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Critiques de David Park (51)
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Voyage en territoire inconnu

Irlande du nord, Belfast.

Tom est photographe, marié à Lorna. Ils ont deux enfants, Luke et Lilly. Luke est étudiant en Angleterre, à Sunderland.

On approche Noël. La neige a bloqué routes et aéroports. Luke est malade et seul et n'arrive pas à rentrer à la maison. le père va chercher son fils en voiture.

Un voyage au coeur de l'hiver, un voyage au coeur de la vie, de sa propre vie,

Dans ma profession , beaucoup de photos de mariage, de fêtes de famille ou d'autres occasions festives, que des beaux couples heureux, des visages souriants figés sur l'image. Des photos qui promettent le bonheur éternel, même en cas de tragédie…..

Luke , « …je ne l'ai pas étreint, car on y va jamais aussi loin »….

La photo en noir et blanc avec ma mère, père absent….

« Ce sera le premier Noël donc ce ne sera pas facile…. »???…

Et dans le fond la voix persistante de Daniel…Daniel ? « M'as-tu jamais dit que tu m'aimais ? ». Il apparaît, il disparaît, il est partout…



Le titre de la v.o. est «  Travelling to a strange land », strange traduit en français par « inconnu » ici n'est pas exacte. le passage dans le livre « I'm travelling in a strange land. The world outside the car is snowbound, utterly changed – so much snow that everywhere looks deeply buried. » correspond au voyage de Tom dans un pays sous la neige où tout a été enseveli. L'image de cette vue sans repères , étrange, se double d'une autre, nouvelle, visuelle uniquement à travers le rêve de l'imagination, impossible à décrire avec les mots. Cette nouvelle image d'un monde étrange est son monde intérieur qui se déroule à travers ce voyage blanc. Il peine à l'atteindre car ses sens sont figés, congelés. Et Daniel ? Fait-il part de ce monde intérieur ou est-il enfermé à l'extérieur ? La neige a tout recouvert, mais lui il n'est plus sûr s'il peut continuer à LE tenir recouvert . Il a peur de ne pas avoir assez de force intérieur pour continuer à LE maintenir caché et peur de LE révéler malgré lui, au mauvais moment à sa femme. Il aimerait tellement être enseveli lui-même sous cette neige et tout oublier…..ou au contraire ne vaudrait-il pas mieux pour lui d'ensevelir ses erreurs, ses regrets et tout ce qui est nocif en lui auquel il a laissé libre cours ?





Un livre qui semble simple comme histoire, psychologiquement complexe, dont la trame se dévoile très lentement. David Park arrive à coucher sur papier des sensations qu'on éprouve naturellement mais restent dans l'inconscient . Et même si on en prend conscience, on ne les prend que rarement en considération bien qu'elles sont des facteurs déterminants de nos humeurs, nos états d'âme, des conditions psychiques malheureusement non éphémères.



Waouh ! Un texte poignant , très dense mais très explicite, d'une prose cristalline et précise sur les relations familiales complexes, la mémoire, les regrets et l'amour. Un auteur irlandais découvert encore une fois grâce à Laurence ( @diablotin0), merci.

J'ai adoré !





« Things are more complicated than choosing between what I think is right and what I don't know is wrong. »

Les choses sont plus compliquées que choisir entre ce que je pense que c'est juste et ce que je ne sais pas que c'est mal.
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Voyage en territoire inconnu

Alors qu’une tempête de neige cloue les avions au sol dans tout le Royaume-Uni, Tom abandonne son épouse et sa fille aux préparatifs des toutes proches fêtes de Noël pour aller chercher son fils Luke, coincé avec la grippe dans son logement d’étudiant à Sunderland, dans le nord de l’Angleterre. Parti en voiture de Belfast, il prend le ferry vers l’Ecosse, puis à nouveau la route pour quelque trois cents kilomètres jusqu’à sa destination située sur la côte opposée, près de Newcastle.





L’enneigement des voies de circulation complique considérablement le périple, et même s’il progresse très lentement, il faut au conducteur toute sa vigilance pour faire face aux embûches qui jalonnent son trajet. Après plusieurs faux départs en raison d’une côte d’abord infranchissable, c’est avec une certaine inquiétude, partagée par l’épouse restée à domicile et dont les réguliers appels téléphoniques semblent bientôt l’unique lien avec la vie et la normalité, que l’on se retrouve seul avec Tom, à ne compter que sur soi-même pour affronter l’hostilité blanche dans laquelle le monde, déréglé par le réchauffement climatique, semble avoir sombré.





