisqu’il est bien décidé à rétablir la peine de mort !



La roche tarpéïenne est proche du capitole : le projet de loi à peine voté, Nicolas est impliqué dans une affaire de viol suivi de meurtre …



Il ne s’agit pas d’un débat sur la peine de mort, que tant de défenseurs ou pourfendeurs ont alimenté, dont en dernier recours et pour son abolition le ministre Robert Badinter, que l’autrice ne manque pas de citer, sans ignorer Barrès qui proclamait, comme notre garde des Sceaux fictif, la nécessité de cette peine capitale. Il en est question mais ce n’est pas l’objet du roman. Ce qui est pointé, c’est l’incohérence d’une loi dont les effets broient tout sur son passage, et dont l’application a des conséquences individuelles dramatiques, avec le risque de l’erreur judiciaire amenant à l’échafaud un innocent qu’une réhabilitation posthume ne ramènera pas.



Au coeur de ce drame, la jalousie d’un enfant, qui s’est senti spolié de l’amour d’une mère, soudain divisé en deux, et qui ne parviendra jamais à passer outre, malgré le sentiment confus que ce frère abhorré aurait pu être adoré, si la fierté et l’incapacité à se remettre en question n’avait à jamais interdit ce rapprochement.

Il faut bien comprendre tout de même que la coïncidence du rétablissement du châtiment suprême est tout à fait fortuite et que Roger n’a pas délibérément soutenu le projet de loi pour envoyer son frère à l’échafaud.



L’écriture est efficace, tonique et aborde ces sujets difficiles avec beaucoup de conviction, Difficile pour le lecteur de ne pas se laisser emporter dans cette sombre histoire familiale sur fond de débat moral intense.


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Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance

Une haine viscérale, dont les racines remontent à l’enfance, oppose Roger Leroy, garde des Sceaux d’un gouvernement populiste, à son demi-frère, Nicolas Lempereur, rock star aux idées larges. Leur querelle prend un tour inédit, lorsque, à peine Roger vient-il de faire rétablir la peine de mort grâce à l’indignation provoquée par la récidive d’un tueur pédophile, Nicolas est accusé du meurtre d’une jeune femme.





Quarante ans après son abolition en France, la peine de mort et la question de son rétablissement continuent de peser dans les sondages et les déclarations de certains politiques. Céline Lapertot prend ici le contre-pied, dans un vibrant plaidoyer alignant scènes fortes, phrases percutantes et moments d’émotion : si, dans sa peur et sa colère, la foule trouve en la mort du criminel une vengeance et un apaisement à son angoisse, la peine capitale n’a jamais fait baisser la criminalité, juste rendu irréversibles les erreurs judiciaires.





Mais, si cette histoire fait froid dans le dos, ce n’est certainement pas seulement pour les exécutions auxquelles elle nous fait assister, rendant l’acte concret pour que chacun en mesure bien toute la réalité. C’est aussi largement pour ce qu’elle pointe des actuelles dérives sociétales qui permettent aux populistes de prétendre s’imposer. Roger, mégalomane puisant l’essentiel de ses motivations dans ses failles et rancunes personnelles, n’est entouré que du cynisme et de l’arrivisme de ses conseillers. Ayant trouvé, dans le rétablissement de la peine de mort, l’opportunité commode de sortir du lot, mais aussi un exutoire à la colère qui l’étouffe depuis l’enfance, il fait feu de tout bois sans la moindre vergogne, surfant sur l’émotivité de l’opinion et l’emballement des réseaux sociaux. Son entêtement n’a d’égal que son aveuglement, et aucune considération, fut-ce la vie de son propre frère, ne lui rend jamais le moindre discernement : un comportement et une absence de garde-fous dont, bien au-delà de l’exemple ici de la peine de mort, on imagine aisément le danger quand ils mettent en jeu la conduite d’un pays.





Ce livre choc qui n’a pas peur des mots, fussent-ils triviaux, dénonce un bien peu reluisant échiquier politique et médiatique. Balayant les autres pièces (nommées King, Királynö ou reine en hongrois, Maréchal...) grâce à une opinion publique dont les réseaux sociaux favorisent les jugements hâtifs et la manipulation par l’émotion, émergent des Leroy, qui, emportés par leur arrivisme et leurs névroses, n’hésitent pas à brandir n’importe quel argument populiste pour devenir calife à la place de Lempereur. Accablant.


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Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance

Fait du hasard , me voici plongé dans un roman concernant le difficile sujet de la " peine de mort " , tout juste après avoir tourné la dernière page du difficile et éprouvant " sept jours du talion " . Pas forcément la meilleure façon de préparer des fêtes de fin d'année auxquelles on attribue souvent le qualificatif de " joyeuses " ...mais , bon , quand le vin est tiré, il faut bien le boire...

