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Citations de Christine Delphy (113)


Christine Delphy
Pour la plupart des gens, y compris des féministes, le sexe anatomique et ses implications physiques dans la procréation crée ou du moins permet le genre, la division technique du travail qui à son tour crée ou permet la domination d’un groupe sur l’autre. J’inverse la série sexe anatomique/division du travail/domination : c’est l’oppression qui crée le genre. La hiérarchie de la division du travail est antérieure, d’un point de vue logique, à la division technique du travail. C’est elle qui la génère et qui crée les rôles sexuels, ce qu’on appelle le genre, et le genre à son tour génère le sexe anatomique en transformant en distinction socialement pertinente une différence anatomique en elle-même dépourvue d’implications sociales. Les positions sociales respectives des femmes et des hommes ne sont pas construites sur la catégorie apparemment naturelle du sexe : au contraire, le sexe devient un fait pertinent, une catégorie de la perception, à partir du genre, c’est-à-dire de la division de l’humanité en deux groupes antagonistes dont l’un opprime l’autre : les hommes et les femmes.
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Christine Delphy
Dès l’éditorial de 1977 de Questions Féministes, nous parlions de « sexe social ». Dire « les femmes sont une classe », c’était dire « les femmes sont un genre » en fondant cette dichotomie de genre sur l’exploitation économique. Je pense toujours que les femmes sont une classe, mais le terme de « classe », avec son accent sur l’exploitation économique, ne rend pas compte de toutes les dimensions de la division de genre. Elle n’en est que l’un des éléments et je ne sais pas dans quel ordre les hiérarchiser. En 1970, je l’aurais fait plus facilement parce que j’étais sous l’influence d’une version plus économiste du paradigme marxiste, même si je la mettais en cause de façon forte, en affirmant qu’il y a de l’économique et de l’extorsion hors du marché.
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Christine Delphy
J’essayais de fonder en théorie qu’il n’y avait pas de hiérarchie des luttes. Cela ne pouvait pas être entendu en dehors des mouvements féministes. L’extrême-gauche française a mis très longtemps à admettre cette idée. À ce moment-là, le paradigme marxiste était tout-puissant. Le capitalisme était considéré comme le système englobant, celui qui définit les changements et détermine la périodisation historique. « L’ennemi principal  » fut un article programmatique dans lequel je résumais mes thèses. « Les femmes dans les études de stratification » est une critique des catégories utilisées par ces études : les femmes sont placées dans la même classe que leur mari, non parce qu’elles ont la même occupation qu’eux mais parce qu’elles sont mariées avec eux. Les hommes et les femmes sont traités de façon contradictoire : les premiers sont classés selon le critère de leur occupation en Catégories socioprofessionnelles (CSP), les secondes selon le critère d’alliance (de mariage). J’ajoutais que le critère d’alliance est antinomique avec celui des CSP, puisqu’il renvoie à une dépendance : en réalité, non seulement les hommes et les femmes mariés ne sont pas toujours dans la même classe professionnelle, mais ils sont même dans des classes opposées d’un autre point de vue, les uns étant « indépendants », pour aller vite, les autres dans la dépendance des premiers.
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Christine Delphy
C’est le dépôt de la gerbe à l’Arc de triomphe qui nous a lancées à l’échelle nationale. Le 26 août, en solidarité avec des femmes américaines qui manifestaient ce jour-là, on a décidé de déposer une gerbe à la femme du soldat inconnu. Nous avions une banderole : « Plus inconnue que le soldat inconnu, sa femme ». Et aussi : « un homme sur deux est une femme ». On a fait la une des journaux. Nous n’avons pas pu arriver jusqu’à la tombe. On voit des photos où je tiens la gerbe d’un côté et où un flic la tire de l’autre. Les policiers ne savaient absolument pas quoi faire des neuf femmes que nous étions. Ils téléphonaient à leurs supérieurs, ils étaient complètement affolés. Un commissaire de police a dit à Christiane Rochefort : « mais vous n’avez pas honte ? » À ses yeux, la présence de femmes dans ce lieu le désacralisait, nous avions en quelque sorte commis un blasphème.