Pourtant, tandis que la réalité extérieure paraît s’être dissoute dans une nébuleuse de blancheur impalpable, c’est insensiblement à une toute autre confrontation, intérieure celle-là, que Tom se retrouve exposé. Sur l’écran immaculé et uniformisé du paysage, viennent s’imprimer des images invasives, irrépressible résurgence d’une douleur mal enfouie liée à un drame récent qui se dévoile par bribes au lecteur. Et, dans une narration d’une confondante sobriété, en une succession de flashes dont la rémanence fait écho à l’éternité que le métier de photographe de Tom insuffle à chacun des instants qu’il capture dans ses clichés, se révèle cette fois la poignante désolation du paysage intérieur d’un père, meurtri par l’impuissance, le regret et la culpabilité, qui cherche désespérément la force de tenir le cap, de donner le change aux siens et de passer un Noël aussi normal que possible.





Périple aventureux dans un environnement rendu méconnaissable par les conditions climatiques, le voyage en territoire inconnu est aussi celui de ceux, qui, fils à la dérive ou père incapable de trouver l’absolution et la paix, se perdent et avancent à tâtons dans leur vie, sans rien ni personne pour les guider. Un texte magnifique, d’une parfaite exactitude psychologique, et d’autant plus poignant qu’il contient l’émotion en un délicat jeu d’équilibre entre l’ombre et la lumière, la douleur et l’espoir. Parce que, même après la pire des épreuves, quand plus rien ne paraît plus ressembler à rien, il faut trouver le moyen de vivre, et que ce chemin se trouve seul, sans que l’on puisse prédire par quoi il faudra en passer.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Voyage en territoire inconnu

Il y a les voyages de notre corps

et ceux de notre âme

Comme la musique a le pouvoir de mener à des lieux insoupçonnés, notre esprit peut s’échapper à la vue de la neige immaculée

Et des images mentales surgir

Celles d’êtres aimés

Vivants comme disparus

Celles de nos culpabilités, de nos regrets. De ce qu’on aurait dû faire et qu’on na pas pas fait. De ce qu’on pense qu’il faudrait avouer et pourtant qu’on avouera pas.

C’est ainsi.

David Park l’a bien compris qui nous raconte le voyage terrible et émouvant d’un père qui n’a pas su faire, et qui ne peut se le pardonner.

« en repensant à la femme à l’école, dans le local sous l’escalier, nous expliquant qu’il suffisait de gagner une fois, je me dis qu’il suffit aussi d’une fois pour tout perdre. »
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Voyage en territoire inconnu

J'ai beaucoup aimé ce voyage. Je me suis assise à coté de cet homme et je l'ai écouté. Il m'a profondément émue par son désarroi, son sentiment de culpabilité, sa volonté de rédemption, son désir de sauver sa famille qui est passée récemment par une épreuve dont je ne vous livrerai pas le détail.



Tom part seul au volant. le pays est bloqué par la neige, les aéroports fermés, et il est impossible d'abandonner son fils malade dans son université pour les vacances de Noël. Alors , malgré les routes enneigées, la tempête qui menace, les conseils de prudence des autorités, il part pour un long périple de Belfast à Sunderland.

La musique l'accompagne, parfois recouverte par la voix de Daniel, qui résonne dans sa tête, a moins qu'il ne soit venu un instant s'asseoir à coté de lui.

Dans cette solitude amplifiée par la blancheur monotone du paysage, et le peu de trafic sur la route, Tom revoit des moments clés de sa vie, et peu à peu on comprend quel est ce drame qui a secoué cette famille.

Le voyage de Tom est autant dans ce paysage d'hiver, vers son fils malade, qu'intérieur. Il se révèle peu à peu, au lecteur, un homme faillible, qui a fait ce qu'il a pu, et qui a échoué à éviter le pire. Il n'en est que plus attachant. Ce récit m'a emportée, envoûtée, aidé en cela par l'écriture si belle de l'auteur.

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Un espion en Canaan

Quand j'ai vu le nom de David Park dans la liste de la Masse Critique de Janvier, je n'ai pas hésité à cocher son livre, tant j'ai aimé son premier roman traduit en français : Voyage en territoire inconnu.

Et je remercie Babelio et les éditions La Table Ronde pour cet envoi.



