Citations de Cordwainer Smith (32)
Mais qu'est-ce que la vie ? Un peu de jeu, un peu d'éducation, quelques mots choisis, un rien d'amour, un rien de peine, du travail, des souvenirs et la poussière qui se rue à la rencontre du soleil.
La mort, ce n'est rien, pas plus pour vous les vrais humains avec vos quatre cents années de vie que pour nous les animaux avec l'abattoir pour perspective. La mort, ce n'est qu'une question de temps. Elle est la même pour tout le monde. Ne vous inquiétez pas. Allez de l'avant et vous trouverez peut-être la miséricorde et l'amour, qui valent plus que la mort. Quand vous les aurez trouvés, la mort n'aura plus guère d'importance.
Si chacun de nous doit être quelque chose, la liberté ne consiste-t-elle pas à découvrir ce qu'est ce "quelque chose" ? N'est-ce pas la mission qui nous est confiée ? N'est-ce pas là notre but final ? Ne serait-ce pas terrible d'être "quelque chose" et de ne jamais savoir quoi?
C'est le verbe qui donne la vie, pas la composition du sang, ni la texture de la chair, ni la présence du plume ou de poils. [...] Les grandes croyances naissent toujours dans les égouts de la ville, pas sur les toits ni sur les ziggourats.
Cet air terrestre embaumait la vie - les plantes, l'eau, et des choses qu'il ne devinait même pas. L'air était un code pourvu d'une mémoire remontant à des millions d'années. Dans cet air, ses ancêtres avaient nagé pour atteindre à l'humanité, avant de conquérir les étoiles. L'humidité n'était pas la moiteur précieuse d'un de ses canaux couverts, mais une humidité libre et sauvage, chargée des senteurs de tout ce qui vivait, mourait, rampait, fourmillait, aimait, dans une abondance qu'aucun nostralien ne pouvait concevoir.
"Une chatte, pensa-t-il. C'est tout ce qu'elle est... une chatte !
Mais son esprit ne la voyait pas ainsi. Il la voyait vive et rapide au-delà de tous les rêves de vitesse, intelligente, habile, incroyablement gracieuse et belle, silencieuse et discrète.
Où trouverait-il jamais une femme qu'il puisse lui comparer ?
Tout le monde le fixait du regard et il vit sur les visages quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant. De quoi s'agissait-il ? Pas d'amour, plutôt d'une attention passionnée, combinée à une sorte d'intérêt agréable et indulgent. Alors seulement il comprit ce que signifiait leur expression. Ils lui dédiaient l'adoration qu'ils réservaient généralement aux champions de cricket, de tennis, d'athlétisme, comme ce fabuleux Hopkins Herveey qui était allé sur une autre planète et avait gagné un match de lutte contre un "lourd" de Wereld Schemering. Il n'était plus seulement Rod. Il était leur héros.
En tant que héros, il leur adressa un vague sourire, avec l'envie de pleurer.
La seule chose qui compte, ce sont ces moments calmes et heureux de la vie où l'on ne désire rien, Nels. On n'est rien. Quand on ne désire rien, dans le monde où l'on est, et qu'on jouit des choses simples comme la sensation de l'eau sur la peau, quand on se sent innocent et qu'on ne pense à rien d'autre.
Je suis mort.
J'ai su que j'étais mort quand je me suis senti si différent. C'était plus confortable d'être mort, plus détendu. Il n'y a plus rien de tendu. [...]
C'est ce que tu ne repousses pas, que tu ne hais pas, que tu ne crains pas, que tu n'espères pas. C'est ça, Nels, c'est ça le bon côté de l'intérieur de la mort. Et je suppose que certains l'appelleraient le Ciel. Et je suppose qu'on obtient le Ciel juste en prenant l'habitude de voir le Ciel dans chaque jour de la vie ordinaire. Car c'est ça. Le Ciel est là, dans la vie quotidienne, tous les jours, jour après jour, autour de toi.
Elle franchit le seuil de la porte et la referma derrière elle.
Elle l’ignorait,mais comme elle accomplissait cet acte,des avenirs encore virtuels sortirent des limbes,une rébellion flamboya dans les siècles futurs,des hommes et des sous êtres moururent pour d’étranges causes,des mères changèrent le nom des seigneurs à naître,des nefs spatiales transmirent des messages en provenance d’endroits que l’humanité n’avait jamais imaginés
LA DAME DÉFUNTE DE LA VILLE DES GUEUX
En un sens, dit-elle, nous sommes Adam et Êve. Nous ne pouvons prétendre qu'un Dieu nous soit révélé ou qu'une foi nous soit donnée. Il nous appartient de les découvrir, et ce lieu est le lieu ultime et le plus paisible parmi tout ceux dont on se met en quête. Tout le reste n'était que des fantômes, des hasards placés sur notre route. [...] mais l'important est que ce lieu est celui où je sens la présence du Premier Oublié, du Deuxième Oublié et du Troisième Oublié. Pour cela, il n'est pas besoin d'églises. Je suppose qu'il existe encore des églises sur certaines planètes. Mais ce qu'il nous faut, c'est un lieu où nous puissions nous trouver nous-mêmes, afin d'être nous-mêmes, et je ne suis pas sûre que ce lieu existe ailleurs qu'ici.
