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Biographie :

Le Bombyx Mori Collectif rassemble quatre jeunes auteurs qui se sont rencontrés à Lyon, à 18 ans, au hasard de leurs études littéraires, de quelques combats de Street Fighter et d'une bouteille de Caol Ila. Quand ils n'ont pas leurs quatre têtes dans le guidon, dans les livres, les lignes de code ou l'étamine d'une euphorbe, ils écrivent ensemble. Depuis 2015, ils s'attachent à construire, brique après brique, texte après texte, le monde de Léria, au fil de courts récits et de novellas qui explorent les différentes régions, époques et histoires de cet univers fictionnel battu par les marées vertes. Écrit à quatre mains et huit pieds, La Trame est leur premier récit publié.

Source : Decitre
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Bibliographie de Collectif Bombyx Mori   (1)Voir plus

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Car nous ne sommes pas identifiés, localisés, situés, cadastrés comme les miséreux des cités-États qu'inventorient les tyrans de la Symbiose par peur qu'ils ne débordent. Notre marche est incommensurable. Les plus anciens disent que nous avons fait tant de fois le tour du monde que c'est nous qui le faisons rouler. Personne ne sait combien est la trame, Chiffe, combien la forment, combien elle dure, combien elle mesure d'un bout à l'autre de Léria. C'est un écheveau de vitesses terreuses et troquées vives, des loqueteux cousus à l'errance commune. Il y a bien des trotte-petons et des blinde-petits qui croient prendre la tête de notre peuple, mais la Trame, si elle existe, n'a ni tête ni cœur, elle est insituable et chaque groupe, chaque homme, chaque rythme est à lui-même sa propre carte, le filament nerveux d'un gigantesque corps désorganisé, un troc de viscères roulant sans visage. Nous abondons. Notre centre est haletant, incertain, insitué : si tu le trouvais au milieu de la Trame, ce serait une motte, une fleur ou un courant d'air. Nous sommes la course des satellites sans étoile, le corps d'un géant sans cœur

p.10
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Tu ne savais que la catastrophe avait tant de visages ? Bien sûr tu n'avais jamais vu d'aussi près, aussi exposée, la marées qui se lève, les poussées végétales qui fêlent le sol, font éclater la vallée comme une vulgaire croûte. C'est la vengeance de la lenteur : les grimpeuses courent à notre poursuite, les champignons infesteurs se disséminent si vite, les arbres craquent, croissent et explosent. D'étranges fruits poussent et couvrent la plaine de couleurs inouïes. Voilà notre butin. La terre convulse, le ciel tombe : la poix végétale s'accumule, des spores toxiques s'agglutinent aux vêtements, alourdissent les capes, engluent les lunettes et les masques. Pour la plupart des Lériotes, la marée verte est un péril. Pour nous c'est un trésor. Et le désastre une efflorescence [...].
Nous , on part à la chasse
Notre utopie est une catastrophe.

p.10
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Les poètes, Trame-songe, Trame-loi, Trame-trotte et Trame-du-noir, improvisaient déjà, de foyer en foyer, la lyre calibrée sur la marée qu'ils avaient explorée tantôt, retenant ses lignes mélodiques, la tonalité de ses reflux, ses croches et ses poussées qu'ils retranscrivaient à présent dans le bois de leur instrument et l'effeuillement volatil de leurs cordes. On chantait par-dessus des exploits, et au plus profond de soi, on croyait reconnaître dans le vibrato d'un instant la poussée d'une valériane où l'on aurait pu disparaître et, dans le fortissimo de deux musiciennes, le rebond tragique de la sporulente contre le vallon.

