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Critiques de Damien Cuvillier (199)
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Une vie d'Arthur Rimbaud, tome 1 : Voleur d..

J'ai bien aimé cette évocation fantasmée de la vie du très jeune Arthur Rimbaud. L'auteur précise d'emblée qu'il va imaginer un récit plus ou moins crédible à partir d'éléments objectifs connus. Dans toute part de biographie, il y a des inventions qui ne traduisent pas la réalité. Cependant, l’idée est que l'on s'en rapproche.



Partant de ce constat, j'ai trouvé cette œuvre assez bien réalisé et construite. O a envie de poursuivre le chemin à la fin de ce premier tome. On voit que le jeune Arthur a eu une enfance assez difficile avec une mère célibataire qui a dû se battre pour ne pas couler suite à l'abandon de son mari militaire.



Arthur se révèle également un enfant assez précoce et surtout un excellent littéraire qui fait l'admiration de ses professeurs et notamment l'un d'eux Georges Izambard qui le poussera vers sa voie en le poussant à dépasser ses influences afin de créer son propre style. Il y a déjà chez ce personnage un petit côté bohème qui sera plus tard une sorte de marque de fabrique. Tout est traité avec la plus grande subtilité ce qui fait la force de cette œuvre.



J'ai déjà lu des BD qui traitait de ce poète maudit mais l'enfance n'était jamais abordée et pourtant, c'est elle qui a construit le bref futur de cette figure majeure de la littérature française. Oui, la vie de cet homme n'a pas été très longue mais elle a été d'une grande intensité. On se souvient de sa relation avec Verlaine dans une vie dissolue et fréquentant les bars du quartier latin.



Il a écrit ses premiers poèmes à 15 ans. A 20 ans, il renonce à sa carrière de poète alors qu'il n'a publié qu’un seul ouvrage. Cela va d'ailleurs contribuer à son mythe. Il va par la suite voyager à travers le monde en tant qu'aventurier contrebandier.



Bref, ce premier volume jette les bases d'une biographie qui s'avère assez ambitieuse. Je ne jetterai pas la première pierre bien au contraire.
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Mary Jane

Ce matin-là, Davies quitte la maison pour rejoindre la mine. Sa femme, Mary, le regarde s'éloigner de la maison, l'air inquiet... Une explosion, de la fumée. L'on accourt de toutes parts, affolé. Malheureusement, ce ne seront que des hommes et des animaux morts que l'on remontera. Et ce n'est qu'à 19 ans que la jeune femme se retrouve veuve, sans ressources, ayant perdu le seul amour de sa vie. Elle n'a d'autre choix que de fuir, ne voulant pas dépendre du bureau de bienfaisance. Une simple petite valise en guise de bagage. Mary marche, erre à travers champ, se lave à l'eau du ruisseau. Malheureusement, sa valise, trop près du bord, est emportée par le courant. Elle croise alors un groupe de rôdeurs qui ont les gendarmes à leurs trousses. L'un d'eux conseille à la jeune femme de les suivre. Mais eux vont à Londres et c'est à Cardiff qu'elle veut retrouver sa sœur. Si leurs chemins se séparent alors, c'est pourtant vers la capitale qu'elle se dirigera, là où on lui a fait croire qu'elle pourrait travailler dans la mode...



Mary Jane Kelly, de Limerick, est la dernière victime de Jack L'éventreur. Sans un sou et sans bagage, après avoir perdu son mari, c'est dans le quartier londonien de Whitechapel qu'elle atterrira. Naïve, perdue, mais jolie brin de femme. De mauvaises rencontres (avec ce Peter Snakesman ou encore cette maquerelle) en déconvenues, la jeune femme, devenue prostituée, n'est plus que l'ombre d'elle-même. Il aura fallu presque 30 ans à Franck Le Gall pour sortir cet album. Et s'il devait en dessiner les pages, c'est finalement à Damien Cuvillier, pour qui il réécrira le scénario, qu'il adviendra de mettre en image le destin tragique et émouvant de Mary Jane, victime de la misère sociale qui sévit dans l'Angleterre de la fin du 19ième siècle. Si le fond est captivant, touchant et triste à la fois, la forme est magnifique. En effet, Damien Cuvillier nous offre de superbes planches en couleur directe. Les visages sont expressifs, les décors de la capitale riches et les couleurs étonnamment douces.

Un très bel album qui donne corps et âme à cette jeune femme au destin tragique...

En bonus, la genèse de ce récit ainsi que quelques croquis de Franck Le Gall...
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Mary Jane

Nous sommes à la fin du XIXe siècle au Pays de Galles. Un accident a eu lieu à la mine. Davies y a laissé sa peau. Sa jeune veuve, Mary Jane Kelly, fuit la misère et rejoint Londres. Elle est alors prise en charge par un certain Peter White, dit le serpent, un beau parleur qui profite de la fatigue et du désoeuvrement de cette dernière pour la présenter à « une amie ». Voilà comment la jeune femme se retrouve dans le monde de la prostitution. Mais Mrs Kelly n’est pas simplement une fille de joie, elle est également une des victimes de Jack l’éventreur…



Ce très bel album nous met dans l’ambiance des bas-fonds anglais du XIXe siècle où la misère, la famine et les maladies allaient bon train. Les dessins et les couleurs sont magnifiques. Le tout est mené comme une enquête policière avec des gens se présentant non pas à la barre mais devant nous pour nous expliquer ce qu’ils ont vu. C’est rondement mené et le lecteur passe par tous les sentiments avec cette femme que l’on va d’abord plaindre puis détester pour finir par en avoir pitié.
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Mary Jane

Mary Jane Kelly, dont il est question dans cet album, est la dernière victime de Jack l'éventreur sordide assassin de femmes à Londres à la fin du XIXème siècle.