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Christine Delphy
Début 1970, nous avons lu « Combat pour la libération des femmes », un article que le groupe de Monique Wittig avait publié dans "L’Idiot international" – la rédaction avait changé le titre en « Combat pour la libération de la femme » (sic) – et nous avons pris contact avec elles. C’est comme ça qu’est né le mouvement [du MLF].
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Christine Delphy
J’avais publié un article sur la transmission du patrimoine, en opposant point par point la transmission familiale à l’échange marchand : les acteurs ne sont pas interchangeables sur le marché mais définis à l’avance : cela circule de père (ou de mère) en fils (ou en fille), selon les règles de la transmission héréditaire (à l’intérieur de la parenté) inscrites dans le Code civil ; cette transmission se fait sur le mode du don. Cela posait déjà certains jalons de ma théorie sur le mode de production domestique.
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Christine Delphy
À mon retour des États-Unis, à la rentrée de 1965, je me suis adressée à l’un des enseignants que j’avais eu en licence, Pierre Bourdieu, et je lui ai dit que je voulais travailler sur les femmes. Il m’a dit que personne ne pouvait m’encadrer sur ce sujet – ce qui n’était pas vrai : j’ai découvert par la suite des personnes comme Andrée Michel, qui était très connue en sociologie. Je me suis inscrite en thèse à l’un des laboratoires (dirigé par J. Cuisenier) du Centre de sociologie européenne (dirigé par Raymond Aron), et j’y ai travaillé comme vacataire pendant quatre ans. J’ai été recrutée en 1970 en tant que chercheuse au CNRS.
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Christine Delphy
Après ma licence, j’ai passé trois ans aux États-Unis entre 1962 et 1965. La dernière année, j’ai obtenu une bourse de la Fondation Eleanor Roosevelt pour les droits humains. Cela permettait aux nombreuses agences « anti-discrimination » de recruter car la fondation payait la moitié de notre salaire. À cette époque, aux États-Unis, il y en avait partout, contre l’antisémitisme, contre les discriminations envers les Indiens, les Noirs, mais il n’y avait pas d’agence contre les discriminations à l’encontre des femmes ! De plus, aucune de ces agences ne voulait recruter de femmes. Elles voulaient de jeunes hommes, blancs de préférence, pour faire du « fund raising », ramasser de l’argent là où il est, auprès des bourgeois blancs. Une seule agence m’a sollicitée, à Washington. J’ai subi un certain harcèlement sexuel de la part du directeur de l’agence et d’un de mes collègues, et j’ai décidé que la prochaine fois que je militerais, ce serait pour mon groupe à moi, pour les femmes, et pas pour les autres.
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L'accès aux fonctions dont on a été écarté est justifié dans une analyse en termes de genre : c'est simplement la mise en œuvre d'une politique non discriminatoire, et une politique non discriminatoire peut et dois passer par l'action positive, ce qu'on appelle parfois discrimination inverse. Peu importe comment on la nomme : il s'agit dans tous les cas d'une action correctrice d'une discrimination passée dont l'effet se fait encore sentir, et correctrice des discriminations présentes, de jure ou de facto, qui empêchent certaines personnes, en raison de leur appartenance de groupe, d'avoir des chances égales. Telle est la philosophie de l'action positive, là où elle est pratiquée. Telle est la philosophie de l'ONU, pour laquelle une action positive correctrice ne peut être considérée comme une discrimination - doctrine qui contredit le Conseil constitutionnel français ainsi que le dernier arrêté de la Cour européenne ; mais les conventions internationales l'emportent sur les lois nationales et sur les décisions européennes, et on peut donc espérer que l'ordre sera mis dans la maison France et la maison Europe. (p. 59)
