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Critiques de Danièle Linhart (16)
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La petite bédéthèque des savoirs, tome 28 : Le ..

Il s'agit d'une bande dessinée de 56 pages, en couleurs. Elle est initialement parue en 2019, écrite par Danièle Linhart (sociologue, directrice de recherche au CNRS), mise en images par Zoé Thouron. Elle fait partie de la collection intitulée La petite bédéthèque des savoirs, éditée par Le Lombard. Cette collection s'est fixé comme but d'explorer le champ des sciences humaines et de la non-fiction. Elle regroupe donc des bandes dessinées didactiques, associant un spécialiste à un dessinateur professionnel, en proscrivant la forme du récit de fiction. Il s'agit donc d'une entreprise de vulgarisation sous une forme qui se veut ludique.



Cette bande dessinée se présente sous une forme assez petite, 13,9cm*19,6cm. Elle s'ouvre avec un avant-propos de David Vandermeulen de 4 pages, plus 2 notes. Il construit son introduction sur l'origine de l'utilisation du mot Burn Out, en partant de l'Akédéia des moines copistes, en passant par le séjour de Graham Greene (1904-1991) dans une léproserie à Yonda au Conga Belge, pour arriver dans une Free Clinic de New York dans les années 1970. Jacques (retraité) et une sociologue du travail (appelons-là Danièle) sont en train de prendre une bière en terrasse au café. Jacques indique que Matthias (son petit-fils) se prépare à passer un entretien d'évaluation à son travail. Il est surpris qu'il ne soit pas accompagné par un délégué du personnel, ou soutenu par ses collègues. Danièle lui explique que c'est normal : chaque salarié est évalué sur la base de ses objectifs individualisés, et parfois un salarier peut être le client d'un autre, comme sur une chaîne de production. Jacques se demande comment le monde du travail a pu évoluer comme ça. Danièle convient que la génération de Jacques avait fait très fort avec 3 semaines de grève généralisée. C'est d'ailleurs pour ça que le patronat a réagi.



La sociologue explique alors que la stratégie du patronat a été d'individualiser la gestion des salariés pour créer de la concurrence là où il y avait de la solidarité et de l'entraide. Jacques se souvient que de son temps, les ouvriers s'entraidaient, se refilaient les trucs et astuces, prenaient l'apéritif pendant le boulot, se voyaient en dehors du boulot, et se syndiquaient. Danièle souligne que c'est exactement que ça que le patronat voulait éliminer. Il a pu le faire en instaurant l'individualisation avec les horaires variables, donc des pauses prises à des horaires différents, des pauses déjeuner également en décalé, de la polyvalence permettant de faire tourner les agents au sein d'une équipe, et l'individualisation des primes, remettant en cause le principe de À travail égal, salaire égal. Du coup, le travail est devenu une épreuve solitaire où tout le monde est en concurrence avec tout le monde. Jacques se demande quel est le rapport avec le burn-out. Son téléphone sonne : Matthias rend compte de son entretien qui s'est très mal passé. Son manager s'est déclaré déçu qu'il ait juste rempli ses objectifs et qu'il n'en ait dépassé aucun.



Une fois n'est pas coutume, David Vandermeulen se contente d'une introduction assez brève portant l'origine du terme Burn-out, avec des exemples pris dans l'Histoire. Il remonte ainsi au troisième et quatrième siècle, puis passe tout de suite au vingtième siècle. Il indique dans l'une des notes en fin de texte qu'il a puisé ses informations dans l'ouvrage Global burn-out (2017) de Pascal Chabot. Malgré tout, cela permet d'indiquer que ce phénomène ne date pas de la deuxième moitié du vingtième siècle, et d'expliquer d'où vient le terme de Burn-out. Le lecteur passe ensuite à la bande dessinée proprement dite. Danièle Linhart a choisi un format classique pour son exposé : elle met en scène un avatar (la sociologue du travail) qui expose ses idées à un auditoire. Au début, celui-ci comprend une seule personne, un retraité, ce qui permet de repartir de mai 68 et de pratiques d'un autre temps. Elle intègre également Matthias (ingénieur) ce qui permet d'évoquer la pratique de l'évaluation personnelle, et Lise une infirmière en arrêt évoquant son angoisse de reprendre le travail. Il échoit donc à Zoé Thouron la tâche délicate d'introduire de la variété visuelle dans l'exposé ainsi présenté.



Zoé Thouron a déjà réalisé d'autres bandes dessinées entremêlant humour et vulgarisation comme Les improbablologies (2018). Ici elle est entièrement tributaire de l'exposé qui lui est remis, et du degré auquel l'autrice l'a pensé en termes visuels. Elle dessine des personnages juste dégrossis, avec des exagérations d'expressions à des fins comiques. Le lecteur peut reconnaître facilement les personnages. Elle prend le temps de donner des tenues vestimentaires différenciées : jupe, bottes et pull pour la sociologue, pantalon en velours, chemise et pull pour Jacques, costume cravate pour Matthias, robe, charentaise et tablier à fleur pour Lise chez elle, bleu de travail pour les ouvriers, blouses blanches pour les chercheurs. Le déroulé de l'exposé lui permet de se lâcher un peu avec l'apparition de personnages inattendus comme des parachutistes, un manager en short et chemise hawaïenne, des salariés sous substance psychoactive, une secrétaire proche de la retraite, ou encore une fée DRH. À chaque fois que l'exposé en laisse la latitude, l'artiste introduit un élément de décor : le tapis de la chaîne pour les boîtes de conserve, les banderoles des manifestants les oiseaux dans un jardin public, un cheval de Troie, une rampe à incendie et un toboggan, une chambre d'hôpital, des boulets. Les illustrations restent toutefois inféodées au texte et totalement tributaire de sa forme.