Mais ce n'est point cette histoire qui est racontée, l'éventreur n'apparaissant qu'a la dernière page de l'album.

Mary Jane, 19 ans était une femme mariée, heureuse, galloise, dont le mari, mineur, disparut dans une explosion au fond de la fosse. Et, là, le ciel lui est tombé sur la tête! Pour échapper aux organismes sociaux qui harassaient plutôt que d'aider les jeunes femmes en détresse, elle s'enfuit, quitte son village et ce joint à une bande de vagabonds qui tente de gagner la capitale.

Arrivée à Londres, Mary Jane cherchera un travail honnête mais elle rencontrera un aigrefin qui l'entrainera sur le mauvais chemin des maisons closes et de la prostitution.

Bien sûr elle essaiera de s'en sortir mais, à chaque fois, ce sera pour tomber encore plus bas, pour terminer à faire des passes dans la rue, dans le sordide quartier de White Chapel à Londres où l'éventreur l'assassinera.



Cet excellent album tant pour le scénario, les textes et les dessins, montre à quel point des jeunes filles heureuses, subissant un revers de la vie, peuvent, irrémédiablement, tomber sans jamais se relever, victimes qu'elles sont de l'époque, de la misère et de la destinée.

En fin d'album un cahier graphique.

Une Bd a conseiller pour sa qualité.


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Mary Jane

C'est l'histoire d'une fille, elle a pas eu d'bol.



Mary Jane Kelly, tout le monde connait.

Rien à voir avec les oinjs dont semble avoir été perfusé Doc Gynéco dès le landau mais plutôt avec le sale destin d'une gamine miséreuse qui traça un sillon aussi désespérant que tragique en un Londres de fin XIXe alors peu enclin à accueillir en son sein les pestiférés de tout bord.



Mary Jane, ce seront des rencontres.

De son amoureux trop tôt disparu à de futures bien moins romantiques, la gamine n'aura de cesse de tirer le Diable par la queue avant que ce dernier ne se rappelle définitivement à son bon souvenir.



Alternant une vie que la grande Edith n'aurait chanté pour rien au monde avec des témoignages de personnages l'ayant plus ou moins intimement côtoyé, Mary Jane fascine de par son propos à la fin inéluctable et son rendu aquarellé paradoxalement envoûtant.

Le contraste est saisissant.

Le plaisir intense.
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Les souliers rouges, tome 1

Bonne BD sur les rapports civils-résistants-occupants pendant la seconde guerre mondiale. Focus original, localisé en Bretagne, pas trop de manichéisme, des personnages qui oscillent entre originalité (russes et cosaques) et ancrage local (Ankou et alcooliques). J’ai trouvé cet album bien dessiné et il peut donc valoir le détour. Cela dépendra de la suite...
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La guerre des Lulus 1916 : La perspective L..

Ce Tome est un peu particulier, il s’insère après le tome 3, mais nous sommes en 1936, Luigi vit à Amiens, il est devenu commerçant. Un écrivain s’intéressant à la question des personnes expatriées en Allemagne durant la grande guerre lui demande de raconter ce qu’il a vécu. Il va raconter ce que sont devenus les Lulus après leur séjour à Guise.



Le tome précédent nous avait laissé sur le quai alors que le train allait les emmener vers la Suisse où ils pourraient à nouveau respirer et se sentir plus libres. Oui mais voilà, sans le vouloir, ils se jettent dans la gueule du loup : ils se croient en Suisse, ils sont arrivés à Berlin. Ils le découvrent au cours d’une conversation difficile avec des gamins qui partagent leurs conditions, qui ne parlent qu’allemand et qui les prennent pour des Suisses. Heureuse méprise, car en ces temps perturbés, il ne fait pas bon être Français quand on se retrouve en territoire ennemi. Les orphelins vont donc partager la vie de gamins livrés à eux même, obligés de voler, de mendier pour se nourrir. des gang de jeunes délinquants ont vu le jour, des rivalités se font sentir, les aînés versent dans la délinquance générée par l'état de guerre.



L’ambiance a changé, nous nous retrouvons dans une grande ville, l’environnement, bien que nous soyons en temps de guerre, semble plus riche, plus coloré, plus fourmillant. Ce tome amène à considérer le côté de ce que l’on appelle l’ennemi : des gens aussi désolés, aussi inquiets, aussi endeuillés que du côté Français. Pas de front, pas de tirs, pas de tranchées, mais une mélancolie ambiante liée à la guerre. On a beau essayer, on n'a plus le cœur à la fête.



le seul point discutable que je vois dans cette série est le "pourquoi" ce tome est-il placé de cette façon dans cette suite : perspective Luigi est le premier d'une série de deux tomes qui permettent d'éclaircir certains points obscurs du parcours des orphelins, or le deuxième tome de perspective Luigi est à paraître en septembre 2019. Bien-sûr, cela n'empêche par se suivre leurs aventures, mais alors que j'avais entamé le tome 4, qui se déroule en 1917, je me suis demandé d'où il arrivaient, et comment ils s'en étaient sortis... le tome 4 m'a donné l'impression ne constituer aucune suite...



Cela ne m'a pas fait changer d'idée sur ce volet très noir, très inquiétant et très intéressant de l’histoire des Lulus.
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La Guerre des Lulus 1916 : La Perspective L..