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Qu'est-ce que le genre ? En tan que concept, il correspond à peu près à « sexe social ». La recherche a prouvé que la plupart des différences entre les sexes, les différences de statu social, de richesse et de pouvoir, mais aussi les différences dites « psychologiques », d'aptitudes et d'attitudes entre femmes et hommes, ne sont causées ni par le sexe anatomique, ni par les différences de fonction dans la procréation que ce sexe anatomique induit. En fait, le sexe anatomique n'induit que cela : des différences de fonction entre femelles et mâles dans la procréation. Le reste, couramment appelé différence de sexe, et couramment aussi rapporté à cette différence anatomique, est donc une construction sociale. La raison ed cette construction sociale se trouve, selon certaines, dans les différences de fonction dans la procréation. Pour d'autres, dont je suis, la différence anatomique ne sert que de marqueur, de signe de repérage qui rend plus facile l'identification des personnes à exploiter. C'est une position considérée aujourd'hui comme osée, mais qui sera un jour, j'en suis sûre, tenue pour une évidence. (p. 57-58)
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L'altérisation produit donc une altération des personnalités des dominé-e-s. Or cette souffrance psychique des opprimé-e-s, les effets d'années d'humiliations encaissées jour après jour, voilà ce que les « grands » spécialiste français du racisme n'ont jamais abordé. Si la discrimination commence à être étudiée, la souffrance des victimes, voilà ce que les dominants ne peuvent même pas commencer à imaginer. Car l'altérisation altère aussi les dominants - personne n'est telle qu'elle le serait si la domination n'existait pas - mais en sens inverse ; elle crée des personnalités dominantes. Les caractéristiques des dominants ne sont pas vues comme des caractéristiques spécifiques, mais comme la façon d'être… normale. Bien sûr, elle ne l'est pas plus que celle des dominé-e-s. Et ces mêmes dominants somment les dominé-e-s… d'être comme eux. Sinon, eh bien sinon, c'est normal aussi que vous n'ayez pas le droit de - entre autres choses, voter, conduire, obtenir une promotion, avoir un logement décent, un travail correspondant à vos qualifications, vous promener sans votre carte d'identité ou tard le soir, etc. (p. 30-31)
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Tout le monde a l'air de savoir qui sont ces Autres ; tout le monde parle d'eux, mais eux ne parlent jamais.
En effet, dans quels discours apparaître l'Autre, sous sas forme singulière ou plurielle ? Sous la forme d'un discours adressé à des gens qui ne sont pas les Autres. Mais d'où viennent ces Autres ? Y a-t-il des Autres, et si oui, pourquoi ? Il faut, pour éclaircir ce mystère, en revenir à l'invite. Qui est invité à accepter les Autres ? Pas les Autres, évidemment. Et qui fait cette demande ? De son énonciateur, qui ne dit pas son nom, tout ce qu'on sait, c'est qu'il n'est pas un Autre. Ce n'est pas lui-même qu'il nous invite à accepter. Mais pas plus qu'il ne dit qui il est, il n'énonce qui est ce « Nous » à qui il s'adresse. Derrière l'Autre dont on entend parler sans arrêt, sans qu'il parle, se cache donc une autre personne, qui parle tout le temps sans qu'on n'en entende jamais parler : l'« Un », qui parle à « Nous ». C'est-à-dire à l'ensemble de la société de la part de l'ensemble de la société. De la société normale. De la société légitime. De celle qui est l'égale du locuteur qui nous invite à tolérer les Autres. Les Autres ne sont pas, par définition, des gens ordinaires, puisqu'ils ne sont pas « Nous ». Qui est ce « Un » parlant ? Avant toute autre chose, on sait, parce qu'il le fait, qu'il est celui qui peut définir l'Autre. Ensuite, il prendra une position de tolérance ou d'intolérance. Mais cette prise de position est seconde par rapport à sa capacité à définir l'Autre : à ce pouvoir. Les Autres sont donc ceux qui sont dans la situation d'être définis comme acceptables ou rejetables, et d'abord d'être nommés.
Au principe, à l'origine de l'existence des Uns et des Autres, il y adonc le pouvoir, simple, brut, tout nu, qui n'a pas à se faire ou à advenir, qui est. (p. 18-19)
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La violence contre les femmes est, comme le travail domestique, la preuve que la réalité n’est pas là.
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