À lire le résumé, les deux livres semblent assez éloignés. Pays, histoire, cadre, lieux, contexte, tout est différent. Et pourtant, les deux hommes, héros de chacun des romans, presque seuls même si leurs situations ne sont pas identiques, se rejoignent. Tous deux revisitent le passé, tous deux culpabilisent, tous deux pensent qu'ils doivent expier. Trouveront-ils la rédemption ? Je vous laisse découvrir la prose magnifique de l'auteur pour avoir la réponse.



Michael Miller est en poste à Saïgon en 1973. C'est le début de la fin pour les Américains. Simple gratte-papier dans une agence de renseignement, il est recruté par la CIA et va devoir accomplir certains actes qui le marqueront. Quarante ans plus tard, remis en contact mystérieusement avec celui qui l'avait recruté, Donovan, il va replonger dans ce passé et tenter d'en extraire la vérité, avant une ultime rencontre qui espère-t-il lui apportera les réponses qui lui manquent.

Un sujet, résumé ainsi, qui ne semble pas très original, mais dont la lecture m'a envoutée.



Envoutée d'abord par l'écriture splendide de David Park, toute aussi capable de faire jaillir des images sous mes yeux par ses descriptions de paysages du désert, des derniers jours de Saïgon avant le départ des américains, que d'analyser avec finesse les états d'âme de son personnage principal. Une écriture qui sait rester sobre, pas de violence exagérée, qui de mélancolique devient de plus en plus désenchantée au cours du roman. David Park ne cache pas ses sentiments vis-à-vis d'un certain occupant de la Maison Blanche.



Envoutée par les personnages, et d'abord ce Michaël, jeune gratte-papier sans beaucoup d'expérience, marqué par son éducation religieuse, pour qui le bien et le mal sont des valeurs importantes, pour qui rectitude n'est pas qu'un mot, qui va se retrouver dans cet endroit unique qu'a été Saïgon dans les derniers mois de l'occupation américaine. Il va être confronté à des situations difficiles à vivre, il subit beaucoup, se convainc qu'il n'a pas le choix, mais va aussi participer à certaines actions qu'il juge répréhensibles. Il erre dans cet environnement, très seul, malgré un ami par défaut, malgré la sympathie de quelques vietnamiens qui seront lâchement abandonnés au moment du départ, malgré la belle Tuyen qu'il n'oubliera jamais.

Si j'ai aimé ce jeune Michaël, j'ai encore plus apprécié celui qu'il est devenu quarante ans plus tard, après une belle carrière au Foreign Office et un mariage heureux mais malheureusement écourté. Il est à nouveau seul et un DVD reçu de son ancien ami au Vietnam le pousse à re replonger dans ses souvenirs et à partir dans le désert mexicain, pour peut-être obtenir certaines vérités. Il a vieilli, il a appris beaucoup de choses, il a bien vécu, mais il n'a pas tellement changé. Il est toujours celui qui se comporte bien, celui dont les valeurs sont importantes. Il ne croit plus, mais les notions de bien de de mal sont toujours aussi importantes. Et il va plus évoluer pendant ces deux jours de voyage que dans sa vie entière.



Envoutée aussi par la richesse des références qui se mêlent harmonieusement au récit. La référence biblique présente dès le titre, cette terre promise ce Canaan, cette terre où Moïse envoie ses espions, deux seulement étaient bons, lesquels sont-ils aujourd'hui ?

Et puis les références nombreuses à la littérature, et entre autres, au colonel Kurtz de Joseph Conrad, dont la relation avec Marlow rappelle celle qui s'établit entre Michaël et Donovan ; et celles qui reviennent par-ci, par-là, Michaël ayant gardé de son enfance dans les grandes plaines le goût de la lecture, seul moyen pour lui à cette époque d'échapper à cet horizon si large physiquement et pourtant si limité.



Un roman fascinant, une analyse très poussée et d'une grande justesse du caractère de cet homme, de l'évolution qui va se produire en lui, une réflexion passionnante sur ce qui nous façonne dans l'enfance et comment cela influe sur nos actes toute notre vie, un regard très juste sur le rôle de l'État et les mensonges qui y sont trop souvent attachés.

