En 1995, armée de ses 26 ans, d’une bonne paire de chaussures et d’un sac qui fait bien la moitié de son propre poids, Cheryl Strayed se lance sur le « Pacific Crest Trail », un chemin tout juste inauguré, pour une randonnée de 1700 kilomètres. La jeune femme voit cette marche comme un moyen d’affronter ses problèmes : la mort brutale de sa mère, son divorce tout frais, son expérience avec l’héroïne… Elle veut faire le point, méditer, remettre sa vie sur les rails. Mais très vite, elle ne peut penser qu’à ses douleurs physiques et aux conditions climatiques. Trouvera-t-elle en elle la force d’aller jusqu’au bout ?
En racontant son périple plus de quinze ans après l’avoir effectué, Cheryl Strayed nous livre à la fois sa randonnée, du désert des Mojaves au Pont des dieux (à la frontière de l’Oregon et de l’Etat de Washington), mais aussi et surtout son voyage intérieur, son introspection. En effet, tout au long de son récit, elle nous livre aussi ses souvenirs, ses douleurs, un engrenage autodestructeur qui a commencé avec la perte de sa mère. Certains passages sont très émouvants, voire poignants, je pense notamment à celui avec la jument, Lady.
Pourtant, la randonnée force aussi Cheryl à mettre ses démons à distance. En effet, sa préoccupation première devient la douleur physique, le chemin l’éprouve, d’autant plus qu’elle n’était pas préparée. Elle subit le poids de son sac, ses pieds couverts d’ampoules. Suivent de près la faim, la chaleur et le manque d’eau, ou à l’opposé le froid et la neige. La peur d’être une femme seule face aux animaux sauvages et aux hommes mal intentionnés. Les occasions de prendre une douche et de manger un bon repas sont rares, et l’argent vient vite à manquer. Mais quelques rencontres couplées à sa volonté de fer lui donnent le courage de mettre un pied devant l’autre.
Mais comme tout récit de voyage, celui-ci est aussi fait de paysages. En compagnie de Cheryl, nous traversons la Californie et l’Oregon, de la froide Sierra Nevada aux sommets volcaniques de l’Oregon, en passant par des forêts épaisses et des lacs d’altitude. Nous rencontrons aussi d’autres randonneurs, mais également des hôtes d’un soir qui nous montrent que l’humain peut être profondément gentil et désintéressé.
On s’attache facilement à Cheryl, cette jeune femme maladroite qui a foncé tête baissée dans ce projet de randonnée avec un minimum de préparation. Ses « gaffes » apportent une petite touche de comique bienvenue à son récit. Elle est paradoxale, à la fois très forte, dotée d’une volonté à toute épreuve, mais aussi fragile, prête à se briser. J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre son avancée et le cours de ses pensées.
Quant au style, je l’ai trouvé simple mais agréable. La lecture est fluide et la plume est suffisamment riche pour décrire tout le décor qui l’entoure, mais aussi la palette de ses émotions. Les descriptions, qui sont la clé de voûte de ce type de récit, sont réussies. Il y a également de la sincérité et de l’émotion, ainsi qu’une touche d’autodérision. On sent le bagage littéraire de Cheryl Strayed et son travail en atelier d’écriture, qui lui ont permis de bien raconter son histoire.
Ainsi, j’ai passé un moment très agréable en compagnie de cette jeune femme, à suivre ses pas de la Californie à l’Etat de Washington, mais aussi le cours de ses pensées et son combat contre ses démons. A ressentir avec elle la douleur physique, la peur, mais aussi la joie des rencontres inattendues et des témoignages de sympathie. C’est un récit vivant, parfois drôle et souvent émouvant, que l’on quitte à regrets. Merci à Babelio et Masse Critique pour cette découverte!
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