p.27
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Lige n’en croit pas ses yeux, sa putain de zéléphyre a disparu ! Pas moisie, pas abîmée, pas recouverte, foutu le camp ! Il regarde autour de lui, la croche encore tendue, bêtement, et n’entend que trois ricanements qui courent là-bas dans la vallée translucide. Elles sont déjà trop loin les blindeuses, elles l’ont repérée depuis belle lurette la zéléphyre, ont couru et courront toujours plus vite que le garçon. L’une a mis le genou à terre, l’autre pris son élan dessus, l’a cueillie et enfournée dans la hotte de la troisième. Elles sont déjà parties, courent au milieu du brouillard fauve, elles sont déjà trop loin pour les petits Pas comme lui, à crocheter l’horizon et forcer le lointain, Cercamon, Ventadur et Marcabru courent à la puissance en coupant par la joie, elles courent magnifiquement dans les bois cataclysmiques, où les bouleaux et les saules explosent et tombent sur les têtes – jamais sur la leur bien sûr – elles se guident au grand rire, fiérotes de leur coup : pauvre minot au ralenti, pas encore calibré par la marée vive, piétaille piétinante pas à leur mesure ; elles bourlinguent tant qu’on dirait que c’est la marée qui s’épuise dans leur pas, quand Cercamon oriente, Ventadur dégaine et Marcabru encaisse ; elles foulent le danger, ourlent la tempête et pistent l’odeur des vitesses qui crèvent à la surface en offrant leur précipité végétal. Tout ce qui court est leur piste, des flux à emprunter, les voilà les blindeuses : trois silhouettes taillées dans le roc, l’eau et la nuit à l’équipement impeccable. C’est fou ce noir de jais quand tout le monde marne dans la gadoue, elles bourlinguent sans autre coordonnée que l’abscisse instinctive de leur amitié, piquent là, prennent ça, courent loin, virevoltent, chorégraphient l’insolence de leur survie et ne paient rien pour attendre, là et loin, indissociablement, c’est leur mouvance, leur nom et leur désir, loin de Lige, loin de la Trame, loin de se douter c’est sûr qu’elles risquent gros, Cercamon, Ventadur et Marcabru à défier ainsi le Pas commun ; en attendant elles tracent, traquent, sans trêve, talonnent la ligne d’horizon et l’étirent pour qu’elle explose, font de la beauté une course sur le fil de la lame, s’ébrouent comme une meute anticipant à l’instinct les courses voisines, prenant aussitôt la place laissée par l’autre, passant en tête sans un mot, reculant sans consigne, toujours par trois, essaim instinct, vitesse triple conjuguée dans le ballet des spores : elles vont si vite que le monde paraît lourd et les trameurs… des balourds, pfffff ! poufferaient-elles, tandis que le monde rougirait sous leur pas d’héroïnes.
Les ourdisseuses même, bien tranquillement abritées dans leur caravane en haut du vallon, ont levé leurs visages pleins de rides où semble se dessiner la course de la Trame elle-même. Elles arrêtent de piquer de l’aiguille avec leurs mains véloces, cheffes d’orchestre à la baguette levée, s’attendrissent de l’échappée des blindeuses en poussant un « ah ! » mièvrement roboratif, puis reprennent leur tâche et leur gueule tombante de dogue :
« Elles sont revenues faire leurs malignes…
— Elles arrivaient d’où ?
— De loin, vers les gorges d’Arléo. Elles ont dû sacrément blinder pour rameuter si vite !
— Des crâneuses !
— Arrête un peu, Izéchal, dans le temps tu blindais pareil !
— J’avais un peu plus d’élégance, Frosip’, un peu plus ! Je couratais pas n’importe comment pour montrer les muscles.
— De toute façon, elles vont pas se marrer longtemps, les trois frénétiques. »
Ainsi déblatéraient les Tisseuses, chargées de broder le récit de leur peuple sur la longue trame, vaticinant toujours l’aiguille à la main, comme si elles machinaient elles-mêmes sur le tissu la marée qui se déroulait sous leurs yeux. Chiffe les entendait, et ne comprenait pas pourquoi elles s’en prenaient à ces trois silhouettes héroïques qui dansaient autour du gouffre. Elle se demandait bien pourquoi elles en voulaient autant à leur beauté, et sans le savoir, elle visait juste, Chiffe, qui voyait pour la première fois des filles avec autant de crocs. Ça chaufferait en elle, ça nourrirait des rêves et des images de triomphe. Elle aussi prendrait la marée un jour.