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Un espion en Canaan

En découvrant un DVD envoyé par un ami qu’il n’a pas revu depuis quarante ans, Michael Miller pressent qu’il n’en a tout pas tout à fait terminé avec les sombres parfums de Saïgon, et qu’il est encore temps de lever le voile sur le mystère tragique qui le tourmente depuis la fin de la guerre du Vietnam.



Veuf et retraité, le narrateur a quitté Londres et vit seul dans la grande demeure au bord de l’Atlantique dont rêvait sa défunte femme. Cet enfant d’une bourgade des grandes plaines, jeune diplomate timide et cultivé, se retrouve en poste à Saïgon en 1973, au moment où les États-Unis s’apprêtent à quitter le Vietnam. Simple gratte-papier dans une agence de renseignement, il ne se doute pas encore qu’il vit les dernières heures de la présence américaine dans une ville sur le point de tomber aux mains du Viêt-cong.



Sa vie bascule lorsqu’il est recruté officieusement par Ignatus Donovan, un agent de la CIA. Le narrateur a grandi chez les presbytériens pour qui la rectitude morale n’est pas un vain mot. Frais diplômé de l’université, féru de littérature, il va découvrir l’odieuse réalité du conflit finissant. Propagande éhontée qui prétend qu’une victoire américaine est toujours possible, massacres de civils vietnamiens commis par une armée qui a perdu ses repères, torture cruelle d’un agent Viêt-cong, rien ne sera épargné au jeune homme.



Si Ignatus Donovan n’est pas tout à fait le colonel Kurtz, il conduira pourtant Michael Miller au coeur des ténèbres. L’agent d’origine irlandaise est un loup solitaire qui a tissé sa toile à Saïgon, et tente de dissiper le nuage de mensonges que répand l’ambassade américaine. C’est aussi un homme au bord de la rupture qui est prêt à tout pour faire connaître l’imminence de la défaite à Washington.



Michael accompagne fréquemment « Iggy » à la Porte Bleue, un restaurant tenu par un couple d’informateurs vietnamiens. Il y découvre la jeune Tuyen, une beauté surgie au creux de la nuit, une rencontre qui le hante encore quarante ans plus tard, lorsqu’il comprend que le passé l’a rattrapé, et qu’une ultime mission au service de Donovan l’attend dans le désert mexicain.



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« Douze espions sont partis en Canaan

Dix étaient méchants et deux étaient bons

Les uns ont vu se dresser des géants

Et des grappes de raisin tomber des sarments

D’autres ont vu Dieu partout présent

Dix étaient méchants et deux étaient bons »



C’est par cette chanson issue des souvenirs de l’enfance presbytérienne de Michael que débute le roman. Une chanson qui fait référence au Livre des Nombres où Moïse envoie douze espions pour explorer le pays de Canaan. Seuls Caleb et Josué assureront au prophète que la conquête de la terre promise aux Israélites par l’Éternel est envisageable.



Une chanson qui apparaît a posteriori comme une parabole ironique du roman de David Park où Michael Miller forme avec Ignatus Dovonan un couple improbable d’espions tentant de faire admettre le caractère inéluctable d’une défaite américaine.



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« Un espion en Canaan » est un roman doux-amer, qui déchire le voile de l’hypocrisie de la guerre du Vietnam finissante à travers le regard d’un jeune homme pétri de certitudes morales, emporté dans le jeu de dupes que mène son mentor tourmenté.



« J’ai essayé de me dédouaner en invoquant cette clause de sortie vieille comme le monde - j’agissais pour le bien commun. Je sais à présent que c’est le concept le plus vague et malléable qui soit, et qu’il nous autorise souvent à agir en présence de vérités plus précises quoique désagréables. »



Le roman de Joseph Park rend hommage à Joseph Conrad en abordant l’impossible quête de rédemption de son héros désenchanté qui se retourne sur son passé trouble, avant d’affronter le dernier acte d’une vie marquée au fer rouge par ces quelques mois passés dans les dédales obscurs de Saïgon.



Le récit introspectif de Michael Miller examine sans concessions les mensonges et les faux-semblants inhérents à la mission qui lui a été confiée auprès d’un agent de la CIA sans scrupules. Il nous propose surtout un regard d’une acuité saisissante sur la fin peu glorieuse de la présence américaine dans ce lieu de perdition qui portait le nom de Saïgon.



