Cléa Malherbe

— Tu n’es pas un misérable, mon ange. Tu as simplement des goûts que tout le monde ne partage pas, mais personne n’a le droit de te le reprocher.

Aux yeux de tous ces bourgeois, j’incarnais la quintessence de l’artiste maudit, le fou habité par son art, le monstre qui enfantait de la beauté. Cela ne me déplaisait pas et je continuais à ruiner mon corps et mon esprit tout en leur offrant mon âme à travers ma peinture.

J’aimerais que vous vous souveniez parfois qu’un être humain se manipule avec davantage de précautions qu’une poupée de chiffon.

— On ne demande pas aux artistes d’avoir les pieds sur terre

— On se marie pour le meilleur et pour le pire, n’est-ce pas ? souffla-t-elle. Vous m’avez donné le meilleur pendant ces années, alors je vais essayer d’affronter le pire…

— J’aurais cru que j’éprouverais plus de chagrin à contempler l’océan pour la dernière fois. Mais en vérité… Plus on se rapproche de la mort et plus le monde perd de sa saveur.

Elle songea que ses mains étaient comme sa musique, à la fois délicates, raffinées et riches de puissance contenue.

Elle avait passé l’âge de jouer les amoureuses pâmées, il était temps qu’elle se comporte en femme adulte et maîtresse de son existence et de son désir.

Toute sa vie on l’avait contrainte à se restreindre, mais dans un sens, elle appréciait de sentir qu’elle se maîtrisait, elle était fière du contrôle qu’elle était capable d’exercer sur elle-même.

Le morceau qu’il avait composé était un nocturne tout en grâce mélancolique. Le piano chantait avec une douceur indescriptible et une poésie merveilleuse. L’espace de quelques minutes, je me sentis transporté dans un monde lointain où l’amour et la tendresse peuplaient une nuit bienveillante de milliers d’étoiles scintillantes. La mélodie caressait mon âme, apaisant tous mes tourments, effaçant toutes mes souffrances, pour ne plus me laisser que la plus délicieuse des émotions et tout l’amour que j’éprouvais pour Alexandre.

La plupart des modèles ont beaucoup trop conscience de leur apparence. Toi, tu n’es pas en représentation. Tu es, c’est tout.

Je ne suis pas d’accord. Le bien ce n’est pas… Ce n’est pas ne jamais vouloir du mal à personne, ne pas être capable de faire de mal… Le bien, c’est… c’est avoir le pouvoir de faire le mal et choisir de ne pas le faire. Ceux qui font le bien parce qu’ils n’ont pas d’autre choix ne sont pas de… de bonnes personnes. Ce sont simplement des faibles. Tu fais partie des forts, Alex, tu as le pouvoir de décider. Ça ne tient qu’à toi…

-Je regarde simplement à l’insu des gens ce qu’ils n’aiment pas montrer.
— Je ne vois pas l’intérêt. Ce qui est beau dans un corps nu c’est le fait qu’il soit offert.

La communication, c’est pas son truc.
— C’est parce qu’il dit déjà tout dans sa musique.

Fayla le fit s’allonger près d’elle, la tête contre sa hanche, et plongea la main dans ses cheveux.
— Toujours décidé à me servir ? dit-elle avec ironie.
— Oui, Votre Majesté, répliqua-t-il d’une voix paisible. Jouez avec moi. Faites-moi souffrir autant qu’il vous plaira. Je suis à vous.
— Tu es à moi, répéta Fayla.

— Je ne suis pas comme Saïto, poursuivit-elle, je n’ai pas envie que tu te contentes de subir avec docilité tout ce que je t’infligerai. Je veux que tu me désires et que tu me montres ton désir. Je veux que tu m’appartiennes pour de bon.

Elle n’avait pas pour habitude de malmener ses amants, sauf si ceux-ci en retiraient du plaisir, mais le bâtard de Nuîmé réveillait sa cruauté et elle n’avait aucune peine à comprendre pourquoi Saïto Grissac avait pris tant de plaisir à le violer et le torturer. Il y avait en lui un mélange d’humilité et de subtile résistance qui aurait réveillé le désir de conquête de n’importe quel guerrier.

Elle connaissait bien les hommes et il était rare qu’ils éveillent à ce point sa curiosité, surtout lorsqu’ils ne faisaient preuve d’aucun amour-propre. Ce bâtard constituait une étrange énigme, soumis sans être veule, prêt à toutes les compromissions sans paraître réellement indigne. C’était un bien étrange cadeau que lui avait fait le prince d’Ambre et elle se demanda à quel point il en était conscient.

— Protège-moi, chuchotai-je. J’ai besoin de toi. Aime-moi. Aime-moi mieux que… lui. Je te promets que j’essayerai de t’aimer en retour, je te promets que tu n’auras plus besoin de violence pour que je te donne ce qui te revient. Laisse-moi t’appartenir de mon plein gré. Je t’en prie…

Théo s’en voulait d’éprouver de tels sentiments, il essayait de les chasser, mais c’était vain. Vega l’avait déjà profondément asservi en brisant sa volonté et sa fierté, mais c’était en le traitant comme son amant, en lui faisant l’amour avec passion, en se préoccupant de son plaisir avant le sien, qu’il avait achevé de le lier indéfectiblement à lui.