Je me sens un peu à mon tour orpheline puisque je n'ai plus d'album des lulus qui m'attendent. Cela ne va pas durer, car l'album 7 sera bientôt, je l'espère, disponible à ma médiathèque. La perspective luigi 2est tout aussi intéressant que le premier. Cette fois, Luigi nous raconte leur épopée lorsqu'ils se sont tous retrouvés emprisonnés dans un camp en Allemagne. En bons Lulus qu'ils sont, on se doutait bien qu'ils n' allaient pas attendre la fin de la guerre en tant que prisonniers !!! On suit donc avec plaisir leur ingéniosité pour s'évader.

Le duo Régis Hautière, Damien Cuvillier fonctionne toujours aussi bien. C'est encore une fois un régal.
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Les souliers rouges, tome 2

Suite conforme au tome 1 avec un peu plus de sauvagerie : les miliciens et la Gestapo sont à l’œuvre. Je regrette que l’originalité du premier opus ne soit finalement que peu exploitée, sauf pour un final assez surprenant. Toujours bien dessiné, mais se concentrant sur des scènes brutales au détriment de la psychologie des personnages, qui ne se développent pas assez à mon goût. Ensemble globalement fréquentable.
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Le Choix du chômage

Je fondais de grands espoirs en cette bande dessinée.

Parce que le sujet m'intéresse.

Parce que j'ai vu récemment une interview de l'auteur sur une chaîne vidéo dissidente.

Hélas, même si je trouve que c'est fort bien fait, que les dessins sont soignés, plaisants (c'est drôle de reconnaître toute la ménagerie politique qui s'est produit dans notre petit écran de théâtre), je ne suis pas parvenu à accrocher véritablement.

Les incessants allers et retours chronologiques liés aux interlocuteurs rencontrés par les auteurs, la difficulté à passer d'une notion à l'autre m'ont empêché de suivre un fil qui me semble indispensable pour ce genre de sujet.

Et puis, il n'y a pas véritablement de méchants désignés comme tels...

Des opportunistes, des cyniques, des profiteurs qui répondent gentiment aux questions posées.

De M. Lamy à M. Trichet en passant par M. Camdessus (pour ne citer d’abord que des non-politiciens professionnels), ils réclament tous des "réformes structurelles" synonymes de plus de privilèges pour les uns (dont ils font partie comme par hasard) et de précarité pour les autres.

Les pires déclarations politiques sont simplement rappelées, sans plus, mais 9 français sur 10 les ont sans doute déjà oubliées, sevré qu'on est aux chaînes de propagande en continu.

Bref, une grande tristesse m'a étreint en lisant cette bande dessinée. Ce doit être l'effet du noir et blanc...

Oui, c'est cela, le noir et blanc.

Le noir et blanc...
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Mary Jane

J’ai trouvé le récit de cette jeune femme très touchante.



L’auteur explique à la fin de l’ouvrage qu’il voulait parler des conditions des femmes à la fin du XIXe siècle plutôt que de jack l’éventreur. Et mettre ainsi en avant la vie de ses femmes, leurs histoires, et leurs combats.



J’ai trouvé tout cela très enrichissants. Les graphiques sont très jolie et on s’immerge facilement dans ce récit.



Je vous conseille donc de lire cet ouvrage, une découverte très agréable.



Bonne lecture !
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La crise, quelle crise ?

Cet album est comme beaucoup de bonnes choses, il a un "goût de trop peu".

Pourtant il parle de la crise.

Quelle crise ?

Celle dont la télévision, les journaux et la radio nous rebattent les oreilles ?

Quel ennui !

Non cet album ne mange pas de ce pain-là.

Non, si les dix-huit auteurs, qui ont participé à l'album, ont décidé d'évoquer la crise, c'est pour parler, avec imagination et talent, de vous, de moi et des gens qui nous entourent.

Alternant l'optimisme le plus tendre avec la plus cruelle des noirceurs du monde, les neuf histoires de l'ouvrage n'ont pour seul point commun que l'intérêt qu'elles distillent.

La variété et l'originalité sont au programme de ce bel album, construit avec force et délicatesse.

Il est émaillé de citations de Lénine, d'Attali, de René Bergeron, de Jean-Paul Sartre, d'Adam Smith, de Coluche, de Jean-Louis Auguste Commerson, de Keynes, de Groucho Marx, de Joseph Staline et d'un hommage discret à Supertramp - Crisis , What crisis ? oblige - !

Le verso des deux couvertures est lui même une histoire, très courte, mais tellement édifiante.

La réflexion que l'album suscite ne s'arrête pas lorsqu'on le referme.

L'ouvrage semble peser beaucoup plus lourd que ces 62 pages.

Mais au fait...

...."Tu sais ce que c'est toi, la crise ?

J'crois que c'est une maladie. Tout le monde l'attrape en ce moment.

Et on finit à poil...comme dit papa"......
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La guerre des Lulus 1916 : La perspective L..

"La perspective Luigi 1" est un album qui peut s'intercaler dans la série la guerre des lulus. le lire après le tome 7 n'est cependant pas un problème, revenir sur l'épisode qui s'est passé lorsque les Lulus se retrouvent en Allemagne et non en Suisse comme ils le pensaient et l'espéraient est un plus car j'avais trouvé que l'on passait un peu vite sur leur déconvenue. Dans cet album donc, on retrouve Luigi plusieurs années plus tard, en 1936, qui raconte à un journaliste leur épopée.

Je me répète mais c'est toujours aussi bien et j'ai toujours autant de satisfaction à retrouver mes petits amis.

Dans cette album, nos Lulu se retrouvent dans une autre bande, dans laquelle ils ont réussi à se faire une place dans les bas-fonds de Berlin.

