Christophe Jamin vous présente son ouvrage "
L'Inaccompli " aux éditions Grasset.
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Mais que faisait-il aujourd'hui ? Pas grand chose à l'entendre. Il touchait un peu à l'écriture, me dit-il en souriant. Mais l'écriture ne rapportait guère. Il avait bien tenté de rédiger des textes de chansons il y a longtemps, en espérant un succès, mais de succès, il n'y en avait pas eu. Même si ses tentatives lui avaient apportés d'autres satisfactions en lui permettant de croiser quelques vedettes, celles d'une époque révolue. Mais els yéyés s'en étaient allés, alors il s'était mis au roman. Au début dans un style lyrique, comme on le fait quand on est jeune et qu'on croit encore que les mots changeront le monde, puis plus poétique au fils des ans, voire vaporeux ou brumeux pour ses critiques. Mais les livres se vendaient à peine plus que les chansons. Surtout que les siens étaient assez minces et traitaient toujours des mêmes thèmes qui n'intéressaient plus guère. Quel lecteur voulait encore qu'on lui parlât des années noires, celles de l'Occupation ? Quant aux années soixante, que représentaient-elles pour les générations nouvelles ? Elles avaient disparues de notre mémoire, nous n'en retenions qu'un moi de mai, celui d'une révolte plutôt festive et insouciante d'une certaine jeunesse. Et puis l'errance qui constituait souvent la trame de ses romans ne donnait pas le moral.
Avec le temps, j'ai fini par faire la part des chose, compris que les vies de ceux qui nous ont précédés ne nous lient pas et qu'il n'existe aucune responsabilité collective.
Gabriel et Pierre réalisaient ce que pouvait être un débat intellectuel avec un intellectuel. Ils avaient devant eux quelqu’un, de trente ans leur aîné, qui ne cessait de faire fonctionner son cerveau, sans notes, sans préparation, au fil de ses intuitions ou des arguments qu’ils tentaient de lui opposer. Malgré leurs efforts, ils étaient incapables d’endiguer le flot d’idées que ce cerveau produisait. Une pensée sans cesse en mouvement, virevoltant d’un thème à un autre, modifiant les points de vue, ou les prémices de chacune de ses réflexions, procédant à des analogies auxquelles ils n’auraient jamais songé, parvenant à des conclusions qui leurs semblaient définitives, parfois paradoxales, souvent brillantes, la plupart du temps profondes, mais que leur hôte réduisait en cendres après quelques instants seulement.
L'oublier je ne pouvais plus. Il avait été trop loin. Je le lui dis. "Et puis j'en sais déjà trop n'est ce pas, j'en ai trop vu, vous m'en avez trop montré, non ?" Il prit ces mots pour une menace. C'était cela, je voulais le dénoncer à mon tour. J'étais comment les autres. Pour la première fois? je vis couler des larmes lentement le long de ses joues. "Vous n'avez pas compris que tous ces gens, tous ceux que nous avons rencontrés cette nuit là, n'existent plus depuis longtemps, même ceux qui ont survécus à la guerre. Nous ne sommes plus dans les années soixante; vous ne les croiserez plus dans les rues de Montparnasse. Ananda Devi n'appartient plus à ce monde. Vous et moi, nous avons simplement partagé un rêve; ce n'était qu'un accident nocturne.
La vie est elle ainsi faite qu'elle se construit d'abandons successifs et des déchirements qu'ils engendrent ? Lui murmura t il. Et les relations que nous tentons de nouer avec les êtres qui nous entourent sont elles à ce point éphémères et fragiles qu'elles s'avèrent inutile.
Des livres dont les titres, parfois étranges, ne me reviennent plus à la mémoire mais où il était déjà question, sans que j’y prenne garde, de fleurs de ruine ou de remises de peine…
Mais aussi de nos choix, du poids des idéaux bien ou mal compris, et de ce qu'ils font peser sur d'autres, sur ces êtres trop jeunes, trop innocents qui n'arriveront jamais à s'en sortir ou au prix de tant d'efforts et de sacrifices. Le prix de la résilience, ce mot si vague qui s'insinue dans toutes les conversations, ce mot fait pour rassurer les individus souffrants ? (p65)
" La vie est-elle ainsi faite qu'elle se construit d'abandons successifs et des déchirements qu'ils engendrent ? " Lui murmura-t-il. " Et les relations que nous tentons de nouer avec les êtres qui nous entourent sont-elles à ce point éphémères et fragiles qu'elles s'avèrent inutiles ? "
P 86
On ne sait jamais pourquoi une personne finit par en tuer une autre. Tuer est rarement un acte de volonté. La conscience en est souvent étrangère. Il y a dans chaque meurtre une part de déraison, même si la déraison gêne tout le monde, même si nul ne veut vraiment s'y résoudre.
La vie est-elle ainsi faite qu’elle se construit d’abandons successifs et des déchirements qu’ils engendrent ? Et les relations que nous tentons de nouer avec les êtres qui nous entourent sont-elles à ce point éphémères et fragiles qu’elles s’avèrent inutiles ?