Bon , ceci dit , l'action se déroule en France , l'un des derniers pays européens à avoir " remisé la terrible machine à tuer " du sieur Guillotin , suite à la loi défendue par Robert Badinter .

Seulement , le temps passe et l'histoire balbutie . Certains et certaines verraient avec une certaine satisfaction le retour de la peine capitale pour rétablir... C'est le cas de Roger Leroy , le garde des Sceaux d'un gouvernement populiste qui aimerait bien laisser trace de son passage au gouvernement en remettant la peine capitale au goût du jour

Dans le même temps , son demi - frère, Nicolas Lempereur , méne une belle carrière musicale . Un demi- frère détesté au delà du raisonnable . L'enfance a fait des ravages

Lorsque Nicolas est accusé d'un crime , c'est un odieux piège qui se referme ... sur les deux hommes .C'est terrible ...

Un livre court , un coup de poing , une belle et brillante découverte dans laquelle les mots relatent avec force une histoire dont on tourne les pages partagé entre espoir et angoisse , Le style est remarquable et l'on comprend vraiment que la langue française dispose de tous les mots pour traduire les émotions les plus complexes lorsqu'un "maestro " se trouve aux manettes .

Les personnages sont peu nombreux mais permettent de bien mettre en exergue la dualité des idées. Noir ou blanc ? Blanc ou noir ? Et si la réalité était dans la nuance ?

Une très belle intrusion dans une société qui est entrée dans une grande période d'errance , un plaidoyer qui place le lecteur au centre de ses réflexions et de ses responsabilités.

Un " petit " roman pour une " grande " réflexion. Bravo à l'auteure , même si , en ce qui me concerne , je vais , si vous vous le voulez bien , me diriger maintenant vers un sujet plus ..." léger ".
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Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance

Roger Leroy et Nicolas Lempereur sont demi-frères. Jamais ils ne se sont entendus. A présent Roger est garde des Sceaux d'un gouvernement populiste et Nicolas chanteur dans un groupe à succès. Roger va rétablir la peine de mort, comme il s'y est engagé. Mais ce qu'il n'avait pas anticipé, c'est que son demi-frère serait accusé de viol et de meurtre. ● Céline Lapertot s'engage sur les pas du Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo et de l'action de Robert Badinter pour dénoncer la peine de mort. ● Mais que cette tentative est maladroite ! L'intrigue est cousue de fil blanc, invraisemblable à souhait. ● Bien que le roman soit très court, les longueurs abondent et engendrent l'ennui du lecteur – en tout cas le mien. ● La seule chose qu'on peut sauver de cet ouvrage c'est le style, qui est original même s'il ne m'a en réalité pas plu. Mais objectivement il est intéressant et a beaucoup de qualités.
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Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre

Charlotte a 17 ans et elle attend de voir le juge. Parce qu'elle a commis un acte irréparable et qui demande une explication. Mais elle choisit de ne pas dire, de ne pas faire entendre le son de sa voix, elle cherche plutôt à faire passer l'impensable avec les mots qu'elle couche sur un cahier. Elle nous donne alors, l'espace de quelques pages, la possibilité de partager avec elle la chambre humide et froide que son père a choisi pour elle, pendant 10 ans. Sans plainte, sans larme, juste avec une boule au ventre, on entend et reçoit son cri...

Une livre coup de poing, tout en finesse. Une écriture fluide et parfaite, qui alterne entre présent et passé, sans temps mort et sans longueur. Céline Lapertot réussit avec talent à nous plonger dans l'horreur d'un drame familial...
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Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance

*****



Rétablir la peine de mort… C'est la plus grande, si ce n'est la seule, conviction de Roger Leroy. Garde des Sceaux, c'est le combat de sa vie politique. Entourés de ses collaborateurs et porté par une affaire de pédophile récidiviste, Roger va mener à bien ce projet. Il ne veut pas chercher, comprendre, accepter, ce qui cache sous cette volonté de rendre justice… Pourtant, il devra faire face à ses démons… Et se pardonner…



Lu en quelques heures, le dernier roman de Céline Lapertot est une véritable pépite… Tout y est si juste, si vibrant, si parfaitement à sa place.



Avec une habileté étourdissante, elle nous entraîne au coeur d'un combat fraternel. Roger découvre le jour de ses 10 ans que son père menait une double vie. Mais la plus grande des trahisons n'est pas là. Ce qui le fait souffrir au point de l'aveugler, c'est qu'on lui impose un frère, Nicolas. On ne lui laisse pas le choix. Une chambre a été ajoutée, préparée, décorée, et Nicolas est devenu en quelques heures seulement le nouveau membre de la famille.



