Cléa Malherbe

Ce n’est pas seulement son intelligence et son talent – parce qu’il est vraiment très talentueux, c’est plus… son intensité. Sa densité. Sa présence. Sa façon de prendre possession de vous…

Elle arrivait déjà à peine à gérer sa propre vie, comment aurait-elle pu prendre en charge un enfant vulnérable ? Et pourtant Romaric semblait penser qu’elle ferait une mère formidable.

Elle n’était pas un objet pour lui, elle n’était pas une femme ramassée au hasard pour s’en amuser ; elle était Camille, il la voyait telle qu’elle était et il la désirait puissamment. Et elle voulait se donner à lui.

Son corps reposait sur quelque chose de doux et confortable, mais sa position n’avait rien de naturel. Elle voulut ramener ses mains vers elle et s’aperçut que des liens entravaient ses poignets. Ses jambes étaient bloquées de la même manière, largement écartées. Elle réalisa avec horreur qu’elle se trouvait exactement dans la même position que Kate et Yasmine au moment de leur mort. Et un bandeau enserrait sa tête, l’empêchant de voir quoi que ce soit.

Kate et Yasmine étaient toutes les deux intelligentes, exigeantes et ambitieuses. Elles n’hésitaient pas à écarter les projets qui leur déplaisaient et elles ne le faisaient pas toujours avec des pincettes. Je n’ai eu vent de rien de précis, mais je pense que vous devriez vous intéresser à ceux qu’elles ont envoyé balader.

Elle savait que l’alcool était une très mauvaise idée et avait sans doute contribué au désastre de la dernière fois, mais elle avait absolument besoin de se détendre. Il rejoignit le comptoir de la cuisine où attendaient déjà un shaker et différents ingrédients. Elle le vit commencer à préparer un cocktail, puis se détourna avec un sentiment grandissant d’irréalité.

Cette tenue décontractée ne faisait que renforcer son charme, soulignant la finesse de sa taille et la musculature de ses épaules, mettant en valeur sa silhouette élancée. Ses cheveux noirs étaient encore humides de la douche qu’il venait de prendre, il s’était rasé et il sentait bon, une odeur légère et fraîche, masculine.

Il tenait une bombe à retardement entre ses mains et s’il disait la vérité sur ce qui s’était passé, elle serait incapable de mentir et de nier. Il n’avait que quelques mots à prononcer pour l’humilier devant tous ses collègues et pour ruiner sa carrière.

Elle était certaine que l’homme était, a minima, un véritable sociopathe et rien dans le dîner qu’ils avaient partagé ne l’avait convaincue du contraire. Il y avait de grandes chances qu’il ait bel et bien tué Kate Carter. Elle savait tout ça et pourtant elle l’avait suivi jusque chez lui, elle s’était donnée à lui, elle y avait pris un plaisir démentiel. Comment est-ce qu’elle avait pu craquer à ce point-là ?

Jamais aucun de ses amants ne l’avait prise ainsi, comme s’ils voulaient la déchirer, comme s’ils la possédaient. Ces sensations détruisaient tous ses repères et elle n’avait plus la moindre idée de ce qu’elle était, de ce qu’elle voulait. Une seule chose était sûre : en cet instant, elle appartenait entièrement à Solal.

Elle tenta de se débattre, mais elle ne faisait que l’exciter davantage, que s’exciter elle-même, et elle finit par céder, s’abandonnant sans plus chercher à dissimuler son avidité. Elle poussa un cri lorsqu’il la retourna soudain, voulut se redresser, s’enfuir, et se retrouva plaquée contre lui, son érection s’enfonçant dans ses reins, ses mains broyant ses seins d’une manière si brutale qu’un affolement enivrant la gagna. Elle geignit, griffa ses côtes, rua vainement.

Elle chercha le regard de l’homme tout en saisissant son pénis. Solal ne trahit aucun sentiment, ses yeux plus sombres que jamais, mais son membre palpita contre la paume de Camille. Elle écarta ses cheveux de sa main libre et se pencha pour le prendre dans sa bouche.

Elle avait l’impression de n’être plus qu’une poupée de chiffon, un jouet entre ses mains, de n’avoir plus aucun contrôle de la situation, mais au lieu de la terrifier, ces sentiments ne faisaient que nourrir le feu qui avait embrasé ses entrailles. Son excitation monta très vite, si violemment que l’orgasme la prit par surprise. Elle jouit avec de véritables cris, elle qui était habituellement si discrète.

Sans être prude, elle n’était pas une acharnée du sexe et jamais elle n’avait éprouvé de telles sensations. Elle avait l’impression qu’il avait glissé la main dans son ventre et jouait avec ses entrailles à sa guise. Et cette image ne faisait que renforcer son excitation presque douloureuse.

Camille avait l’impression de s’être égarée dans un rêve absurde et sa sensation d’irréalité était renforcée par les odeurs enivrantes qui flottaient dans la salle et les conversations feutrées, discrètes, paisibles.

Elle détestait avoir le sentiment de devoir quelque chose aux gens, même à ses proches. Et voilà que cet homme qu’elle soupçonnait de meurtre s’apprêtait à claquer en une soirée la moitié de son salaire, simplement pour dîner avec elle… Toutes ses alarmes se déclenchaient les unes après les autres, elle devait arrêter de faire n’importe quoi et s’en aller.Camille tergiversait encore que Solal glissait son bras sous le sien avec douceur et l’entraînait à l’intérieur. Aussitôt un serveur se précipita vers eux et accueillit le peintre avec des courbettes et une familiarité qui en disait long sur son habitude des lieux. Avant que Camille n’ait eu le temps de réagir, on la débarrassa de son blouson. Le serveur ne broncha pas en découvrant son arme et, embarrassée, elle s’efforça de dissimuler celle-ci sous son bras.

Il aimait représenter des femmes en proie à des tortures érotiques, parfois bizarres, parfois presque poétiques. Plus Camille regardait ces images et plus elle s’interrogeait. Il n’était vraiment pas difficile d’imaginer que la mise en scène du meurtre de Kate ait pu sortir du même cerveau malade que ces visions anxiogènes.

Sur la troisième toile, l’homme avait renversé la femme sur le lit et était visiblement en train d’abuser d’elle, le pantalon baissé sur des fesses musculeuses. Enfin, sur le dernier tableau, la femme gisait en travers du lit, un bras pendant vers le sol, les yeux grands ouverts, comme morte.

Elle était toujours aimable, mais sa posture n’avait plus rien d’avachi et son regard s’était aiguisé. Camille devina que sous ses airs déjantés, la femme était capable de défendre son protégé bec et ongles. Cédric ne se laissa pas impressionner.

Elle était presque certaine que c’était un orgasme qui secouait cette femme malgré sa position vulnérable et cette pensée éveillait en elle des sensations qu’elle ne comprenait pas. Elle s’obligea à se ressaisir, à se focaliser à nouveau sur l’enquête.