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Voyage en territoire inconnu

Montez en voiture, démarrez le moteur pour dégivrer le pare-brise, mettez le chauffage à fond et puis lancez cette chanson : https://www.youtube.com/watch?v=lpcsThJEgWM. Vous êtes prêts pour ce road trip sous la neige, seul avec vos pensées et celles du narrateur… Il fait vraiment très froid, les routes sont gelées à tel point qu’à chaque montée vous craignez de redescendre en glissant. La neige n’arrête pas de tomber, le brouillard et la tempête font rage qui empêchent les avions de décoller, glacent et embrouillent les pensées noires du narrateur qui se trouve seul face à elles dans ce blanc immaculé. Photographie en noir et blanc d’un esprit errant.





Le narrateur est photographe. Et pendant qu’il brave les éléments pour aller chercher son fils coincé chez lui avec la grippe trois jours avant Noël, ce sont les clichés de sa propre vie qui défilent. Sa femme restée avec leur petite dernière à la maison, préparant Noël en faisant griller les marshmallow dans la cheminée ; son fils à qui il n’arrive pas à dire qu’il l’aime… Et puis le fantôme de cet autre fils, arraché, à qui la culpabilité ressentie par le père fait exprimer beaucoup de reproches. « Je ne sais pas ce que nous allons faire à propos de Daniel. Fait-il partie de notre monde intérieur ou est-il enfermé dehors ? »





« Continuez sur l’A75. Au rond-point, prenez la deuxième sortie. » Daniel, en train de lui reprocher de ne jamais lui avoir dit qu’il l’aimait. Daniel, mutique, dont il n’a pas réussi à percer la carapace. Daniel, en colère et jaloux de la relation de ses parents avec celui qui reste, et celle qui l’a remplacé. Quand et comment ont commencé ses problèmes ? Des clichés fantômes, plus vrais que nature. Et sa voix qui dit les maux qui tuent, sa façon de disparaître tout de suite après, comme l’instant meurt après la photo. Comme chaque instant, quand on y pense. L’un après l’autre, ils s’égrènent, se fixent, disparaissent. Et jamais ne reviennent.





« Tu racontes des conneries, lui dis-je encore une fois, même s’il n’est plus là, et sans me rendre compte que je crie. Des conneries. Et je frappe le volant avec mes paumes puis sursaute quand j’appuie par mégarde sur le klaxon. »





David Park nous offre le récit d’un homme qui, en allant chercher son deuxième fils fils, part à la rencontre du premier. « Le monde à l’extérieur de ma voiture est couvert de neige, complètement transformé - tant de neige que tout paraît enseveli » Comme la vie à l’intérieur du narrateur, recouverte d’un glaçage de culpabilité, de peine et de colère, dont il sait devoir sortir mais sans savoir comment. Mais cette année il a promis d’essayer encore plus fort de passer un joyeux Noël « avec l’espoir que, même dans l’obscurité hivernale, ces quelques jours les conduiront peut-être dans un endroit où ils pourront retrouver la joie. »





Alors voilà ce que nous allons faire avec lui : continuer d’avancer, de petite lumière en petite joie jusqu’à ce que, peut-être, la tempête arrête de faire rage dans son coeur, et que le brouillard s’apaise dans sa tête. En attendant, voici un beau voyage dans ses nuits blanches. Merci Bookycooky pour la découverte !
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Voyage en territoire inconnu

Voilà un voyage d'Irlande du Nord à Sunderland en Angleterre que je n'oublierai pas. Je ne l'ai pas fait seule ce voyage mais avec Tom qui va chercher, pour fêter Noël en famille, son fils Luke qui est seul et malade dans son appartement étudiant.

Ce voyage est l'occasion rêvée pour Tom de penser à Daniel, son autre fils. Il nous fait partager son introspection, entrecoupée par le présent et la voix de la jeune femme, sortie du GPS, qui lui indique la route pour rejoindre son fils Luke.

Nous reprenons alors contact avec le paysage enneigé et les appels de sa femme Lorna ou encore avec les appels téléphoniques brefs qu'il passe à Luke pour s'assurer de sa santé et l'avertir de son avancée.

Ce voyage n'est pas paisible, les souvenirs sont douloureux et parasitent le trajet. " J'ouvre une fois encore la vitre de la voiture et je laisse le monde me souffler au visage, pour tenter d'éteindre la brûlure de la honte et de la colère."

Ce que ressent Tom, nous leur ressentons, ce qu'il voit, nous le voyons car David Park, l'auteur, décrit avec brio tout le cheminement physique et moral de Tom à qui on s'attache dès les premières pages.