Entre Roger et Nicolas jamais de lien ne naîtra. Au contraire, tout les oppose. Leur père, bien malhabile, ne fera qu'accentuer cette blessure, cette déchirure. Jusqu'à cette idée de peine de mort, que Roger brandira comme un étendard. Sans en imaginer les conséquences…



Chaque personnage de ce roman est une facette de la tragédie qui se joue. Et nous, simple spectateur, ne pouvons qu'attendre, impuissant, d'atteindre le point de non-retour.



Comme à son habitude, Céline Lapertot fait briller par son écriture la part sombre de l'humain. Elle touche notre âme, elle affole nos sens, elle atteint nos coeurs. Et on ne sort pas indemne… Une page se tourne, quitter Roger et Nicolas m'attriste. Entre remords et espérance, effectivement…
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Des femmes qui dansent sous les bombes

Elle s'appelle Séraphine.

Elle marche en silence, froide et determinée dans les plaines du Congo, du Mali, du Soudan, quelque part en Afrique.

Rendue étrangére à elle -même par un viol au récit difficilement soutenable et par le meurtre de toute sa famille, Séraphine part se retrouver au côté " des lionnes impavides" de l'armée régulière.

Celle à qui on a volé la légéreté ne marche plus qu'à l'obsession de la vengeance, de la justice, les deux notions se confondent dans un espace oú prendre le temps de la nuance signifie la mort.



C'est l'unique certitude.

Séraphine devient une idée, ne fait plus qu'un avec l'acte toujours à venir du meurtre de l'homme qui souille, humilie , déchire :Nous mourons trouées par le sexe des hommes "......

Devenues "des lionnes impavides" , respectées par les autres soldats, redoutées pour leur bravoure et leur ferocité par les milices qu'elles traquent, elles ont décidé de retourner la violence subie contre ceux qui l'infligent à d'autres femmes.





Le roman est fort, parfois écrasant tant la brutalité est omniprésente.

La répétition d'un "Je te tue" lancé en défi au désespoir instaure une politique du chaos qui souligne la crudité des chairs à vif.

La parole des personnages sous forme d'interviews à un lecteur journaliste alterne avec le récit intiatique de Seraphine.

Le style saccadé, brutal de l'auteur ajoute à la violence, à la crudité des scènes mais aussi l'empressement, l'acharnement qu'ont ces femmes à prendre leur revanche sur la vie en défendant leur corps, Leur pays.

On est happé par leur quotidien violent bouleversant mais aussi par leur courage, leur héroïsme et leur dignité!

Un livre puissant , charnel, à l'écriture tendue, violente ,crue, à la froideur méticuleuse pour dire l'horreur des sévices et l'exclusion sous toutes ses formes, à l'intense puissance psychologique qui nous tient en haleine!

Il est impossible de lâcher ce roman .

D'une justesse saisissante c'est un hymne à l'héroïsme des êtres qui transforment leurs silences en un cri de courage et de fureur!

Une interrogation sur la culpabilité et la légitimité de la vengeance.....

Est- ce mal de tuer celui qui s'apprêtait peut- être à le faire?

Une oeuvre violente toutefois pétrie d'espoir, de Liberté, de Vie !

Je ne connais pas l'auteur, j'ajoute que j'ai été attirée par la beauté de la première de couverture et le titre ! Aux éditions Viviane Hamy , synonyme de qualité !
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Des femmes qui dansent sous les bombes

Qu’il est difficile d’écrire quelques mots pour parler d’un roman d’une telle qualité d’écriture. C’est avec une douce plume, poétique et maîtrisée que Céline Lapertot couche sur le papier ce récit terrifiant, violent, racontant l’enfer dans lequel sont emprisonnées les femmes au Congo ici, mais dans n’importe lequel des pays d’Afrique ou d’ailleurs dans lesquels sévissent de terribles conflits armés. Avec la magie de ses mots savamment choisis, l’auteure fait briller les âmes assombries de ces femmes, Séraphine, Blandine, Ina,… les « lionnes impavides » comme elles s’appellent à qui le destin de mères, d’épouses a été ravagé par des miliciens qui les ont violées, ont assassiné leur famille, ont rasé, brûlé leur village.



A l’image de nombreuses autres femmes, Séraphine, dont Céline nous raconte la terrible histoire a été violée devant les yeux de son père agonisant. Plus qu’un viol de son intimité physique et des conséquences psychologiques, c’est son avenir qui est dévasté. Promise à un mariage, vivant heureuse et insouciante, il ne reste aucun espoir à Séraphine.