Les années passèrent; la Terre perdura, alors même que une humanité vaincue et hagarde rampait dans les ruines glorieuses d'un immense passé.
Les Hommes Véritables voulaient que les Idiots continuent à se reproduire, à porter les rapports, à glaner les quelques nécessités de la vie et à distraire suffisamment les autres habitants du monde pour laisser les Hommes véritables jouir du calme et de la contemplation qu'exigeaient leurs tempéraments exaltés mais indolents.
"Je sais seulement que c'est une chose qui me déplaît énormément, une chose cruelle et sale. Quand j'aurai fini, vous ne serez plus là pour me tenir compagnie. Mais c'est une chose que je dois faire. C'est, d'une certaine façon, un acte de justice. Vous devez mourir parce que vous êtes mauvais. Je le suis aussi, mais si vous mourez je le serai moins."
Sur les marches d'or dans la lumière dorée, une forme dorée dansait un rêve par-delà toutes les limites de l'imagination, dansait et attirait la musique à elle jusqu'à ce qu'un soupir de désir, désir qui devenait espoir et tourment, passe dans les coeurs de tous les êtres vivants sur un millier de mondes. (...) Elle regardait son public sans le voir, elle aussi subjuguée par la danse. Les applaudissements ne signifiaient rien. La danse était une fin en soi. Il faudrait qu'elle continue à vivre, jusqu'à ce qu'elle se remette à danser.
("Non, non, pas Rogov!")
Et quand les premiers hommes à aller dans le Grand Extérieur arrivèrent sur la Lune, que trouvèrent-ils ?
— Rien ! répondit le chœur silencieux des lèvres.
— Aussi allèrent-ils plus loin, jusqu'à Mars et Vénus. Si les vaisseaux partaient tous les ans, jamais, jusqu'à l'An Premier de l'Espace, ils ne revinrent. Alors, un vaisseau revint avec le Premier Effet. Sondeurs, je vous le demande, qu'est-ce que le Premier Effet ?
— Personne ne le sait. Personne ne le sait.
— Personne ne le saura jamais. Trop nombreuses sont les variables. Comment connaissons-nous le Premier Effet ?
— Par la Grande Douleur de l'Espace, dit le chœur.
— Et par quel autre signe ?
— Par la nostalgie, ô la nostalgie de la mort !
Il y avait l'Instrumentalité, qui poursuivait son incessant effort pour garder l'homme tel qu'il était. Et il y avait les citoyens heureux ,qui devaient être heureux.S'ils étaient tristes ,on les calmait ,on les droguait, on les transformaient jusqu'à ce qu'ils retrouvent le bonheur.
Quand il se réveilla,sous le réseau,il n eut pas l impression qu il venait de crancher.Il se sentait en forme .Il demeura renversé dans son fauteuil.C était pourtant son deuxième cranchage de la semaine.Ses oreilles buvaient le son de l air quI glIssait sur les objets de la chambre.Luci respirait dans la piece voIsine,ou elle etendait le fil pour qu Il refroidisse.Il sentit les milles et une odeurs communes à toutes les demeures:la fraIcheur astringente du bruleur de microbes,la salure douce-amère de l humidificateur,l odeur du diner qu Ils venaIent de manger,les parfums des vêtements,des meubles,des gens même.C était un pur délice.Il entama un quatrain de son chant préféré: Et voici l haberman,dans le grand extérieur! Dans le Grand -Grand-Grand Extérieur! (De la nouvelle : Les sondeurs vivent en vain)
La forme dorée sur les marches d'or tremblait et voltigeait comme un oiseau devenu fou - comme un oiseau doué d'un intellect e d'une âme, et pourtant poussé à la folie par des extases et des terreurs au-delà de l'humaine compréhension - des extases incarnées momentanément dans la réalité par l'exécution d'un art superlatif. Un millier de mondes regardaient.
Action, lieu et temps : tels sont les composants essentiels.
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L'action est simple. Il était une fois un adolescent qui acheta la planète Terre. Cela nous le savons, à nos dépens. Cela n'arriva qu'une fois, et nous avons veillé à ce que cela ne puisse plus jamais se reproduire. Il vint sur la Terre, obtint ce qu'il désirait, et repartit en vie, après une série d'aventures remarquables. Telle est l'action.