Cet attachement ne fait que grandir au fil du roman.

Oui, Tom, je suis vraiment séduite par votre belle âme et aucune honte ne doit venir l'entâcher !...

Sans la masse critique, je serais sans doute passée à côté de ce voyage en territoire inconnu. Je remercie donc encore plus fortement Babelio et les éditions de la Table Ronde qui m'ont permis de faire ce voyage que je n'oublierai pas. C'est un véritable coup de coeur.
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Un espion en Canaan

De tout temps, les Etats-Unis ont eu une politique hégémonique, égrenant espions et services de renseignements aux quatre-coins du monde, principalement dans les pays en conflit afin d'analyser et pouvoir tirer partie de la situation.

Mickaël (Mickey) Miller, le héros du livre de David Park dans un espion en Canaan, passe son enfance américaine avec sa famille dans les Grandes Plaines (partie médiane du pays), de souche irlandaise il a une éducation presbytérienne très stricte et un attrait pour la littérature française.

De sa jeunesse, il se rappelle cette chanson récitée lors d'une cérémonie religieuse du dimanche :

Douze espions sont partis en Canaan*

Dix étaient méchants et deux étaient bons

Les Uns ont vu se dresser des géants

Et des grains de raisin tomber des sarments

D'autres ont vu Dieu partout présent

Dix étaient méchants et deux étaient bon

*Terre promise, située le long de la rive orientale de la Méditerranée

Sans aucun doute, il veut être l'un des deux bons. Rien, pourtant, ne prédestinait Mickey à devenir espion, hormis peut-être le fait qu'il soit polyglotte. En 1973, il se retrouve en poste dans un Saïgon en ébullition juste avant le repli des américains.

Petit intermède historique : la fin de la guerre d'Indochine, opposant l'Union française au Viet Minh (soutenu par le bloc de l'est communiste), se ponctue par la défaite de Diên Biên Phu (1954) et la partition du territoire vietnamien en deux états la république démocratique du Vietnam (Nord Vietnam soutenue par la Chine et les Soviétiques) et le Sud Vietnam. S'en suit une situation insurrectionnelle latente au Sud Vietnam poussant les Etats-Unis à créer un groupe de conseillers et d'envoyer des troupes militaires pour gérer la situation et voir son évolution. le Nord Vietnam engage des manoeuvres pour réunifier le pays et s'appuie sur le FNL (Front de libération du Sud Vietnam également appelé Viêt-Cong).

Le Saïgon, capitale du Sud Vietnam (aujourd'hui Ho Chi Minh Ville), de notre héros en cette année 1973 se trouve, donc, particulièrement agité. Mickey est un rouage de second ordre, il reçoit des documents de diverses sources, les analyse et les transmet aux autorités compétentes. Il fait la connaissance de Corley Rodgers sorte d'écrivain propagandiste louant les bienfaits de la présence américaine, arrivé deux ans auparavant, présence qui le rassure. Et bientôt, il est recruté par Ignatius Donovan, analyste sénior pour la C.I.A. d'origine irlandaise comme Mickey. Lors d'une de ses missions, il fait la connaissance d'une famille de collaborateurs Vien et Quyen tenanciers d'un restaurant et de Tuyen, leur fille, qui ne laisse pas indifférent Mickey.

Le temps passe à diverses petites missions, mais la panique et la violence montent. Il faut évacuer Saïgon, c'est un peu chacun pour soi, les documents sont brûlés, des avions, des hélicoptères sont affrétés pour exfiltrer les ressortissants américains mais rien n'est prévu pour les locaux qui se sont ralliés à leur cause.

Quarante ans plus tard, nous retrouvons Mickey dans sa vaste maison sur la côte ouest des Etats-Unis. Recontacté par Corley, Mickey sera poussé à retrouver Ignatius reclus dans un ranch du désert de Sonora à la frontière avec le Mexique pour une dernière mission, sorte de rédemption.

J'ai bien aimé ce roman particulièrement bien écrit, ce questionnement incessant de Mickey sur sa place dans le monde, sur ce qui est bien, ce qui est mal. Au départ fier de servir sa nation, il s'aperçoit que l'Etat est une machine à broyer l'existence du particulier, qu'il conditionne ses actions au détriment de sa foi dans le droit chemin. Cette dernière mission sera une revanche sur leurs destins, une transgression pour sauver leurs âmes.