Emmenée à l’hôpital, c’est Blandine, une « lionne impavide », une guerrière de l’armée régulière arrivée à temps pour éviter encore plus de déchaînement de haine et de violence, qui lui insufflera l’envie de se battre, de vivre, pour se venger d’une part mais pour faire cesser la barbarie et sauver d’autres femmes. La douce jeune femme d’une vingtaine d’année, se transformera en une rugissante lionne, entourée d’une nouvelle famille, celle de ces femmes à qui l’on a enlevé le droit d’aimer et d’être aimé.



Ce roman nous désarçonne, nous met une claque dans la figure, de celle provoquée par l’horreur du monde qui nous entoure mais que l’on préfère souvent ne pas voir. Mais derrière cette noirceur, ce cache un hymne à la vie, à la féminité, une réponse à la domination masculine. Les femmes ne sont pas les souffre-douleurs des hommes et jamais elles ne sont aussi fortes que quand elles font front ensemble contre la tyrannie.


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Ce qui est monstrueux est normal

C’est un peu comme si Céline Lapertot vous invitait à une projection privée, en super 8. Elle projette les images de sa vie et au début, c’est mignon, nostalgique, un peu laborieux, une ritournelle, et puis les premières fausses notes arrivent quand son beau-père apparaît. Avec lui, surgissent l’alcool, la précarité, le malaise, et bientôt l’impensable… Le récit change de registre, sans entracte pour se préparer au choc qui va suivre. Son malheur saisit à la gorge au détour d’une description anodine, sans crier gare. L’auteure utilise la fiction pour tenir le monstre à distance. La littérature sert aussi à ça : à se protéger des bassesses de la vie. Les pages 42 à 49 sont extraordinaires de lucidité et d’intensité. Pour évoquer l’abus dont elle est victime, Céline Lapertot suggère là où d’autres (ex : Angot) auraient choisi de surexposer les faits. Elle ne cherche pas à montrer pour démontrer. Mais elle n’élude jamais la douleur, l’ambiguïté de ses sentiments, cette quête d’amour qui ne peut s’accommoder du viol « … parce que l’enfant réclame de la tendresse et qu’à la place, on lui donne du sexe ». C’est d’ailleurs une question récurrente dans le livre : comment la littérature permet-elle d’exorciser l’horreur d’une existence passée (les mots contre les maux) ? Doit-on y associer les lecteurs (p50-51) ? Passée l’évocation de son martyr, commence un autre livre (tout aussi passionnant) dans lequel l’auteure affirme que la DDASS l’a sauvée, que sa famille d’adoption lui a redonné le goût de la vie, que l’amour est étranger à l’ADN (sa mère biologique et son silence coupable…) et qu’à ce titre, l’administration fait souvent des conneries. Céline Lapertot aurait pu mal finir mais son innocence brisée lui a donné, paradoxalement, « le trésor des rois (…) une capacité infinie de rebondissement ». Voilà l’exemple (si rare !) d’un récit autobiographique qui vaut la peine d’être lu : le récit bouleversant d’une renaissance.
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Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre

Une famille normale, plutôt aisée. Un père charmeur et sûr de lui, une mère discrète. Et puis la petite Charlotte qui nous raconte la réalité derrière les apparences. Ce père tyran pervers et malsain qui la brise jour après jour, cette mère résignée qui ne se bat plus, ni pour elle, ni pour sa fille, victime et complice. Mais Charlotte n’est pas de ce bois-là et elle veut croire, malgré sa soumission apparente qu’un jour elle mettra fin à tout ça.



Un livre très noir, tendu, qui donne un aperçu glaçant de la maltraitance vue de l’intérieur et des mécanismes de protection qui font que les victimes gardent parfois le silence malgré les mains tendues.

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Des femmes qui dansent sous les bombes

Dans un pays d’Afrique dévasté par la guerre civile, Séraphine voit sa famille et ses voisins massacrés par les rebelles.

Sauvée de justesse de la mort par un raid de l’armée régulière, elle rejoint Blandine et devient une lionne impavide, rejoignant une armée de femmes.

Au fil des jours et des rencontres, la résistance se transmet d’une femme à l’autre comme autrefois les gestes simples d’un quotidien que l’horreur a balayé.

Parce qu’elles découvrent que c’est possible : on peut refuser de vivre l’échine courbée, une terreur foudroyante rivée au cœur et au corps, on peut choisir de tout risquer si c’est pour ne plus être qu’une victime.



Dès les premières pages de ce roman extraordinairement puissant, très minutieusement construit et magnifiquement écrit, on épouse la cause de ces femmes, marchant dans la forêt à leurs côtés, ressentant leurs souffrances, leurs peurs, mais surtout cette immense force capable de soulever des montagnes.