Au début, le texte de l'exposé proprement dit s'entremêle et interagit avec les réactions des personnages, que ce soit la discussion de Jacques et Danièle, ou les observations des ouvriers sur la chaîne de production. Arrivé à la page 47, la narration prend la forme du texte de l'exposé, entrecoupé par des échanges comiques entre les salariés concernés, ou entre syndicalistes, passant dans un registre moins intégré, moins interactif entre exposé et BD que précédemment. D'un côté, il et normal que l'exposé de vulgarisation ait la primauté du déroulé ; de l'autre côté plusieurs ouvrages de la collection reposent sur un mode narratif moins primaire. Pour autant, cela ne retire rien à la qualité de la vulgarisation et l'intérêt de l'exposé. Le lecteur observe même que la densité des phylactères et des encarts de texte ne ralentit pas le rythme de lecture. En outre l'exposé progresse de manière organique et claire. Danièle Linhart part des acquis de mai 68, et indique que le patronat a bien dû réagir pour éviter qu'un tel blocage ne se reproduise. Elle passe en revue les pratiques managériales, la psychologisation du travail, la narcissisation des salariés dont découle une servitude volontaire, la manière d'obtenir une implication personnelle, affective et émotionnelle, aux dépends de la professionnalité des salariés, la façon dont les évolutions perpétuelles et toujours plus rapides maintiennent tous les salariés et fonctionnaires dans un état d'apprentissage perpétuel. Plutôt que d'évoquer le burn-out de manière frontale, elle dresse l'évolution des conditions de travail sous un angle sociologique, de manière que le regard du lecteur soit différent et son esprit déjà informé pour en arriver au burn-out comme état généré par l'organisation du travail, une forme d'épuisement du travailleur ayant perdu sa confiance en lui et envisageant sa tâche comme un éternel recommencement du fait d'un environnement sans cesse changeant, rendant impossible espoir de terminer, ou de reprendre le dessus.



Tout du long de son exposé court la souffrance au travail, que ce soit l'absence de reconnaissance des compétences, des savoirs professionnels, de l'expérience. Elle présente l'évolution des pratiques managériales, la pratique du changement perpétuel, ainsi que l'évolution de la fonction Ressources Humaines, vers une perspective de s'arroger le droit de prendre en charge les difficultés de la vie privée des salariés. Le lecteur salarié ou employé reconnaît aisément certaines pratiques auxquelles il a pu être soumis : les gadgets ludiques, le management jouant sur l'affectif plutôt que sur les connaissances métier, la transposition de bonnes pratiques d'un secteur d'activité à un autre n'ayant aucun rapport avec le premier, l'obligation de s'impliquer pour rendre pertinents et intelligents des dispositifs pensés en dehors d'eux, voire même le saut à l'élastique pour assurer la cohésion, etc. Au fur et à mesure de la progression de l'exposé, il peut ne pas adhérer au principe sous-jacent qui veut que toutes ces évolutions aient été téléguidées par le patronat, une forme pernicieuse de complot global. Mais il se souvient aussi des compétences professionnelles de l'autrice, et la plupart des remarques fait mouche par rapport à sa propre expérience professionnelle. Cela l'amène à se poser d'autres questions, comme la manière dont les managers peuvent être eux-mêmes manager puisqu'ils connaissent toutes les ficelles, les trucs et astuces.



Zoé Thouron et Danièle Linhart n'évitent pas la difficulté inhérente à cet exercice de vulgarisation : elles utilisent un dispositif narratif basique mais qui n'aboutit pas toujours à une bande dessinée. Par contre, le discours de Danièle Linhart est passionnant de bout en bout et met en lumière les mécanismes du management contemporain, ce qui fait froid dans le dos, et permet de comprendre comment un salarié ou un employé peut arriver à un état de souffrance aussi insupportable, quand il doit veiller en permanence à faire l'usage de lui-même le plus efficace, le plus rentable quelles que soient les situations de travail de plus en plus incertaines et fluctuantes, en s'infligeant la philosophie d'économie systématique des temps et des coûts, et que le mode de management se montre bienveillant avec lui tant qu'il reste dans le cadre imposé. L'employé ne semble pas pouvoir mettre en scène des stratégies d'évitement face à des pratiques relevant de l'organisation et pas imputables à un ou plusieurs individus.
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La petite bédéthèque des savoirs, tome 28 : Le ..

J’ai été surprise par ce tome de la petit bédéthèque des savoirs car le titre est assez mensonger: on ne parle pas tellement du burn-out à part dans l’avant-propos mais des modifications intervenues dans l’organisation du travail récemment (il n’y a pas de dates et de comparaisons précises à part de temps en temps à l'avant mai 68).



J’ai trouvé le propos peu structuré et de mauvaise foi intellectuelle car l’auteur répond à une question sans l’expliciter, en prenant des exemples particuliers pour en faire des vérités générales et sans définir le périmètre de son étude. Parle-t-on du travail en général, des conditions de travail des ouvriers, des infirmières dans les hôpitaux…?



C’est dommage car ça décribilise le propos qui s’il avait été mieux présenté aurait pu me convaincre car plusieurs arguments sont très intéressants (l’autonomisation des employés a en fait produit de la concurrence et diminuer la solidarité entre collègues, l’obligation de vouloir toujours progresser force les gens à sortir toujours de leur zone de confort, pertes de sens lié au travail dans les hôpitaux quand le but est d’être rentable et qu’on ne donne plus la capacité aux gens de soigner les malades d’une façon en accord avec leur éthique…).