Remerciements aux Editions de la Table Ronde qui m'ont permis cette lecture.

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Voyage en territoire inconnu

David Park signe un roman magnétique, hypnotique, aussi éblouissant qu'un paysage enneigé. Il emporte son lecteur aux confins de l'âme humaine, de la culpabilité, touche à l'éphémère de la vie, de la poudreuse, à la fragilité de toute chose et à la balourdise des hommes – balourdise qu'il contredit et révoque avec sa plume d'une sensibilité et d'une intelligence humaine absolue (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/02/08/voyage-en-territoire-inconnu-david-park/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Voyage en territoire inconnu

Le titre pourrait faire craindre une narration trop explicite : on sent bien qu’au déplacement physique se superpose un voyage symbolique. Et, de fait, les correspondances sont soulignées presque à chaque page. La neige transforme le paysage en un monde brouillé, la voiture avance péniblement et le chauffeur livré à sa solitude trace sa route sur une carte mentale en tentant de comprendre comment sa vie a bifurqué et d’imaginer quel autre chemin lui aurait permis d’éviter le pire. Son âme dévastée et figée dans le désespoir n’a rien à envier au paysage gelé. Et la neige qui ensevelit toute chose a besoin d’être pelletée pour mettre à jour un secret inavoué.

Mais rien de besogneux ni d’artificiel dans ce double cheminement. Aucun tracé laborieux d’un auteur menant son lecteur sur des chemins balisés. C’est le narrateur qui, obligé d’affronter une météo difficile, se saisit du paysage traversé pour en faire autant de points d’appui dans sa tentative de comprendre sa vie et ses échecs. Tout ce qu’il aperçoit devient le moyen pour lui de contempler sa vie et les symboles qu’il y voit, par leurs évidences, l’autorisent à accéder à un passé qui lui serait insupportable sans cette médiation et lui permettent de mettre en ordre « une espèce de blizzard d’idées confuses et contradictoires »

C’est Noël et la naissance célébrée cette nuit-là ne peut le laisser indifférent, lui qui va chercher son fils comme d’autres ont suivi une étoile et qui pense à son aîné disparu en se demandant s’il fut pour lui un Joseph insuffisamment impliqué ou un Dieu le père trop inflexible. Les enfants naissent sans qu’on fournisse à leurs parents le moindre mode d’emploi, sans le GPS rassurant et bavard qui, divinité débonnaire, guide dans la bonne direction.

Elles sont rares, les œuvres de fiction qui parviennent à faire tenir ensemble tous les fils nécessaires à la trame d’une histoire : celui de l’identification sans laquelle nous écoutons poliment en réprimant nos bâillements, celui de l’humanisme qui inclut notre expérience dérisoire au sein de la destinée humaine, celui de la sublimation esthétique qui met du sens et donc de la consolation à nos angoisses quotidiennes.

C’est ce que réussit David Park ici en créant un univers éminemment construit sans que le savoir-faire de l’auteur nuise aux émotions qui saisissent le lecteur. Les traces que cherche le narrateur dans la neige se confondent avec les mots déchiffrés par le lecteur et le roman ne nous parle pas seulement de la douleur et du bonheur d’être parent, mais aussi de la lucidité et de la consolation qu’apporte la lecture.
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Un espion en Canaan

David Park s'attarde une nouvelle fois sur la frontière entre le bien et le mal, sur la résilience de l'âme humaine et sur la morale. Son narrateur se souvient et réévalue ses actes à l'aune de ce qu'il sait désormais, porte un regard sans concession sur la colonisation. Entre une Saïgon bouillonnante avant sa prise et un désert américain où s'égarent les migrants, le héros erre et se perd dans des réflexions souvent empesées (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2024/01/16/un-espion-en-canaan-david-park/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Voyage en territoire inconnu

Roman irlandais et contemporain ; les étiquettes sont un peu réductrices pour un texte aux thématiques universelles : Les regrets & remords, la culpabilité, l’incompréhension de ceux qui, pourtant, nous sont si proches, les non-dits, le deuil, la peur, les peurs ...