Ce roman est un coup de poing, un de ces livres qui bouscule, dont l’écriture poétique et âpre de Céline Lapertot résonne encore longtemps après la lecture.

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Ce qui est monstrueux est normal

Céline Lapertot a un indéniable talent d’écriture.

Elle manie parfaitement bien les mots et les tournures de phrases

J’avais beaucoup aimé « Ne préfère pas le sang à l’eau » et je récidive avec celui-ci.

Et pourtant, le sujet est difficile !

Elle raconte, en disant « l’enfant », son enfance difficile, disons plutôt monstrueuse.

Mais sans s’en plaindre vraiment.

C’est un constat, c’était comme ça.

Et la manière de raconter est d’une grande originalité.

S’y mêle la fonction salvatrice d’ l’écriture.

Je suis admirative de la manière dont elle s’en est sortie, pas indemne certainement, mais grandie de cette enfance bafouée.

Qui pourrait être indemne ?

Beaucoup de pudeur, de délicatesse pour décrire l’indicible.

Non, tout ce qui est monstrueux n’est pas normal.

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Ne préfère pas le sang à l'eau

****



Quand la grande citerne explose à Cartimandua, c'est l'essentiel de la vie qui disparaît. Cette eau qui manque, qui rend fou, cette eau qui assèche autant les corps que les coeurs. Quel avenir se prépare ? Quelle humanité s'éteint ?



C'est ma deuxième rencontre avec Céline Lapertot et je suis définitivement conquise. Son univers, sa poésie, ses mots si justes, cette écriture qui résonne… Tout en elle est d'une puissance folle.



Si l'histoire de ce roman est difficile à situer, quel pays, quelle époque, elle retentît douloureusement à nos oreilles.

Quand la soif pousse des gens à braver les déserts, la chaleur, le déracinement, et que le regard des autres tuent plus que cette douleur au fond de la gorge, nos coeurs se serrent. Quand la haine voile les regards, que les coupables sont les derniers arrivés, les plus fragiles, ceux qui veulent juste survivre, alors nos mains se tordent…



Roman fort et puissant sur l'amour, l'amitié, la trahison et la culpabilité, c'est avant tout un cri, un poing levé, et des mots écrits à la craie contre la violence aveugle, le rejet de l'autre et l'égoïsme…



A toi Karole, victime innocente, puisses-tu nous regarder avec bienveillance, où que tu sois… Pardonne-nous surtout…
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Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance

Il y aurait tant à dire sur ce roman et pourtant il ne faut pas trop en dire car les romans de Cécile Lapertot sont des chocs littéraires non seulement par son écriture, puissante, rythmée, violente parfois, mais surtout par ce qu'elle veut provoquer en nous : une réflexion sur un sujet, sur les maux de notre monde.



J'ai tout lu de Céline Lapertot et cela à commencer avec Ne préfère pas le sang à l'eau qui a été un choc par l'écriture, par l'histoire et ce qu'elle portait en elle au-delà du récit découvrant une écriture puissante comme un cri. Alors quand un tel phénomène se produit on a qu'une seule envie c'est de lire les autres parutions : Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre, Des femmes qui dansent sous les bombes et Ce qui est monstrueux est normal (autobiographique) et à chaque fois je retrouve cette colère à travers un roman pour dénoncer l'injustice, les abus ou les faces sombres de notre monde, de son inhumanité, évoquant les faibles sans voix qu'on entend pas ou dont on ne parle pas.



La peine de mort est cette fois-ci le sujet qu'elle décide d'aborder car avouons-le tout le monde a plus une moins une prise de position. Quand on en discute majoritairement on annonce que l'on est contre mais, très vite "oui mais" s'il s'agit d'un crime qui touche l'un de nos proches d'autant plus s'il est la victime ou s'il s'agit d'enfants, de crimes odieux, de femmes etc.... la restriction pointe.



Ici Céline Lapertot utilise plusieurs voix mais aussi voies. Plusieurs voix donc : celle de deux demi-frères qui ont en commun un père  peu présent car menant une double vie et qui se voient imposés l'un à l'autre, l'un, Nicolas Lempereur, sortant de son anonymat et présenté à l'autre, Roger Leroy, le jour de ses 10 ans.... Celui-ci s'attendait à mieux comme cadeau ! Restera entre eux à partir de ce jour un fossé infranchissable surtout de la part de Roger.