Les situations "rocambolesques"s'enchaînent mais cela nous permet également de comprendre un peu l'état d'esprit et la vie à Berlin en 1916. Quant à l'état d'esprit de nos Lulus, lui il ne change pas, toujours de la solidarité et de l'émotion.
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Mary Jane

Des victimes de Jack l'éventreur on ne sait pas grand-chose, on connaît seulement leurs noms et le fait qu'elles se prostituaient.

L'auteur a choisi de nous raconter la vie de l'une d'elles : Mary Jane Kelly.

Il nous raconte sa vie au Pays de Galles avec son mari mineur, l'accident qui la laisse veuve et complètement démunie, son errance jusqu'à Londres, ses tentatives pour vivre ou survivre et sa lente descente aux enfers qui se terminera par son assassinat.

J'ai beaucoup aimé cette peinture sociale d'une époque difficile pour les plus pauvres et encore plus pour les femmes seules, on y ressent bien le froid, la faim, l'angoisse d'avoir à payer son loyer, de devoir trouver quelque chose à manger…

On voit bien la différence entre les quartiers huppés et les bas fonds où la misère est partout, où elle ressemble à fluide visqueux qui recouvrirait le sol, les murs, les esprits, les estomacs et même les âmes.

Oui, Mary Jane était une prostituée, mais c'était aussi une jeune femme combative, avec des rêves, une femme qui n'a pas eu beaucoup de choix pour survivre, une femme qui a malheureusement été la victime d'une époque et d'une société rigide avant d'être celle d'un tueur en série.
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Nuit noire sur Brest

"Nuit noire sur Brest", BD qui relate un épisode apparemment peu connu de la guerre d'Espagne. En 1937 un sous-marin espagnol républicain se retrouve dans la rade de Brest, franquistes, communiste, anarchiste, et hommes de gauche vont s'affronter dans cette ville portuaire qui est Brest. Je n'ai malheureusement pas tout saisi et n'ai pas toujours réussi à distinguer les uns des autres, les personnages se ressemblent, ce qui n'a pas facilité ma tâche.

Cela ressemble à un roman d'espionnage, mais cela manque de reliefs et d'émotions. C'est très narratif.

En revanche, j'ai eu plaisir à découvrir Brest d'il y a plus de 80 ans, j'ai bien sûr reconnu certains endroits et pu en imaginer d'autres, c'est très bien fait. Par ailleurs les couleurs sont très belles.

Je reste mitigée malgré tout après cette lecture qui n'a pas su m'emporter et pourtant, le thème aurait dû.
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Une vie d'Arthur Rimbaud, tome 1 : Voleur d..

Club N°54 : BD non sélectionnée mais achetée sur le budget classique

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Je ne connaissais pas l'enfance de Rimbaud.



On s'y plonge.



Et comme d'habitude, une qualité de dessin de Damien Cuvillier.



Vivement la suite.



Nol

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L'enfance de Rimbaud... chouette !



Oui mais l'auteur nous prévient que ce n'est pas une biographie et que la fiction a une part très importante.



Me voilà donc dubitative !



Les dessins sont très beaux, l'histoire touchante... oui mais ce n'est pas vraiment Rimbaud...



La suite nous éclairera sans doute !



Virginie

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Très belle enfance/jeunesse de Rimbaud, on voit le talent naitre, très réussie, hâte de lire la suite !



Nicolas

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Belle atmosphère, qualité du dessin... On plonge aisément dans cette enfance fictive de Rimbaud en attendant la suite !



Xel

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Lien : https://mediatheque.lannion...
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Mary Jane

Mary Jane, c'est un peu Gervaise, c'est un peu Nana...



Cette très belle Bd narre l'histoire d'une galloise, devenue soudainement veuve à l'âge de 19ans. Seule désormais, elle quitte son village pour Cardiff mais le destin l'emmènera jusqu'à Londres.

Le Londres du 19eme siècle avec sa misère et ses bas-fonds, avec ses prostituées et Whitechapel...



C'est une histoire bouleversante bien sûr, qui rend hommage à toutes ses femmes qui ont subi plus qu'elles n'ont vécu, courageuses mais si vulnérables.



L'atmosphère triste, parfois sinistre est parfaitement bien rendue par la coloration sépia. Les personnages sont fort bien croqués également et les visages bien expressifs.



Une BD de qualité !
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Mary Jane

Elle comprend que tous les hommes, d’une manière ou d’une autre, sont toujours prêts à payer.

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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, dont la première édition date de 2020. Le scénario a été écrit par Frank Le Gall, les dessins et les couleurs réalisés par Damien Cuvillier. Elle comporte soixante-dix-huit pages de bande dessinée. Il se termine avec un texte de trois pages, rédigé par Le Gall, et illustré par ses travaux graphiques préparatoires.



Un homme effectue une déposition ou un témoignage : Joseph Barnett, porteur au marché aux poissons de Billingsgate. À ce qu’elle lui a dit, elle était née à Limerick en 63. Et puis sa famille a émigré au pays de Galles, elle lui a dit. Elle disait que, là-bas, elle avait été mariée à un certain Davies. Il travaillait à la mine, et puis ça n’a pas duré. Il n’y a rien qui durait, avec elle. Il évoque sa compagne Mary Jane. En 1882, celle-ci sort de sa petite ferme en courant, en tenant un mouchoir rouge à la main. Elle traverse son petit jardin puis un champ, en passant par la barrière. Au loin, s’élève une colonne de fumée noire. Elle passe le portillon, le mouchoir s’accroche au montant, elle le laisse et continue de courir. Elle arrive près du puits de la mine : c’est de là que provient la fumée. Les autres femmes accourent également, alors que les hommes s’affairent à remonter les blessés et les morts, du puits. Ils sont en train de sortir un cheval aux yeux bandés, par le monte-charge à poulie. Un homme en tenue de mineur, le visage noir, arrête Mary Jane : c’est inutile, Davies est mort. Elle entraperçoit les corps étendus sur le sol un peu plus loin.



