Citations de Colette Brull-Ulmann (14)
Elle finit par m’avouer, honteuse, que le maire refuse ces compléments [du lait en poudre] parce qu’ils viennent des Américains. En bon communiste, il obéit aux consignes de ses chefs qui veulent à tout prix faire échouer le plan d’aide américain. Quitte à faire souffrir des enfants.
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Le temps de la sidération passé, certains protestent,mais le ton se durcit aussitôt : pour une lacération d'affiche, c'est la peine de mort. L'emprisonnement pour ceux qui manifestent dans les cinémas pendant les actualités.
En quelques semaines, des liens indéfectibles nous unissent, comme entre compagnons de combat. Il y a ceux qui détournent les yeux et ne font rien, ceux qui ont peur, en qui l'on n'a pas confiance, devant qui l'on ne parle pas. Et les autres, ceux qui agissent et prennent des risques. On ne se dit rien, on ne sait pas ce que font les autres; tout passe par des mots qui nous échappent, par le regard ou par des attitudes.
Colette Brull-Ulmann est décédée le 22 mai 2021 à Bry sur Marne à l'âge de 101 ans. Nous pensons à elle, qu elle repose en Paix !
En 2011, une plaque commémorative a été apposée à l'entrée de la Fondation de Rothschild, rue de Picpus à Paris. En voici le texte intégral : La Fondation de Rothschild
De 1941 à 1944, les établissements de la Fondation de Rothschild : l'hôpital, l'orphelinat, l'asile de vieillards, le sanatorium, dont certains réquisitionnés par la police de Vichy, furent transformés en annexe du camp de Drancy. Au cours de cette période, la plus noire de son existence, un certain nombre de membres du personne de la fondation se sont conduits de façon héroïque.
Ils ont contribué à sauver la vie de nombreux enfants et adultes qui, parce qu'ils étaient nés juifs, étaient promis à une mort certaine dans les camps d'extermination nazis.
Nous leur exprimons ici notre reconnaissance. Ils sont l'honneur de notre fondation.
Suivent le nom et prénom, des personnes concernées...
Au fil du temps, je m'étais persuadée que le silence peut effacer les mauvais souvenirs. Mais c'était faux. Les douleurs ne font que tourner en rond, comme des prisonnières dans leurs cellules ; elles frappent aux barreaux, elle piétinent dans le noir et se rappellent à vous dès que vous êtes seul avec vous-même.
Chaque enfant porte l'humanité tout entière, chacun est un monde en soi, un univers qui ne demande qu'à être découvert. Il faut alors la patience de l'explorateur pour s'y frayer un chemin.
Puis la guerre s’est enfin terminée dans une allégresse amère, laissant derrière elle des champs de ruines, deux pays brisés et des armées de mutilés et d’orphelins.
Chaque enfant porte l’humanité tout entière, chacun est un monde en soi, un univers qui ne demande qu’à être découvert.
Cet hiver-là, les regards du monde entier se portent vers Stalingrad. Les souffrances allemandes nous réjouissent, c’est toute l’horreur de la guerre.
J’ai parlé très vite, un peu fort. Au bord du scandale. S’il y a un analphabète, ici, ce n’est sûrement pas moi. J’hésite à le dire, mais je me retiens. Il me lance une œillade bovine.
Des étrangers dans notre propre pays, c’est ce qu’on veut faire de nous.
En principe, je devrais vivre un rêve, moi, si mal partie, mais le monde est devenu hostile. L’occupation allemande est une humiliation de chaque instant. Couvre-feu obligatoire de vingt-trois heures à trois heures du matin, obligation d’accepter la monnaie allemande, l’heure allemande. Priorité pour les soldats allemands dans les transports, formulaires administratifs en langue allemande, instauration des jours sans viande. Le temps de la sidération passé, certains protestent, mais le ton se durcit aussitôt: pour une lacération d’affiche, c’est la peine de mort.
Les trottoirs s’allongent devant nous, scintillants de givre. Nous nous enfonçons dans la nuit, dans cette immense ville occupée et triste sans échanger un mot. Au bout, ce sera la liberté pour cet enfant. La vie sauve. Peut-être.