"En une décennie, les deux frères auront manqué d'amour mais n'auront pas manqué de ces convictions qui créent un hiatus tranchant comme la lame de la guillotine. (p44)"



Nicolas deviendra musicien et Roger Garde des Sceaux : deux destins, deux trajectoires et rien en commun tant ils évoluent dans des sphères lointaines l'une de l'autre mais le sort va les remettre en présence. Quand l'un veut laisser son nom dans l'Histoire en étant celui qui aura restauré le châtiment suprême en se livrant à une joute oratoire dans laquelle l'éloquence est le maître mot, l'autre sera désarmé face aux accusations. Mais les mots et l'acte n'ont pas la même portée ni conséquence et ce face-à-face va ébranler son auteur.



"C'est un moment d'art où la mort ne plane pas, alors que l'on ne parle que de cela. C'est un moment de pure abstraction entre deux ténors qui se livrent un duel à coups de Code civil et de morale républicaine, comme si les conséquences de ce jeu de dupes n'étaient pas le risque de voir des têtes tomber dans un panier en osier (p122)"



Et ce qui était une certitude, le rétablissement de l'autorité, de la peur pour faire régner l'ordre, va se trouver mise à mal, malgré l'entourage de son cabinet ministériel, malgré un coupable qui n'attend que l'exécution pour se libérer d'une attirance coupable dont il ne peut se défaire.  Alors au-delà de la satisfaction de voir son nom accolé à une loi, il y a la réalité de l'acte, sa cruauté mais aussi son côté irréversible et c'est tout ce que Céline Lapertot réussit magistralement à faire dans ces quelques 200 pages en nous mettant face aux contradictions, à nos contradictions.



A la manière de Caïn et Abel, la rivalité affective d'un frère sur l'autre va se transformer en punition légale dont l'un portera à jamais la marque indélébile.



Elle fait entendre toutes les voix mais fait également apparaître tous les aspects du dossier, allant jusqu'à englober la puissance et l'injustice car elle s'attache à défendre les causes de ceux qui ne détiennent pas de pouvoir, des machines implacables qui se mettent en route et broient tout ce qu'elles trouvent sur leur passage.



Alors elle plante le décor, ses acteurs sont en place, le rideau peut se lever et la tragédie peut débuter car il s'agit bien d'une tragédie qui va se dérouler sous nos yeux, dans les mots et entre les lignes. Tout commence par un homme qui va s'attaquer à ce que d'autres ont défendu ou obtenu. Et comme souvent dans une tragédie s'y mêle la racine première, celle d'une jalousie familiale jamais guérie, celle d'une revanche à prendre. Une tragédie où l'enjeu n'est rien de moins que la vie ou la mort d'un être humain, décidée par d'autres êtres humains, sur ce que l'on peut appeler preuves mais dont on connait la fragilité.



J'ai retrouvé la force que Céline Lapertot met dans ses mots, dans le rythme de ses phrases mais également dans ses arguments et comment ne pas penser à Victor Hugo avec Le dernier jour d'un condamné à mort ou aux prises de position de Robert Badinter, celui qui en 1981 est à l'origine de la suppression de la peine de mort en France parce qu'il savait, pour y avoir assister, ce que cela voulait dire.  



Avec une montée en puissance au niveau des émotions, avec la cruauté nécessaire pour nous mettre face aux contradictions que soulève une sentence, avec une poignante lettre, elle fait de ce récit un plaidoyer implacable qui rejoint ceux de ses illustres prédécesseurs.



J'ai beaucoup aimé.



P.S. : Je ne sais si c'est volontaire de sa part mais mon attention a été retenue par tous les noms des principaux protagonistes : Leroy, Lempereur, Maréchal et jusqu'aux noms des victimes King (Roi en anglais) et Királynö (Reine en hongrois)... Coïncidence ou souhait volontaire ?
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Ce qui est monstrueux est normal

Un livre terrible qui relate l'enfance de l'écrivaine dans un milieu plus que défavorable entre une mère inexistante et un beau-père pédophile. Céline Lapertot raconte, d'une plume sobre, l' inénarrable tout en expliquant comment l'écriture et le placement en foyer puis en famille d'accueil l'ont sauvée. Une lecture forte.
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Ne préfère pas le sang à l'eau

L'eau qui disparait, la sécheresse, 300 paires de jambes, à la recherche d'un trésor, capables de parcourir des milliers de kilomètres pour boire, simplement boire. Karole, une petite fille est en marche avec ses parents et une partie de son peuple "les nez-verts" pour un pays voisin Cartimandua qui a la chance de posséder une immense Citerne qui met ses habitants à l'abri de la soif en alimentant en eau courante une grande partie de la ville.



Une énorme citerne, faite d'acier et de béton, un paquebot indestructible. Mais un jour, la citerne explose, des soldats partout dans la ville, la fin d'une civilisation, il faut la manière forte dans un pays pour que les règles soient à nouveau respectées, et un dictateur est porté au pouvoir. Il faut toujours un coupable, et l'étranger est toujours le premier désigné. La raréfaction de l'eau creuse un fossé entre les peuples, et les gens ne veulent pas partager.