Les autres femmes plus âgées, se demandent ce que va devenir Mary Jane en étant veuve à dix-neuf ans. Elle sait qu’elle doit fuir. Le lendemain, Miss Gruff du bureau de bienfaisance toque à sa porte, accompagnée d’un solide gaillard et d’un policier. Elle vient pour l’emmener à L’union Workhouse. Ils ouvrent la porte de la chaumière : Mary Jane est déjà partie. Elle a emporté ses maigres affaires dans une simple valise. Elle voyage à pied sur des chemins de terre, se protégeant comme elle peut de la pluie, du froid, dormant sous les ponts, emmitouflée dans un châle. La nuit, le même cauchemar revient : une terrible explosion d’une clarté aveuglante, et son mari qui hurle son prénom. Elle se réveille en sursaut, puis se rendort tant bien que mal. Le lendemain, elle poursuit son chemin, s’arrête au bord d’un petit cours d’eau pour faire une toilette sommaire. Sa valise tombe dans la rivière qui l’emporte, sans qu’elle ne puisse la récupérer. Elle continue à marcher à travers bois, jusqu’à arriver dans une grande prairie vallonée. Elle entend des cris : Pillards ! Assassins ! Bande de voleurs ! Gibiers de potence ! On vous retrouvera et on vous pendra tous ! Des paysans hurlent en contrebas, alors qu’une troupe de romanis passent rapidement devant elle. Black John la saisit par l’épaule et lui intime de venir avec eux. Elle reprend la route avec eux. Plus tard, les enfants étant fatigués, ils font une halte. Elle demande à Black John si ce sont des romanis.



La date, l’image de couverture, le texte de quatrième de couverture donnent des indications quant au fait que cette Mary Jane est passé à la postérité de bien sinistre manière. C’est l’histoire d’une tragédie annoncée. Quoi qu’il en soit, cette tragédie atroce n’occupe que les dix dernières pages de la bande dessinée, le reste étant consacré à la vie de cette femme, de sa dix-neuvième année, à sa mort à vingt-quatre ans. Le scénariste n’est pas le premier à s’intéresser à sa vie, Patricia Cornwell, autrice d’un livre sur le sujet, l’a également évoquée avec un point de vue très marqué. Le scénariste a choisi cette femme emblématique pour développer sa vie avant son meurtre immonde, la vie d’une jeune veuve de la campagne, montant à Londres dans l’espoir de trouver un travail, une source de revenus, de quoi vivre. Parmi les personnes témoignant, assis, cadrés en plan taille, face au lecteur, un jeune homme pose deux questions : Si tout le monde, si toute la société vous considérait comme un coupable, est-ce que vous ne seriez pas prêt à tuer ? Et si cette même société vous considérait comme une victime, ne seriez-vous pas déjà morte ? Cet ouvrage évoque donc la condition féminine dans la décennie 1880 au Royaume Uni. La vie de Mary Jane est racontée de telle manière, que le lecteur n’y voit pas un destin tout tracé vers une boucherie fatale, mais bien le parcours de vie d’une jeune femme comme il y a dû y en avoir de nombreuses autres.



La première page peut décontenancer avec le témoignage de Joseph Barnett sur fond noir, fixant l’année de naissance de Mary Jane, ainsi que sa région d’origine, et portant un jugement de valeur que le lecteur perçoit comme étant négatif : il n’y avait rien qui durait avec elle. Le dispositif visuel d’un cadrage en plan taille sur fond noir évoque une déposition, mais sans qu’il ne soit précisé, ni pour Barnett, ni pour les suivants, si elle se déroule au commissariat ou au tribunal. Puis une case de la largeur de la page en occupe le bas, avec juste des bottes et un bas de jupe d’une femme courant sur l’herbe. Suivent quatre pages sans texte, si ce n’est la mention Un mouchoir rouge, montrant Mary Jane courant puis le monte-charge au-dessus de la mine. L’artiste utilise un trait encré pour détourer les formes, un noir légèrement atténué par les couleurs ce qui fait qu’il ne ressort pas comme étant le premier plan. Le reste des cases est réalisé à l’aquarelle, en couleur directe. Le tout forme de petits tableaux très agréables à l’œil. La fuite de Mary Jane dans la campagne fournit l’occasion de superbes paysages : les chemins de terre gorgés d’eau, la rivière paisible au bord d’un bosquet d’arbres, la grande prairie vallonée, le tronc noir des arbres dans la nuit, le magnifique feuillage d’un arbre au milieu d’une grande prairie.



Puis en page vingt-neuf, le lecteur découvre une illustration en pleine page : un dégradé de noir plein en partie supérieure, pour se transformer en un entrelacs de noir et blanc en bas de page, comme si le noir faisait ressortir la granulosité du papier. Le récit passe alors à Londres dans une lumière chiche, faisant ressortir la lumière blafarde et grisâtre, ternie dans les quartiers pauvres. Le lecteur peut tourner la tête pour observer la fumée noire des cheminées, le teint maladif des enfants et des mères dans la rue, les pavés poisseux, les petits boulots, la foule anonyme dépourvue d’empathie. Page quarante-sept, un autre dessin en pleine page, la façade d’un immeuble avec une belle lumière, et une rue large et dégagée. Cette impression d’endroit à l’abri disparaît dès la page suivante, avec une chambre aux fenêtres occultées, à la pénombre inquiétante. Page cinquante-neuf, un troisième dessin en pleine page : le ciel très sombre, presque noir au-dessus de Montmartre avec une neige clairsemée, comme autant de taches venant maculer la silhouette des bâtiments. Le retour à la lumière du soleil dans St. James apporte une respiration mais elle s’avère de courte durée.