Ainsi si la flambée de burn-out peut sans dout être relié à une perte de solidarité dans nos sociétés, faire de cette perte de solidarité une volonté « de l’ombre » du patronat en réaction aux grèves générales de 68 me semble un peu simpliste. De façon générale, les propos sont intéressants mais présentés comme une seule vérité, sans quelque part une honnêteté intellectuelle de montrer les différentes voix ou théories qui ne cadrent pas avec celle de l’auteur.



Le titre aurait dû être « l’infantilisation des employés » ou « l’évolution du management » et pas « burn out » car on ne parle en fait pas du tout des différentes causes ou situations qui peuvent le produire, ou même des symptômes du burn out ou des chiffres actuels prouvant qu’on est bien devant un phénomène en expansion. En introduction, l’auteur rappelle qu’il y avait eu une prolifération d’épuisement dû au travail dans les monastères égyptiens au Vème siècle de notre ère mais à aucun moment ses propos suivants n’expliquent quelles similitudes on peut trouver dans justement le rapport au travail.



Bref, j’ai été déçue par cet ouvrage que j’ai trouvé trop partisan alors que certains aspects m’intéressent fortement.

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La comédie humaine du travail

interview sur Mediaprt
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La comédie humaine du travail

Cette étude sur le monde du travail est pertinente et pleine d'intérêt. L'auteur nous explique la philosophie qui a sous tendu la mise en place de l'organisation scientifique du travail. Il parvient à nous démontrer que, contrairement aux idées reçues, les idées de Taylor reste très présente actuellement, quoique sous des formes inédites. L'auteur insiste sur la dé professionnalisation volontaire des acteurs du travail et les techniques mises en place par le patronat pour y parvenir.

Ceci dit, le propos aurait mérité beaucoup plus d'illustrations, ce qui aurait permis de rendre la lecture moins difficile. Certains passages ne sont pas facile à appréhender. Par ailleurs, il aurait été intéressant d'avoir un aperçu des solutions à mettre en place pour éviter, ou limiter, l'individualisation forcené du travail. Un parallèle entre le monde du travail et celui de la consommation et des sociétés développées aurait du être fait, la situation actuelle du travail étant étant du également à la société de consommation actuelle. Bref le propos reste assez confiné, et cela se traduit d'ailleurs par de nombreuses redites. Il reste également à charge, faisant fi des salariés qui s'épanouissent dans le travail (j'ose espérer qu'il y en a)
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La comédie humaine du travail

Essai très intéressant que j'ai lu à l'issue d'un stage syndical, une mise en perspective historique très éclairante pour comprendre le New Management qui sévit à notre époque dans tous les métiers.



De la déshumanisation taylorienne à la sur-humanisation managériale



Danièle Linhart est sociologue, directrice de recherches émérite au CNRS, membre du laboratoire GTM-CRESPPA UMR-CNRS-Universités de Paris 8 et Paris 10. Elle a publié de nombreux livres dont La comédie humaine du travail (2015), Perte d’emploi, perte de soi (érès 2002, rééd. 2009), Pourquoi travaillons-nous ? (érès, 2008), Travailler sans les autres ? (Le Seuil, 2009), La modernisation des entreprises (La découverte 1994, rééd. 2010).



Danièle Linhart analyse les principes qui sont au fondement des modèles d’organisation technique du travail, qu’ils soient taylorien ou contemporain et elle met en évidence qu’il y a de nombreux points communs entre la deshumanisation taylorienne au travail et la sur-humanisation contemporaine.

Dans les ateliers et sur les chaînes de montage taylorien, c’est la deshumanisation qui prévalait. Nous avons tous en mémoire le film de Charlie Chaplin qui reflète cette image douloureuse de l’homme robotisé.

Taylor (1856-1915), ingénieur américain a mis au point une organisation scientifique du travail . Avant Taylor, les ouvriers concevaient eux-mêmes leurs méthodes de travail mais selon lui, ils flânaient systématiquement et la productivité était médiocre. Il décide d’instaurer une double division du travail: une division verticale du travail (les ingénieurs conçoivent, le ouvriers exécutent) et une division horizontale du travail qui vise à créer des postes de travail où chacun fera une tâche particulière. Et c’est Ford , dix ans plus tard qui théorisera le travail à la chaîne.

Certes, les gains de productivité augmentent, les ouvriers voient leur rémunération fortement augmenter. Cependant, la contrepartie de ces progrès pour les ouvriers consiste en la dépossession de leur expertise, désormais réservée aux ingénieurs. L’ouvrier n’est pas là pour penser, mais pour exécuter des gestes savamment calculés pour lui. Il est encouragé à être performant par un système de primes. Tout travail intellectuel doit être éliminé de l’atelier pour être concentré dans les bureaux des méthodes. C’est la déshumanisation…

Quels liens peut-on faire entre le Taylorisme et le management moderne ?