Thiégo, lutte contre ce tyran, il a publié des lettres ouvertes dans des journaux clandestins, la liberté se construit un stylo à la main. Sur les murs il trace Liberté j'écris ton nom . Dénoncé par son ami d'enfance Marco, Thiégo se retrouve dans un pénitencier.



Une fable polyphonique qui aborde les thèmes essentiels du monde d'aujourd'hui, le partage des richesses, les migrants, les réfugiés climatiques, les démocraties vacillantes, la tentation de l'extrémisme, la xénophobie. Un court roman d'une richesse incroyable, plaidoyer pour la différence, la liberté et la fraternité.


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Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance

Le souci avec un sujet comme la peine de mort, c’est que les avis sont souvent tranchés.



Dans un monde où on est maintenant condamné en un clic, où la vindicte populaire peut s’abattre comme un couperet, un tel sujet est épineux. Céline Lapertot propose une fiction pas si loin du réel fantasmé de certains.



L’émotion surclasse la raison, souvent. Éternel débat. L’autrice pousse le curseur, pas si loin, quelques années en avant, avec un gouvernement plus populiste. Au point d’oser sabrer dans les droits de l’Homme. Exit la déclaration universelle, lacérée.



Céline Lapertot imagine un retour sur une mesure phare et qu’on pense inaltérable, un sujet qui sert sa réflexion et qui n’est pas si improbable que ça.



Roger Leroy est un politicien qui veut, comme beaucoup, laisser sa trace. Une ambition telle qu’il rêve même d’écrire un pan de l’Histoire. Quitte à entailler ses convictions réelles, pour que le sang imbibe ses discours.



Chaque citoyen est avant tout une femme ou un homme construit par son passé, son enfance. Lui comme tout autre. Son choix, sa volonté se sont construits à travers son expérience dévoyée, ses propres fêlures. Quitte à cisailler sa propre branche, parlez-en donc à son artiste de demi-frère.



L’autrice nous emmène dans l’arène pour assister à la mise à mort. Où beaucoup rêvent qu’on coupe des couilles comme on le fait d’oreilles. Avant de tronquer la tronche des assassins.



Roger Leroy n’est qu’une métastase d’une tumeur qui grossit. Le vox populi qui se transforme en vox populisme. Avec une vision qui se veut dichotomique, noir ou blanc, coupable ou innocent.



Un monde binaire qui joue sur l’émotion. Celle de cette vindicte populaire face aux plus odieux des crimes, ceux contre l’innocence.



Pourtant, rien n’est plus compliqué que de jouer avec la vie d’autrui, et de décider de la raccourcir. Le droit, la morale et les émotions s’entremêlent, avec ces dernières qui prennent trop souvent le pas sur le reste. Avec la peine de mort, pas de retour en arrière possible, c’est one shot.



L’autrice, en à peine 210 pages, propose un roman d’une rare profondeur, dense, émotionnellement chargé tout autant que poétiquement ciselé.



Avec force arguments et contre-arguments, elle met tous les points de vue sur la table. En taillant quelques costards au passage.



Elle nous conte une vraie histoire, avec des personnages impliqués dans une affaire où chacun a un avis tranché, et se retrouve dans ce qui tourne à l’embrouillamini. Impossible alors de se retrancher derrière de simples arguments politiciens et théoriciens.



Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance est un vrai roman noir autant qu’une fine analyse sociétale. Un texte de classe, autant dans la forme que dans le fond.



Céline Lapertot fend de son talent chaque paragraphe, avec finesse et intelligence. Mais aussi avec mordant, n’hésitant pas à hacher menu certains comportements, pour encore espérer ne pas nous voir tous amputés de notre humanité.
Lien : https://gruznamur.com/2021/1..
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Ce qui est monstrueux est normal

J’ai lu les trois précédents romans de Céline Lapertot que j’ai découvert avec Ne préfère pas le sang à l’eau, une révélation pour moi, un coup de poing, une prise de conscience. J’ai lu ensuite Des femmes qui dansent sous les bombes et Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre dans lesquels j’avais retrouvé la « patte » le « style » de l’auteure, une manière bien à elle, souvent une rage, une colère qu’elle traduit en force, une force de mots.



Quand j’ai appris la sortie de son dernier opus, une autobiographie de son enfance, inutile de vous dire que je n’avais qu’une envie ….. le lire. Evidemment il m’a fallu attendre qu’il soit disponible à la bibliothèque mais c’était bon signe….. Je n’étais pas la seule à l’apprécier !