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Le matin se lève. Tu sors peu à peu de ton sommeil. Tes yeux s’ouvriront bientôt et tu reconnaîtras les plaines des Lamineuses. Quelque chose cloche pourtant. Ce n’est pas moi, pas ma douce voix de Trame-songe qui rompt tes rêves. Tu as perçu un sifflement, un bougé, une bascule dans le paysage. Oui, tu l’as reconnue. Tu seras une grande cueilleuse. Ton corps s’est synchronisé sur le chaos du monde. Tu peux ouvrir les yeux, Chiffe, car la marée se lève. Reste près de nous sur la colline. Ton cœur accélère. Car il y a pire que la tempête, pire que la tornade et les typhons, il y a le sol qui se dérobe pour te dévorer, te coloniser, t’infester de pestes virales. Il y a des fongiques à terrasser les ours, des galopantes qui rattrapent les fauves. Et devant toi – mais tu ne le vois pas encore Chiffe, la marée n’est qu’un rictus sur ton visage – la sporulente bouffeuse de paysages et qui nous bande les yeux. Des ténèbres verdâtres, des brouillards qui volètent quand les poussées s’activent pour te balayer. Tu ne savais pas que la catastrophe avait tant de visages ? Bien sûr tu n’avais jamais vu d’aussi près, aussi exposée, la marée qui se lève, les poussées végétales qui fêlent le sol, font éclater la vallée comme une vulgaire croûte. C’est la vengeance de la lenteur : les grimpeuses courent à notre poursuite, les champignons infesteurs se disséminent si vite, les arbres craquent, croissent ou explosent. D’étranges fruits poussent et couvrent la plaine de couleurs inouïes. Voilà notre butin. La terre convulse, le ciel tombe : la poix végétale s’accumule, des spores toxiques s’agglutinent aux vêtements, alourdissent les capes, engluent les lunettes et les masques. Pour la plupart des Lériotes, la marée verte est un péril. Pour nous, c’est un trésor. Et le désastre une efflorescence : vois les érélynes à soufflet, les trèple-souilles, l’améloire et le faillir, les crève-de-nuit, les mija-cuir, l’antérole et les bubonières à cloche. Nous en ferons des nourritures exquises, des fripes inégalables ou, dans les allées de la contrebande et du marché noir, une monnaie d’échange pour les Lériotes. Car nous sommes pour eux d’inéluctables parias : les plantes que nous récoltons dans la marée ne se trouvent pas ailleurs. Leurs vertus nous rendent inévitables. Ils construisent leurs habitations, leur lumière, leurs véhicules, leurs toiles et leur confort des mains de notre folie. Même les Symbiotes, dissimulés sous leurs capes, convoitent nos biens. C’est pour cela que tu es venue, j’en suis certaine, pour cela que tu nous suis, que tu trames et que tu cherches ton Pas. Car nous avançons dans les zones fauves, à la lisière de l’habitable et au cœur du vivant. Chez les sédenternes, quand la marée verte arrive, on se calfeutre, on se protège et on prie. On répand la chaux partout dans les maisons. Les cuves de biogression s’ouvrent pour aspirer le chaos.
Nous, on part à la chasse.
Notre utopie est une catastrophe.
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"Pauvres trameux, vous vous êtes tellement gavés des richesses ramassés par d'autres que vous avez oublié ce que veut dire la Trame, ce que c'est que cueillir! Vous croyez que la Trame c'est autre chose qu'une course? Là où marée tombe, Trame cueille: voilà notre seule loi, la seule qui vaille."
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On s’était installé à quelques encablures de la vallée où avait éclos la marée. Bien sûr l’installation, chez les trameurs, était une chose relative. Ces points d’arrêt étaient encore des points de passage, la nuit un couloir possible et les feux des balises du mouvement lui-même. Tous ceux qui avaient participé à la marée étaient là. Beaucoup d’entre eux n’auraient de toute manière pas pu aller bien loin : victimes et blessés s’éparpillaient alentour. On s’affairait autour d’eux. Les soigneurs se faisaient aider des dérivants qui puisaient dans leurs escarcelles expertes les ingrédients nécessaires à leur guérison. Les premières mannes de la marée, chose étrange, servaient ainsi à sauver ceux qui l’avaient traversée. On désinfectait les plaies, on colmatait la charpie, on amenuisait les peines. Les bienveillants s’attelaient, selon un certain art de l’urgence méticuleuse, à ralentir tant bien que mal la rétrovégétation qui menaçait plusieurs trameurs dont les membres, déjà, semblaient appartenir à la forêt. Grâce aux onguents d’officinale et d’érélo, ils tentaient de faire refluer la course des infesteuses, poursuivant l’assaut de l’après-midi sur un nouveau front. Certains avaient vécu là leur dernière ruée et parfois un cri, de supplice ou d’adieu, s’échappait de ces alvéoles de douleur. Et toutes ces plaintes, toutes ces détresses se lovaient dans un entrelacs de clameur, de joie et de fête, et l’on n’aurait su dire s’il s’agissait là d’une totale indifférence ou de la forme supérieure de l’amour.