A priori, on pourrait croire que ces deux visions du travail sont opposées car le nouveau management rejette cette vision passéiste de l’organisation du travail qui abrutit. Ce que le manager contemporain demande à son salarié, c’est être productif, pour cela il faut prendre des risques (savoir sortir de sa zone de confort) se dépasser. Le management moderne demande au salarié de s’engager corps et âme dans l’entreprise, sous une apparence paternaliste, il faut que les dirigeants parlent plus avec leurs salariés, soient proches d’eux, les appellent par leurs prénoms, n’oublient pas de leur serrer la main.La croyance du new management est qu’on travaille mieux sous pression , on est plus productif, donc pour supporter, cette pression, il faut la transformer en une attitude positive et confiante. Certains dirigeants peuvent aussi faire preuve de sollicitude et octroyer à leus salariés un capital temps pour s’investir dans des oeuvres sociales ou actions humanitaires, c’est une manière de gérer l’orientation altruiste des salariés. il faut la transformer en il convoque les émotions , la vie personnelle du salarié, l’épanouissement personnel pour être au service de l’entreprise.Le management moderne joue sur le registre personnel des salariés, en véritable anthropreneur. C’est la sur-humanisation…

Qu'entend t-on par "souffrance au travail" ? 
Les citoyens français considèrent le travail comme une préoccupation fondamentale, or on met à mal leur professionnalité par des changements incessants et la généralisation de pratiques gestionnaires inadaptées à leur travail. Et si vous n’y arrivez pas, on vous dit qu’il faut s’adapter à ce monde qui change tout le temps. Le salarié ne peut plus se fier à l’expérience qu’il a acquise, aux compétences qu’il s’est forgées. Il doit s’en remettre aux indicateurs, aux procédures, aux bonnes pratiques fournies par le système.Etre traité d’ « archaïque » , c’est remettre en cause notre insertion dans la société, notre utilité. En étant ainsi disqualifié, non seulement cela destabilise le salarié mais désamorce en lui toute tentative d’analyse critique de son travail.d’ailleurs, la France est un pays où l'on consomme beaucoup de psychotropes , de tranquillisants , le niveau de suicides est important en France. En France, on pense que quand on a du travail, on n'a pas lieu de se plaindre, "les chômeurs sont des fainéants", " ils le veulent bien.". Ces idées-là caractérisent la France.

On souffrait moins avant ? Les conditions de travail étaient-elles meilleures avant ?

Non. Une des explications: l'individualisation, avant c'étaient les collectifs qui prenaient en charge les souffrances au travail, avant il y avait plus de solidarité. On analysait la situation en disant que c'était la faute du patron , maintenant les travailleurs culpabilisent , comme si c'était eux qui n'étaient pas capables de faire le travail demandé. L'impression immense de souffrance est ressentie plus personnellement, donc plus intensément.



Il faut analyser le new management pour mieux le combattre

1) Il faut dépouiller les salariés de leur expérience professionnelle

D’où les changements perpétuels dans les services qui se restructurent sans cesse, changement de logiciels, changements de programme, le salarié ne comprend plus rien. C’est comme s’il était en apprentissage continuel. Ces pratiques transforment les travailleurs en personnes dépendantes dépossédées de leurs compétences, comme si les savoirs, connaissances, expériences étaient des obstacles.

2) Mettre les gens en concurrence en individualisant le travail

Le manager le temps de travail peut devenir variable en fonction des individus. On peut avoir des primes individuelles , des tâches adaptées, bref donner un salaire adapté à l’effort, à l’implication de chacun. Cela va entraîner la concurrence entre collègues, il va y avoir du stress dans les entretiens individuels avec la hiérarchie qui va fixer des objectifs personnels au salarié. Le but est de mettre en difficulté les collectifs.

3) Convaincre le salarié qui devient le relais consentant de cette idéologie

On le persuade qu’il existe de bonnes pratiques, une organisation scientifique du travail efficace quel que soit le métier. Le manager moderne va privilégier les jeunes salariés qui sont plus susceptibles d’adhérer à l’idélogie managériale moderniste car avides de nouveaux défis, de changements, mais aussi les cadres qui vont vouloir s’inscrire dans une logique individualiste de progression professionnelle.

4) Précariser le salarié

Mais l’implication des salariés a ses limites et trop de pression les conduit à un échec, à l’impuissance. Ils se sentent abandonnés. Alors qu’on leur faisait croire qu’ils étaient précisément au centre des préoccupations mangériales, que l’entreprise s’intéressait non seulement à leurs compétences mais aussi à leur personne, voilà qu’ils n’interessent plus personne. On crée en eux une précarisation subjective, ils doivent se débrouiller pour organiser leur propre travail avec toujours moins ( c’est le lean management de lean voulant dire maigre, sans gras…), moins d’effectifs, moins de budget, moins de délais, moins d’erreurs, moins de stocks… Cela destabilise le salarié qui se rabat sur les procédures, les méthodes standard, comme sur une bouée de sauvetage.

Le travail est un enjeu politique et idéologique

A travers le travail, on essaie de changer les mentalités: le travail devient un corps à corps solitaire,ce n'est plus une occupation émancipatrice, une expérience collective, il y a une dénaturation du travail. C'est toujours « au client » que le travail doit obéir. Par exemple, on vous fait renoncer à vos principes au nom de la survie du service public, c'est cela qui est pervers. Ce nouveau modèle mangérial n’hésite pas à utiliser les possibilités spectaculaires des nouvelles technologies pour intensifier et contrôler le travail de ses salariés.

Solution pour combattre le new management et moins souffrir: le collectif

Il faut se réapproprier le travail, que les salariés soient prêts à débattre, à confronter leurs idées pour se convaincre qu’ils peuvent à leurs niveaux contribuer efficacement à faire évoluer les méthodes de travail et à innover et qu’on doit les reconnaitre comme de vrais professionnels dignes de confiance
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La petite bédéthèque des savoirs, tome 28 : Le ..