Le lecteur voit que l’artiste a pris le soin de se documenter pour réaliser une reconstitution historique consistante : les échoppes, les petits métiers, les tenues vestimentaires, l’aménagement des pubs des quartiers populaires, les lumières des grandes artères commerçantes, la mine, les gourbis des quartiers miséreux de Londres. Il croque des personnages de manière réaliste et parlante quant à leur âge, leur situation sociale, leur métier plus ou moins légal. Il conçoit des plans de prise de vue qui donnent à voir les décors et les occupations des personnages pendant les scènes de dialogue, avec des postures parlantes quant à leur état d’esprit du moment, par exemple la détresse de Mary Jane qui ne sait pas à qui s’adresser à Londres qui ne comprend pas que Peter White est en train de la manipuler. Il parvient à ne pas en faire un objet du désir. Lorsqu’elle se réveille nue dans la maison de passe, le lecteur la voit comme une victime avec qui il a déjà développé un lien affectif, d’autant plus vulnérable qu’il sait ce qui va advenir. Page cinquante-quatre, il montre les passes, dans une grille de quatre cases par quatre cases. Il n’y a rien d’érotique ou pornographique : la chair est triste. Le texte est laconique et terre à terre : Et jour après jour, c’est la longue suite, la suite sans fin des hommes, des employés, des gommeux, des clergymen, des commis voyageurs, des vieux qui sentent, des gras qui suent, des timides, des violents. Ils ont tous en commun d’être repoussants. Heureusement, il y a le gin.



Le scénariste a donc décidé de montrer une autre facette des crimes sordides d’un tueur en série, peut-être le premier à avoir été identifié comme tel. Il fait de Mary Jane, une jeune femme attachante, essayant de trouver une nouvelle place dans la société, après le décès de son époux dans un accident de travail. La remarque d’un témoin revient à l’esprit du lecteur : si cette même société vous considérait comme une victime, ne seriez-vous pas déjà morte ? Le récit met en lumière un mode de fonctionnement systémique : une société qui exploite les faibles sans une once d’humanité. L’enchaînement des événements est inéluctable pour Mary Jane. Le lecteur se demande à plusieurs reprises quelle aurait été l’alternative pour elle. L’auteur en évoque une ou deux, vraisemblablement pires, en tout cas pas meilleures, sans aucun espoir d’épanouissement personnel, dans une perspective d’exploitation tout aussi destructrice que la voie choisie par défaut par Mary Jane. Les hommes profitent de cette prostitution intégrée au fonctionnement de cette société, et Mary Jane est exploitée par une femme, une mère maquerelle, et surveillée par une autre femme, une duègne qui est rémunérée pour. La fin de sa vie est une déchéance de plus, le symbole qu’il est toujours possible de tomber plus bas. La conclusion revient à la séquence d’ouverture, montrant la vie de Mary Jane entièrement définie par sa condition d’épouse, tout en montrant que le sort de son époux participe de la même exploitation sans respect de la personne humaine.



Les auteurs racontent la vie adulte d’une jeune femme ayant perdu son mari dans un accident. Ils ont choisi une femme dont l’Histoire a retenu le nom du fait de son assassinat atroce. Pour autant, à part la conclusion, il s’agit du récit de la vie d’une jeune femme issue de la classe populaire, confrontée à une société qui réserve un sort de victime aux femmes de sa condition, quel que soit le choix de vie qu’elles puissent faire. Un récit poignant à la narration sans dramatisation excessive, et pourtant implacable.
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La guerre des Lulus 1916 : La perspective L..

Amiens. Octobre 1936.



Luigi est attablé dans un petit troquet. Face à lui, un homme qui recherche toute personne ayant vécu en Allemagne durant la Grande Guerre pour recueillir des témoignages de ce qu’était la vie là-bas…



Rappelez-vous, nos quatre Lulus plus une, espérant se rendre en Suisse, se sont trompés de train. Celui-ci est arrivé à destination. Berne ? Zürich ? Neufchâtel ? … Genève, peut-être ? … Hm… Non ! Berlin ! … Berlin ? Mais ce n’est pas en Suisse, ça ! … C’est bien là tout le problème…



Critique :



Changement dans l’équipe. Régis Hautière est toujours au scénario, mais au dessin, c’est maintenant le jeune et talentueux Damien Cuvillier et David François à la couleur. Cela en décevra certains, d’autres n’y prêteront pas trop attention puisqu’on entre dans une autre perspective, celle de Luigi.



Changement d’époque aussi. 1936… Mais c’est pour mieux revenir vingt ans plus tôt en 1916. Nous allons enfin découvrir ce qu’il est arrivé aux Lulus en Allemagne… Mais comme je ne suis pas corruptible, vu que vous ne me payez pas assez cher, je ne vous en dirai pas un mot.

Bon, allez, pour cesser de voir la demoiselle en beige arrêter de sangloter, je vais vous confier quelques éléments. Ils vont rencontrer des orphelins allemands dont un qui déteste particulièrement les Français, vu que son père a été tué au combat dans ce maudit pays (c’est son point de vue, pas le mien, inutile de sortir vos fusils de chasse). Les Lulus vont découvrir qu’à Berlin beaucoup de gens ont faim à cause du blocus naval qui empêche de ravitailler le pays avec des denrées produites ailleurs.