La Trame s’attroupait autour des feux, par affinité ou par désir, sans jamais s’immobiliser. On faisait le décompte des butins. On virait de l’ombre à la flamme, de la chanson au chuchotement, de l’amour à l’ivresse : on chantait, on dansait sur des mélodies dérivantes battues à la guimbarde. Les poètes, Trame-songe, Trame-la-nuit, Trame-loin, Trame-trotte et Trame-du-noir, improvisaient déjà, de foyer en foyer, la lyre calibrée sur la marée qu’ils avaient explorée tantôt, retenant ses lignes mélodiques, la tonalité de ses reflux, ses croches et ses poussées qu’ils retranscrivaient à présent dans le bois de leur instrument et l’effeuillement volatil de leurs cordes. On chantait par-dessus des exploits, et au plus profond de soi, on croyait reconnaître dans le vibrato d’un instant la poussée d’une varéliane où l’on aurait pu disparaître et, dans le fortissimo de deux musiciennes, le rebond tragique de la sporulente contre le vallon. Les jambes s’agitaient, il fallait danser à l’ombre des grands feux, rejouer dans ce Pas joyeux l’épreuve terrible de naguère et tendre les mains comme pour cueillir les fruits sonores d’une marée de notes. Des mesures voletaient de foyer en foyer dans le crépitement de la nuit. Les Tisseuses même semblaient sourire, toujours à leur tâche, dodelinant de la tête au son des mélodies, les mains sur les aiguilles comme d’autres sur les cordes, les peaux, les fesses ou la barbaque.
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On y va Lige, cours, suis ton pas ! » relança Angénor : le garçon se mit à courir, embarqué dans le galop de la meute débridée. C’était la curée et l’hallali, l’émeute et la ruée, tous couraient contre le paysage hurlant qui les attendait là-bas et, dans les cris alentour, Lige peinait à discerner la joie de la peur, la frayeur de l’enthousiasme, il suivait son peuple comme on épouse la vague mais ses yeux se voilaient, il était pris de vertige, déboussolé, incapable de se rappeler de lui ou de la marée qui était le chasseur et qui était la proie. Il courait parmi cette étrange émeute décousue, quelques-uns avaient viré géants, juchés sur leurs échasses qui les faisaient courir à trois mètres de haut, d’autres allaient à dos de mule, beaucoup avaient sauté sur leur course-marée monté à la va-vite, une planche, deux roues, à peine un gouvernail et surtout un propulseur grâce auquel ils fendaient la plaine à toute berzingue, debout sur cet attelage de misère, sautant sur le ressort pour relancer la machine, tantôt paresseuse, tantôt se cabrant à l’approche des cailloux, des buttes et des nids-de-poule où beaucoup s’effondraient pitoyablement au milieu d’un hourra. Et à l’avant déjà il y avait les forceurs, athlètes affinés et furieux, brinquebalant de la hotte, larguant loin les trotteurs et les feignasses qui allaient à la marée comme on va aux champignons.
Partout, on craint et on chante, les diseurs de Trame s’échangent des couplets, comme régénérés par la marée qu’ils sentent frémir au plus profond de leur voix, bizarre échange des tréfonds et du larynx, de la battue et de la mélodie. Lige se mêle aux pas, aux cris et à cet autre tintamarre de métal où résonne ensemble le barda de ces héros bricolés, cliquetis de grappines, souffles d’hélices thermiques, claquements d’échasses, virevolte folle des propulseurs, hottes primesautières, cœurs à la chamade, gonflements des housses à feu, tintements des tire-toi-de-là rechargés pour bondir en cas d’accroche. En accélérant ils se multiplient, ils sont la meute courant dans la nuée, le fleuve déversé dans la mer, le nombre qui file et qui râle. La Trame entre dans la marée.
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Fallait les voir débouler, le mollet ardent, la gueule tellement dévorée de soleil qu'ils faisaient passer les filles du coin pour des fantômes lunaires, leur peau rayonnante de déluges salubres et de vents hurlants, leurs vêtements déchirés en rigoles de tissu flottant ; drapés dans des frusques tellement vives qu'on aurait dit des gonfalons de tournoi, des porte-étendards vivants. Presque gênés de déborder dans un lieu si délimité, ils crevaient la grand-rue en un raz de marée bariolé, peuple-fleuve ruisselant d'étoffes - les mères cachaient les yeux des mômes, pliaient les sacs, pas un spectacle pour eux. Et partout, la couleur explosait, agrandissait tout, saturait jusqu'à l'air.
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C'était ça la Trame ! se disait-il en admirant la beauté des peuples courant le danger, cousant la tragédie à même le miracle, son peuple, qui forgeait sa perfection dans l'événement brut et les accidents du monde ricochés contre le sol.
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