Voici une BD intelligente, qui est très instructive sur l'évolution du travail depuis mai 68 et ses effets sur les salariés. L'idée d'associer une experte et une illustratrice donne à l'album sa caution scientifique tout en expliquant de manière ludique ! Les illustrations sont colorées et agréables, et portent avec beaucoup d'humour le propos du livre. Je suis très contente d'avoir pu découvrir une BD de cette collection... et j'ai déjà repéré certains autres titres qui me font de l'oeil !
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Perte d'emploi, perte de soi

En 1993, l'usine de montage automobile Chausson de Creil (Oise) est touchée par un plan social : plus d'un millier d'emplois – sur les 2 500 du site – sont supprimés, prétendument au nom de la compétitivité. L'année suivante, près d'un demi-millier de salariés prennent à leur tour la porte. Et, en 1996, c'est l'usine entière qui ferme définitivement ses portes...



Trois ans après, à l'initiative d'un expert en gestion auprès des comités d'entreprise et de Bernard Masséra, ancien secrétaire (CFDT) du CCE, une enquête est réalisée, visant à « démontrer aux décideurs politiques qu'on pouvait reclasser dans de bonnes conditions » et à moindre coût pour les deniers publics. Les initiateurs de cette enquête, désireux de « valider (le dernier) plan social qu'ils considéraient comme exemplaire (et) pressentant que des dimensions plus sociales devaient être prises en considération », s'adjoignent les services d'une équipe de quatre sociologues, qui vont réaliser des entretiens avec plus d'une centaine de personnes qui ont vécu la fermeture de leur usine. « Mais, au lieu de leçons d'exemplarités et de recettes à suivre, (les sociologues découvrent) des vies brisées, des souffrances encore présentes trois ans après, une population profondément meurtrie et à l'identité blessée » : pour le syndicaliste précité, c'est une révélation : « il n'imaginait pas que des salariés qui avaient bénéficié d'un si bon plan puissent en sortir traumatisés à ce point ». Cependant, « avide de comprendre, de découvrir cette partie de la réalité si décisive pour les salariés et qu'il n'avait pu percevoir alors qu'il était pris dans la logique de la confrontation, puis de la négociation, avec la direction, (il va) encourager (les sociologues) à aller jusqu'au bout de (leurs) analyses ».



Des analyses, rigoureuses mais d'un accès facile, on en trouvera donc dans cet ouvrage qui décortique le drame des « Chausson » ; mais elles sont entremêlées, et surtout nourries, des témoignages – toujours édifiants, et parfois poignants – des ex-salariés, et c'est ce qui rend passionnant « ce document qui se lit comme un roman ».



La force de cet ouvrage réside donc d'abord dans son origine, c'est-à-dire dans les réflexions des salariés ; en effet, quel qu'ait pu être le positionnement de ces derniers avant la fermeture de « leur » usine (résignation, alliance avec la direction, combat individuel, action collective), ils ont eu ensuite tout le temps de réfléchir au déroulement des événements, à leur attitude passée, ainsi qu'à leur situation au moment des entretiens avec les sociologues : leur parole n'en a donc que plus de force, et, mise en perspective par les auteurs, elle permet de saisir toute l'ampleur du drame.



Au-delà de la fermeture de cette usine – programmée en fait dans le secret dès 1991... – la lecture de ce livre se révélera riche d'enseignements pour tous ceux qui s'intéressent aux « procédures massives de licenciement ou de fermeture (qui) sonnent comme autant de dévalorisations publiques de la compétence et des capacités d'adaptation des salariés. Ils ne perdent pas seulement leur emploi, leurs projets, leurs repères, l'assurance d'une vie maîtrisée, mais ils perdent aussi leur dignité de travailleurs, leur estime de soi, leur sentiment d'utilité, celui d'être à leur place dans la société ».



Ce que cette enquête sociologique met en évidence, c'est qu'une « fermeture ou des licenciements ne constituent pas seulement des faits quantifiables (nombre d'emplois perdus, nombre de personnes reclassées et mises en préretraite, etc). Ils représentent pour les personnes concernées autant d'épreuves, de ruptures, de traumatismes, de pertes dont on n'a pas toujours conscience (…). Ce livre a pour ambition de faire le lien, précisément, entre des faits d'ordre économique, industriel, et les événements d'ordre individuel, personnel, qu'ils induisent. Parce que c'est un lien qui n'est que trop oublié alors que, paradoxalement, toutes les politiques modernisatrices misent sur l'individualisation à outrance ».



Vingt ans ans après la fermeture de l'usine Chausson, PERTE D'EMPLOI, PERTE DE SOI demeure plus que jamais d'actualité ; cet ouvrage salutaire et indispensable mérite l'intérêt du plus grand nombre.
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Travailler sans les autres ?

Difficile, impossible même, de résumer en quelques lignes cet excellent livre de la sociologue Danièle Linhart. Changer le rapport au travail, moderniser, pourquoi pas, mais à quel prix…? Ce que je retire comme impression, c'est que peu-à-peu, sous prétexte de pure rentabilité, on gomme un point essentiel dans l'action de travailler, le plaisir. Ou, plus simplement l'envie de travailler. Pour le travailleur indépendant qui s'active chez lui, la charge de travail, les coups d'accélération pour terminer les missions en temps et en heure n'ont pas encore entamé cela. Mais je bosse de manière autonome avec des process et des outils que je fais évoluer en fonction des problèmes que je rencontre. Enfin je bosse chez moi, dans un cadre qui j'ai choisi et que je continue à construire. Bref, mes conditions de travail sans les autres sont, pour le moment, encore différentes.