Je n’en dirai pas plus, même si vous torturez ma petite sœur !

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Le Choix du chômage

Le lien à un monde collectif : la solidarité ou l'intérêt privé

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Ce tome contient un essai complet indépendant de tout autre. Il s'agit d'une enquête sur la gestion du chômage en France de 1981 à 1989, et de l'évolution de la situation ensuite. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc de 277 pages, dont la première édition date de 2021. Elle a été réalisée par Benoît Colombat et Damien Cuvillier, avec un lettrage réalisé par Stevan Roudaut. Cet ouvrage s'ouvre avec une préface de Ken Loach qui évoque le développement du néolibéralisme en Angleterre et les quatre leçons à en tirer. Il se termine avec quatre pages de références des différentes citations incluses dans l'exposé.



Prologue. Fin 1973, Georges Pompidou entre dans la salle du conseil des ministres. Il annonce une nouvelle terrible : la France va passer le cap des 400.000 chômeurs. Chapitre 1 : on a tout essayé. À Saint Malo en octobre 2016, au Festival Quai des Bulles, Benoît Colombat discute à table avec un éditeur de Futuropolis : il indique qu'il aimerait écrire sur la violence économique. L'éditeur propose qu'il le fasse en bande dessinée et le dessinateur à côté de lui indique que c'est un sujet qui l'intéresse. Il se souvient quand il était petit et qu'il accompagnait sa mère à l'autre bout du département en Picardie pour se rendre à l'Agence Nationale Pour l'Emploi. Sa mère aura été au chômage, entrecoupé de petites missions par-ci, par-là, avant d'être définitivement radiée, en 2005. En août 2019, les deux auteurs se retrouvent devant un monceau de documents, et se demandent par où commencer. Ils sont frappés par la continuité du discours des politiques sur le sujet, et par le fait que la dernière réforme sur l'assurance chômage s'inscrit dans un cadre idéologique qui est resté le même depuis quarante ans.



En France la barre du million de chômeurs est franchie en 1977, celle des 2 millions en 1983. En 1993, 3 millions. Et aujourd'hui : 2,4 millions selon l'INSEE. En réalité, plus de 6 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi. Et 9 millions de précaires. Avec des conséquences aussi sur la santé des populations. En fait, le chômage et la précarité tuent, au sens propre. Selon une étude de l'Inserm, entre 10.000 et 14.000 décès peuvent être attribués chaque année au chômage : suicides, maladies ou rechutes de cancers. En passant en revue des articles de journaux, les auteurs retrouvent des chroniques écrites par François Hollande pour le journal Le Matin, développant un discours libéral. Quand Emmanuel Macron accède à la présidence, Jean-Pierre Mignard, avocat proche de Hollande et de Macron, reconnaît dans son projet, celui qu'il avait décrit avec Hollande, Jean-Yves Le Drian et Jean-Pierre Jouyet en 1985, dans un livre intitulé La Gauche Bouge. Les deux auteurs se mettent à la recherche de cet ouvrage : un exemplaire disponible chez un vendeur berlinois. L'enquête peut démarrer sur ce fil conducteur présent déjà dès les années 1980, et intact en 2019. Elle commence au printemps 2017. Elle va durer trois ans et demi, jusqu'à l'automne 2020. Ils vont interviewer des hommes politiques, des hauts fonctionnaires, et ils commencent avec le porte-parole du Mouvement national des chômeurs et précaires.



Parmi les premiers interlocuteurs que les auteurs interviewent, l'un d'eux fait la réflexion que le format choisi (une BD) fait que c'est un livre pour les jeunes. Le prologue commence doucement avec simplement l'annonce du premier ministre en 1973. À partir de la page 16, le lecteur parvient à la densité d'informations qui va être présente tout du long du récit. Elle est élevée et il en est ainsi pendant tout l'ouvrage, ce qui correspond bien à une approche adulte. Celui-ci se focalise beaucoup sur le premier septennat (1981-1988) de François Mitterrand, en le complétant par d'autres éléments antérieurs ou postérieurs. Le lecteur voit ainsi passer beaucoup d'hommes politiques de cette époque, et également un peu d'avant et d'après : Michel Debré, De Gaulle, Raymond Barre, René Monory, Maurice Papon, Jean-Pierre Chevènement, Pierre Mauroy, Jacques Delors, Pierre Bérégovoy, Laurent Fabius, Édouard Balladur, Dominique Strauss-Kahn, Helmut Kohl, Margaret Thatcher. S'il a été témoin de cette époque, ou s'il l'a déjà étudiée, l'assimilation des nombreuses informations lui en est facilité. De même, les auteurs font appel à de nombreux experts : les ministres eux-mêmes, mais aussi le secrétaire général de l'Élysée, le Porte-parole du Mouvement National des Chômeurs, des sociologues, un maître de conférences en sociologie, un directeur du trésor, des directeurs de cabinet de ministre, un Commissaire au Plan, des économistes. Ils font œuvre de pédagogie et de vulgarisation, mais le sujet exige qu'ils développent de nombreux points bien au-delà de la vulgarisation.