Je me doutais que derrière cette écriture fiévreuse, se cachaient des blessures. Ce n’était pas possible autrement pour moi. Ici, l’auteure se raconte, en prenant de la distance, en parlant de « l’enfant », de cette enfant qu’elle a été, mais il faudrait plus dire « crie » dans ce « livre blanc », tout ce qui l’a détruit mais aussi reconstruit. Ce beau-père, ce « presque-père » qui ne respecte rien, l’indifférence d’une mère, le non-amour familial et puis la renaissance à 13 ans, la découverte d’un territoire inconnu : l’amour d’une famille.



Elle évoque ce qu’il y a de plus intime en elle, tellement enfoui, refoulé et qui remonte à la manière de « mauvaises madeleines de Proust » ici ou là, certains souvenirs se tapissant pour ressurgir et faire émerger ce que la mémoire avait choisi d’oublier :



"La mémoire refoule ce qu’elle n’est pas encore prête à porter. Il faut être fort, dans cet endroit si précis de la cage thoracique où l’on cache ce qui nous brise, il faut être vaillant, pour pratiquer cette maïeutique du souvenir qui nous laisse tout bête au milieu de la salle des professeurs, tandis que retentit la sonnerie. Il faut être fort pour entreprendre ce jeu d’échecs avec nos cerveau sur un terrain qu’il connaît mieux que nous ; la mémoire sélective. (p21)"



Quel chemin parcouru fait d’humiliations, d’abandon, de gestes déplacés, de silences et puis la lumière à travers une famille, une « vraie » mère, sans autre lien que l’amour donné et reçu, la guérison à travers l’éducation et l’écriture mais aussi ce besoin devenu viscéral de transmettre, d’enseigner, ce qui l’a sauvée.



C’est une lecture à double portée : dénoncer dans un premier temps les misères de tous ordres, les violences, les abus et les traces laissés sur les corps et dans les esprits, énoncer les faits sans dramaturgie simplement dans ce qu’ils ont de terrible, puis démontrer que le chemin que certains croient inéluctable peut changer, grâce à des rencontres et dans son cas ce fut la lecture, les auteurs, l’école qui lui ont permis de trouver la voie à suivre. Elle prouve si besoin était que la lecture et la littérature peuvent sauver des vies….



Oui, je la rassure, je reconnais son écriture, je sais qu’elle met dans ses romans tellement d’elle-même. Il n’y a pas assez de mots assez forts pour parler d’une enfance malheureuse alors il faut y ajouter parfois la colère et dans le cas présent une colère froide, en n’évoquant que le strict nécessaire, déjà tellement insoutenable, pour les porter plus haut, plus loin. C’est comme toujours, court, net, précis, direct mais avec une richesse de vocabulaire, une analyse des situations et des sentiments d’une profonde justesse.



La littérature salvatrice mais aussi dans son cas l’écriture, deux remèdes que l’auteure a fait siennes pour survivre mais aussi pour les offrir en partage dans l’enseignement mais aussi dans ses romans.



"… un jour, je me devrai tout à moi-même. Ecrire, c’est aussi cela. Se devoir à soi-même, échapper à toute forme de dépendance, abolir les médiocrités de la vie quotidienne pour quelques petites heures où nous marchons sur la Lune. (p70)"



Je suis admirative du courage qu’il lui a fallu pour évoquer les faits, se mettre à nu, mais avec dignité, un constat de la misère ordinaire mais avec la volonté de montrer également qu’il est possible de rebondir, d’en faire presque, je dis bien presque, une force.
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Ne préfère pas le sang à l'eau

Je suis complètement époustouflée par l’écriture de Céline Lapertot. 31 ans et une telle maturité, une telle maîtrise !

Dans un pays imaginaire, une énorme citerne d’eau attire des habitants de pays voisins en proie à la sécheresse.

Mais voilà, un jour, la citerne explose.

De nombreux morts dont la petite Karole qui vénérait la citerne. Et surtout, la défiance voire la haine des habitants pour tous ces migrants, les « nez-verts », maintenant que l’eau pourrait venir à manquer ici aussi.

D’autant qu’un dictateur a été nommé à la tête du pays.

Plusieurs voix racontent cette histoire, dont celle de T.qui exprime sa révolte contre le pouvoir par des mots et des tags, celle de Karole, morte d’avoir atteint son Eldorado, celle de Jagu……

De nombreux personnages pour comprendre les réactions en temps de crise.

C’est comme une fable, proche, si proche des réalités de notre monde.

L’immigration, la politique, la société, les travers de chacun, les combats de certains…. Tout est dit, tout est écrit.

Comme un cri de colère, de révolte, les mots de l’auteur nous accrochent, nous prennent à partie et nous entraînent.

C’est fort et c’est puissant.

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