Ce livre a été une excellente occasion de me replonger dans des univers que j'ai rencontrés dans une vie antérieure, une époque où je bossais comme intérimaire dans des entreprises qui m'employaient pour des durées déterminées. Et par extension, dans des réalités que je n'ai pas toujours croisées mais avec lesquelles je me sens en phase, tant par mon expérience personnelle que par des échanges avec des anciens ou des gens de rencontre, par mes lectures. Je suis pourtant rentré à reculons dans ce texte avant d'y retrouver des points de convergence. Ceux qui éclairent en partie les faits que nous retrouvons dans les informations télévisuelles.
Lien : http://www.urbanbike.com/ind..
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La petite bédéthèque des savoirs, tome 28 : Le ..

J’ai beaucoup aimé cette petite BD synthétique qui met précisément le doigt sur les ressorts organisationnels qui conduisent bon nombre de personnes au burn-out avec des arguments que je n’ai pas retrouvé ailleurs. C’est très bien écrit et, comme toujours avec cette collection, l’humour n’est pas en reste.
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Perte d'emploi, perte de soi

Témoignage très instructif et très touchant. Une analyse de notre relation au travail.
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Pourquoi travaillons-nous ?

Je dois avouer que l’angle choisi par Danièle Linhart dans son introduction « Que fait le travail aux salariés ? Que font les salariés du travail ? Point de vue sociologique sur la subjectivité», ne me convainc pas totalement. Et je suis dubitatif face à cette sociologie de la subjectivité.



« Il ne s’agit pas seulement de dire que l’entreprise mord sur la vie privée en exigeant disponibilité, flexibilité, mobilité, actualisation permanentes des compétences, en s’emparant des esprits par les responsabilités imposées et souvent difficiles à assumer. Il s’agit ici de mettre en évidence que l’entreprise fait écran à la société et à ses exigences, en cherchant à proposer à ses salariés les clefs personnelles, narcissiques d’une réalisation en osmose avec ses propres exigences de rationalité, de philosophie et de culture. C’est ainsi que doit être perçue cette porosité entre vie privée et vie professionnelle. »



Pourtant, l’articulation entre le dedans et le dehors, est un utile objet de recherches et de discussions. Par ailleurs, la séparation, historiquement construite, entre privé et public est une question éminemment politique.



Quoiqu’il en soit, ces points de vue n’invalident pas l’intérêt des enquêtes de terrain présentées dans ce livre, large panorama d’engagements au travail, mais source de connaissances indispensables sur « ce que la personne mobilise d’elle-même, le sens (individuel et collectif) qu’elle y met, en fonction des conditions de sa mise au travail (organisation du travail et modes de mobilisation managériales), en fonction de son histoire personnelle, et de sa place spécifique dans la société, en fonction des enjeux que représente le travail pour cette société, constitue le fil rouge qui court dans toutes les contributions de cet ouvrage. »



La première partie de l’ouvrage « Travail et validation de soi : un contrat social » présente trois enquêtes.



Fabrice Guilbaud « Quand le travail libère les hommes » étudie le travail des détenus (dont l’autre face reste un salariat atypique puisque non relié au droit du travail) et particulièrement leur perception du salaire aux pièces.



Annie Dussuet « Genre et mobilisation de la subjectivité au travail, l’exemple des services à domicile aux personnes âgées » fait ressortir l’enjeu permanent pour que ce travail soit reconnu comme salarié (travail marchand) et non comme extension du travail domestique. Pour les salariées concernées, la compassion, l’engagement subjectif tend à rendre ce travail invisible.



« Les ressorts du ressentiment » Sacha Leduc traite, dans cette étude sur des agents de la Caisse primaire d’assurance maladie et de leurs réactions à la CMU, du contrôle des usagers, de la légitimité d’un droit social et des évolutions du travail.



Dans la seconde partie du livre « Controverses », je souligne la remarquable étude de Sabine Fortino « La mise à distance des pauvres. Gestion de la précarité, effacement de la subjectivité et résistances » sur la fourniture d’énergie entre 1985 (prémices du tournant commercial de l’entreprise et premières étapes de la mise en place d’une politique spécifique) et 2004 (changement de statut juridique, entrée en bourse).



Cette étude est complétée par une analyse de l’intensification du travail comme atteint à l’éthique professionnelle des travailleurs sociaux (Jean Philippe Melchior) qui aurait gagné à une prise en compte de la dimension sexuée de ces salarié-e-s.



Danièle Linhart étudie le « Paradigme perdu du fonctionnaire d’État » avec les effets de la décentralisation du ministère de l’équipement.



Les contributions de la troisième partie « Subjectivités en travail » éclairent « les possibles remodelages subjectifs opérés par les modes de mises au travail ».



Le texte de Brahim Labari « L’encensement au travail. Référents religieux et profane dans l’expression des subjectivités au travail des ouvrières marocaines » analyse les « modalités de résistance identitaire à une autorité managériale perçue comme étrangère et coloniale » au sein d’entreprises françaises du secteur de l’habillement au Maroc.



Hélène Carderon mène son enquête sur l’appropriation par des ouvrières du travail de nuit dans l’industrie laitière. L’auteure fait ressortir les conséquences en termes d’autonomie et de mise en cause de la « condition féminine ».



José Angel Caldéron décrit les pratiques et les constructions différenciées, de celle de leurs ainés, de jeunes intérimaires catalans sur une chaine de montage automobile. Leur socialisation professionnelle est à mettre en relation avec la « durée limitée de leur séjour au poste de travail » ce qui entraine une distance au collectif.



Dans le dernier chapitre, Isabelle Bertaux-Wiame aborde « la question des interactions entre l’engagement dans la vie de travail et l’engagement au sein du couple » dans une étude sur la mobilité des cadres du secteur bancaire.



Dans sa conclusion Danièle Linhart insiste sur les multiples conséquences de la précarité au travail.