Les lecteurs annoncent explicitement dans le premier chapitre leur objectif : essayer de retracer les moments de bascule historiques relatifs à la gestion du chômage, retrouver les pièces à conviction correspondant aux grands choix économiques. L'ouvrage est divisé en 5 chapitres, avec un prologue, un épilogue et un post-scriptum : 1 On a tout essayé, 2 Des protections inadmissibles, 3 Vive la crise !, 4 Les vents dominants, 5 Y a pas d'argent magique. Ils commencent par s'interroger sur le début de la mondialisation, l'arrivée du libéralisme en France, le genre de ce libéralisme (en l'occurrence Ordolibéralisme), l'idée que le marché se régule lui-même, la crise et la rigueur budgétaire, les paramètres qui font que le chômage ne fait que croître et à qui ça profite. Cette enquête les amène à évoquer de nombreux phénomènes historiques qui ont contraint la France, ou justifié ces choix : les accords de Bretton Woods, le lien entre les banques de dépôts et les banques d'affaires, la financiarisation de l'économie, la construction du Deutsch Mark, la conversion du patronat français à l'ouverture à la concurrence internationale, la désindexation des salaires du coût de la vie, la désinflation compétitive, le plan Marshall, le traité de Rome en 1957, la construction d'une monnaie unique en Europe, etc. Ils éclairent certains faits récents à l'aune de ces choix : le référendum de 2005, la crise financière de 2008, la crise grecque de 2009, les Gilets Jaunes. Afin d'expliquer tous ces choix, ils citent également des économistes et des conseillers en économie tels que John Maynard Keynes, Walter Lippman, Friedrich Hayek, Jean Monnet, Robert Marjolin, Ludwig Erhard. Enfin, ils soulignent l'importance des idées et des actions de Jacques Delors, Michel Camdessus (directeur du Trésor), Tomaso Pado-Schioppa. À quelques reprises, le lecteur peut souffler un peu, par exemple avec les spots publicitaires où Paul-Loup Sulitzer explique la libre concurrence.



Très rapidement, le lecteur constate la densité des informations et le fait que les chapitres sont thématiques, ce qui entraîne des va et vient chronologiques. À l'évidence, il ne s'agit pas d'une bande dessinée qui raconte une histoire, mais effectivement d'une enquête qui développe une thèse. Le titre est explicite : les responsables politiques ont fait le choix du chômage, et il s'agit d'une violence économique. En fonction de ses convictions, le lecteur peut souscrire à ce point de vue a priori, ou y être opposé : les auteurs sont transparents sur leur point de vue, et la manière dont ils présentent les faits. Le lecteur se rend vite compte des limites d'un tel ouvrage sous la forme d'une bande dessinée, mais aussi que ce format apporte à cet exposé. Bien souvent les auteurs exposent des faits historiques, des explications économiques, des avis d'experts, des prises de position d'élus et de leurs conseillers. C'est ce qui rend l'ouvrage dense, et ce qui rend compliqué la mise en images. L'artiste sait représenter les personnalités connues qui sont immédiatement reconnaissables. En fonction des passages, il met les intervenants en situation : à la tribune, dans leur fauteuil, en train d'écrire, en réunion, sur le terrain, dans leur bureau, chez eux. C'est le premier effet du format BD : montrer des individus prononçant ces propos, les rendre concrets, mais aussi de simples êtres humains. En outre, les auteurs se mettent en scène de manière chronique pour montrer leurs difficultés, ou un entretien, ce qui sert également à expliquer visuellement le travail qu'ils ont accompli, ce qui permet au lecteur de ressentir une forme d'empathie pour leurs efforts, et de mesurer l'énormité des décisions de simples êtres humains, engageant la vie quotidienne des citoyens d'une nation.



La narration visuelle ne se limite pas à des individus en train de discuter, d'expliquer ou de discourir. Tout au long de ces 277 pages, le dessinateur utilise de nombreuses mises en scène différentes : des schémas, des reproductions d'articles, des références culturelles comme Charlot dans le film Les temps Modernes, l'âne du parti démocrate, Marianne, un match de boxe, Tintin en train d'expliquer une leçon à de jeunes africains comme dans Tintin au Congo, la différence entre la carpe et le brochet, une étape du Tour de France, une scène de théâtre, l'aigle américain, un sorcier avec un chapeau pointu. Il représente également des événements historiques comme le général De Gaulle descendant les champs Élysées, ou la chute du Mur de Berlin. Le lecteur peut ne pas y prêter attention s'il est fortement concentré sur le texte : l'artiste change également de registre graphique pour des séquences particulières, passant d'un registre réaliste et descriptif, à un registre simplifié, ou de contours avec des traits encrés, à un rendu en nuances de gris. Cette variété et ces images permettent au lecteur de plus facilement fixer son attention, et d'associer un visuel à une séquence, ce qui la démarque mieux des autres et la rend plus facilement mémorable. Même si ce n'est pas forcément perceptible tellement les images sont subordonnées au texte, le travail du dessinateur est remarquable de bout en bout et apporte beaucoup au texte, à son animation, à sa clarté, à sa compréhension.



Quelles que soient les convictions et le niveau de connaissance du lecteur, cet ouvrage est remarquable. Il aborde des notions basiques telles que les 3% ou les différentes formes de libéralisme économique (La galaxie libérale : Adam Smith, Milto, Friedman, Friedrich Hayek & Ludwig von Mises, Walter Eucken & Wilhelm Röpke), et propose une logique de progression historique qui fait froid dans le dos. Sa structure est rigoureuse : par exemple, le lecteur a bien noté la distinction entre les banques de dépôts et les banques d'affaires faite à l'occasion de la crise de 1929 aux États-Unis, et il la retrouve à la fin de l'ouvrage, cette distinction prenant une tout autre ampleur. Le lecteur en ressort avec la sensation que l'avènement planétaire du néolibéralisme était inéluctable, et qu'il fut porté par les socialistes en France, ainsi qu'avec une vision claire du détricotage du programme du Conseil nationale de la Résistance. Après coup, il se rend compte du travail de narration visuelle, vivant et diversifié, un défi pour un ouvrage de cette nature.
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