Un ouvrage passionnant mais dont les études ne peuvent fonctionner seules. Toute approche réduite aux subjectivités, pour éclairante soit-elle, me semble largement insuffisante à rendre compte du travail dans l’organisation capitaliste de la société. A l’inverse, en oubliant d’analyser les différentes modalités pratiques d’insertion au travail, on se priverait de puissants leviers pour agir.
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Perte d'emploi, perte de soi

Le récit de la fermeture programmée de l'usine Chausson de Creil, décidée en 1991 et exécutée entre 1993 et 1996, en dépit des résultats économiques de l'entreprise, est analysé dans une perspective de sociologie du travail et surtout de psychologie individuelle et de groupe, s'appuyant sur un corpus fourni d'entretiens réalisés avec les ouvriers licenciés quelques années après la suppression de leur emploi.

L'accent est posé sur la souffrance subie, par la destruction du lien social outre que par la précarisation, nonobstant l'aspect matériel (le dernier plan social avait été négocié dans des conditions étonnamment favorables, sans doute inconcevables aujourd'hui, vingt ans plus tard).



Questions méritant réflexion :

- Malgré le milieu de travail fordiste en usine, la démotivation disparaît dès lors que la menace du chômage et de la précarité de masse est brandie ; la condition psychologique nécessaire à la démotivation est qu'elle ne soit pas subie, et que le cadre de vie soit organisé en conséquence ;

- En 2002 (année de publication de cet ouvrage), la tendance dominante des psychologues du travail représentée ici penchait encore vers "la plus-value subjective que dégage le travail" en termes de "qualité du lien social", et les remises en question de Dominique Méda (1995) et d'André Gorz (1988), "la fin de la valeur travail" pouvaient encore être balayées d'un revers de main comme : "un débat [...] particulièrement inapproprié [sic]" (p. 20).

- Si la littérature et la pratique managériale a toujours conservé une grande part de contradiction sur le taylorisme, peut-être depuis son application de mauvaise foi par Henry Ford, jusqu'à son épigone qu'est le "modèle Toyota", l'exaltation de la subjectivité, de l'éthique du travailleur, bref la motivation est mobilisée à grand renfort de chartes éthiques, règles de vie, projets d'entreprises non sans faire usage de penseurs classiques (Montaigne, Socrate, Tocqueville) : ces "dispositifs participatifs" constituent même "une véritable bataille identitaire engagée en France depuis le début des années 1980" (p. 30).

Aussi, la décompensation psychologique devient-elle d'autant plus brutale lorsque l'employé est confronté à l'imposture de l'asymétrie entre son engagement vis-à-vis du travail et celui de l'actionnariat à détruire ce dernier (souvent par le truchement de la ruse du management).



En tout cas, pour revenir à la centralité de la motivation (à la puissance de la démotivation) une cit. de P. Veltz (ex: L'autonomie dans les organisations : quoi de neuf ?, L'Harmattan, 1999) :

"Pour bien fonctionner, ces schémas d'organisation ont besoin non seulement d'acteurs rationnels mais d'acteurs vertueux. Autrement dit, l'efficacité technico-économique du modèle repose largement sur des comportements, individuels et collectifs, tels que l'honnêteté, la loyauté, la capacité d'établir et de maintenir la confiance, l'aptitude à entrer dans des dialogues et des coopérations partiellement désintéressés."



Il me semble qu'un facteur générationnel ou conjoncturel pourrait faire évoluer le système, passé un seuil de démotivation qui ne permettrait plus de réunir ces conditions nécessaires... Et Méda et Gorz auraient donc raison !
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Le travail nous est compté

Sous le capitalisme, les salarié-e-s vendent leur force de travail. Cette force, utilisée dans ce cadre à la fois particulier et historiquement situé, produira des richesses supérieures à son coût initial (grosso modo, le coût de sa reproduction). Les modalités concrètes de cette extorsion de plus-value (pour utiliser le vocabulaire de la critique de l’économie politique) ne sont pas fixes. Les étudier, analyser les mutations, les remodelages et les adaptations du travail permet de comprendre le fonctionnement concret du système et sa perdurance dynamique.



L’enjeu constant pour les salarié-e-s n’est pas simplement de défendre une meilleure répartition des richesses mais aussi de peser sur les organisations concrètes du travail afin d’en limiter les pénibilités tant physiques que morales. Ce livre permet de comparer des évolutions dans différents pays et branches industrielles.



Danièle Linhart part de la nature particulière du contrat de travail. « L’employeur achète quelque chose qu’il ne peut s’approprier totalement et qui lui échappe par nature. Le temps ainsi que les capacités physiques et cognitives qu’il achète ne peuvent être dissociés de la personne qui les fait exister. Ils ne peuvent être totalement extériorisés, totalement neutralisés . Le salarié conserve un type de contrôle qui échappe à l’emprise de l’employeur, à la mise en œuvre du savoir organisationnel et productif qu’il impose »



Les différentes études présentées montrent des transformations du cadre de travail formaté par la logique taylorienne et un élargissement, hors du bureau ou de l’atelier, de la mobilisation de la force de travail. Le temps privé est partiellement envahi. Le patronat requiert aujourd’hui des compétences, dont les définitions même, rendent floues les frontières entre temps de travail et temps libre (disponibilité, esprit d’entreprise, continuité du service au client, etc.).



Rendre public, exposer et analyser ces procès de travail, permet de les dénaturaliser.



Les exemples de transformation de métiers présentés dans ce livre sont du plus grand intérêt. Les premières études sont centrées autour de la construction de nouvelles normes de travail : intensification du travail dans l’industrie française de 1945 aux années soixante, passage du chronomètre au temps « décomposé » dans les usines Peugeot puis fixation de « temps-objectifs » par groupe d’ouvriers. Les analyses ne sont pas limitées à la France. Les recherches sur les transformations dans une usine moscovite de roulements à billes et dans une aciérie en ex RDA, éclairent le développement d’un nouveau capitalisme. Le dernier exemple choisi, mise en place de plateaux téléphoniques dans les services financiers est particulièrement représentatif des nouveaux procès de travail au « service » de la clientèle.



Les contraintes dites techniques servent souvent de prétexte aux modernisations, à l’exacerbation du temps normé. Quelques études illustrent ces dimensions, dans la seconde partie du livre. Les productions à flux tendus sont à l’origine des « parcs fournisseurs» et de la dégradation des conditions de travail chez les sous-traitants des usines automobiles. Le développement et les nouvelles régulations des acheminements des marchandises ont profondément transformé le secteur des transports routiers.



L’étude sur l’utilisation des normes sanitaires dans un abattoir pour la transformation des contraintes est saisissante. Enfin les études suivantes me semblent illustratives de la mobilisation des temps « subjectifs » : fonctionnement des centres d’appels téléphoniques centré sur la relation client, implication du management dans la restauration rapide (cas de McDonald’s), nouvelles manières de travailler dans une agence bancaire de Moscou.



Le livre se termine par une étude originale sur les techniciens conseils des Caisse d’Allocation Familiales et des réflexions sur le temps dans l’hôpital aujourd’hui.



Il me semble important de souligner quelques points mis en avant : adaptation des gestions dans les différents secteurs avec, entre autres, les gommages des différences entre secteur public et privé, standardisation et homogénéisation des situations de travail entre services et industries, enfin centralité des relations dites commerciales.



Les souffrances engendrées par ces nouvelles organisations du temps au travail, sont renforcées par le débordement dans la vie privée de ces nouvelles normes de travail. Cet envahissement accroît le sentiment d’impuissance. En absence de réponses collectives, il renforce les processus d’individualisation.



Ces différentes études intéresseront toutes celles et ceux, militant-e-s syndicaux et politiques pour qui l’ordre de ce monde n’est ni naturel ni un horizon borné.
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La petite bédéthèque des savoirs, tome 28 : Le ..

BD documentaire écrite par une sociologue, spécialiste des questions du travail. Les effets pervers des politiques managériales actuelles sont très bien relatés. Cette BD est très instructive notamment sur l’évolution des méthodes de management depuis mai 68 et sur les mécanismes mis en œuvre pour rendre les salariés de plus en plus dociles. En revanche, Elle n’aborde pas en profondeur ce qu’est le burn-out. Le dessin de Zoé Thouron vulgarisé le propos avec une pointe d’humour plus ou moins adapté.
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La petite bédéthèque des savoirs, tome 28 : Le ..

Le Lombard a eu une idée très ingénieuse en créant la collection "La Petite Bédéthèque des Savoirs". L'objectif est de faire travailler un dessinateur avec un spécialiste qu'il ou elle soit archéologue, historien.ne, théologien.ne, géographe... Le duo propose de vulgariser un domaine pour que tout à chacun.ne puisse s'approprier un thème. Une approche avec un récit de fiction comme dans ce tome où deux personnes d'une même famille prennent un verre et entame une discussion avec le burn-out que subissent de plus en plus de gens. L'avant-propos se fait toujours par le directeur de collection, David Vandermeulen qui parle des origines du mot devenu très courant dans la langue française. Une préparation aux explication à ce phénomène. D'ailleurs, c'est la mère, sociologue du travail, qui va donner l'historique de la construction professionnelle qui vise à créer le mal être chez le collaborateur en l'isolant et en lui faisant perdre le sens du travail. Un choix pas très unique pour servir au mieux la productivité à tout prix. Derrière ces mots se cache Danièle Linhart, sociologue, qui partage son analyse très bien argumentée. En effet, ce n'est ni très joyeux ni très optimiste. Et toute ressemblance avec une situation que vous avez vécu n'est absolument pas fortuite. Zoé Thouron apporte du dynamisme et de l'humour à ce récit d'une soixantaine de pages. Par contre, cela permet de mieux comprendre le système pour essayer de mieux le détourner ou s'y opposer. Les nouveaux systèmes de management incitent à faire travailler toujours plus les gens, sans véritable collaboration et en débordant sans scrupule sur la limite entre vie personnelle et vie professionnelle. La sécurité sociale calcule les arrêts maladies qui n'arrêtent pas d'augmenter. L'addition humaine à la fin reste peu réjouissante avec la dépression, les burn-out jusqu'au suicide sur le lieu de travail. Jusqu'à quand ces systèmes vont-ils rester une norme, d'autant plus qu'ils s'appliquent aussi bien à l'hôpital ou à l'armée? On termine la bd avec une amertume assez dense car la possibilité d'y échapper ou y réchapper semble bien difficile. Toutefois on ne laisse pas le lecteur ainsi, on lui propose une bibliographie avec aussi bien des essais que des bandes dessinées. Aucun doute que l'on poursuivra notre découverte pour mieux comprendre et mieux s'en préserver.
Lien : https://22h05ruedesdames.com..
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La comédie humaine du travail

Pour comprendre la souffrance qui infuse dans les open spaces fleuris d’aujourd’hui, alors que jamais on ne s’est tant soucié de bien-être au travail, le nouveau livre de Danièle Linhart, « la Comédie humaine au travail», est d’un recours précieux.
Lien : http://rss.nouvelobs.com/c/3..
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