- p. 132 : Si j’ai la possibilité de revenir en arrière, je lui dirai qu’il n’est pas bon de ne pas avoir peur, que c’est dangereux de ne ressentir aucune crainte -

D’Irlande du Nord, le narrateur part en voiture chercher son fils en Angleterre où ce dernier est étudiant. C’est la veille de Noël, le froid, le verglas, la neige, et les aéroports fermés. Mais il n’est pas seul dans sa voiture, il y a la voix féminine du GPS, qui lui indique la voie de sa destination. Il y a aussi Daniel, son « fantôme » familier, dont le lecteur découvrira l’identité au fur et à mesure du voyage. Car ce trajet est introspectif, il est fait de flashbacks, de souvenirs plus ou moins assumés - p. 98 : Avec le recul, il est toujours tentant de réécrire l’histoire pour se donner un plus beau rôle ... - Il n’y a pas de chapitres, le texte est brut, linéaire. Le narrateur est photographe, un métier bien peu reconnu en ces temps de selfies omniprésents. Il y a pourtant de belles réflexions sur les images, et sur ce que disent les portraits - p. 186 : C’est l’éternel qui est libéré dans la soudaine immobilité créée par le clic de l’appareil photo -

À la fin du livre, l’auteur nous donne deux liens* ; L’un de photographies, l’autre de musiques, qui nous renvoient à l’atmosphère particulière de cette histoire mélancolique, sombre et fataliste, qui pourrait vous hanter pour longtemps.

- p. 134 : Parce que je cherche toujours une logique à plaquer sur le chaos -

Allez, salut.



P.S. : *Musique : http://spotify/2AmKBko https://open.spotify.com/playlist/4ong8hyY4tMnZMVZxOsn7X

Photographies : www.sonyawhitefield.com https://www.sonyawhitefield.com/proj/travelling-in-a-strange-land

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Voyage en territoire inconnu

Un périlleux voyage routier par temps de neige de Noël, entre l’Irlande du Nord et la Grande Bretagne, pour aller chercher un fils étudiant dans sa colocation.



Un père accroché au volant, accompagné d’un fantôme, isolé dans l’habitacle avec ses pensées, ses introspections et sa culpabilité. L’extrême vigilance de la conduite se fait métaphore de la difficulté d’être père, d’éduquer un enfant, cherchant absolution pour continuer à vivre quand il est impossible de tout maîtriser.



Une lecture sombre et habitée de l’Immense chagrin d’amour paternel, un voyage chaotique sur la route de la parentalité.

C’est intense, douloureux et fort bien écrit.

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Voyage en territoire inconnu

« "On doit le ramener à la maison", dis-je en écho, et dans la voiture couverte de glace, les mots, n’ayant nulle part où aller, restent en suspension jusqu’à se figer en un silence. »



En cette veille de Noël, Luke, le fils de Tom et Lorna, est coincé dans son logement étudiant en raison de la neige qui a cloué au sol tous les avions. Il est de plus malade, la grippe peut-être, ce qui inquiète tout particulièrement ses parents. Tom décide donc de braver les intempéries et d’aller chercher son fils en voiture. Un voyage long et hasardeux depuis leur résidence de Belfast jusqu’à Sunderland en Angleterre.



J’ai dès les premières lignes été séduite par l’écriture de David Park. L’atmosphère feutrée des paysages enneigés, le silence qui règne autour de Tom, les lumières presque spectrales, donnent une impression presque hors du temps à ce voyage. Des décors immaculés, où tout semble fragile et irréel, que l’auteur décrit avec poésie et délicatesse.



« Tout est silencieux et immobile, et plus mes yeux s’aventurent vers les profondeurs du bois, plus sont profonds le silence et l’immobilité. Même le petit oiseau qui fend la fine brume de neige tombante ne rompt pas le charme. Si j’avais mon appareil, je prendrais une photo, mais je me demande si je serais capable ne serait-ce que d’approcher ce que dissimule l’instant. »



Tout semble au ralenti, comme figé, et pourtant on sent l’impatience de Tom à rejoindre son fils. Cette hâte est pourtant mise à mal par les précautions qu’il doit prendre sur des routes enneigées et donc potentiellement dangereuses. Cette avancée prudente, ces longues heures à rouler dans des paysages désertés, entrainent les pensées de Tom vers différents évènements de sa vie, mais surtout vers l’absent, Daniel.



« Quelque chose effleure une branche plus haut dans la pente et de la neige tombe presque au ralenti. Je sais que c’est Daniel même si je ne le vois pas. Sans plus bouger je scrute l’endroit, tentant de l’apercevoir, mais il n’y a aucune empreinte dans la neige, seulement l’écorce blanche des bouleaux se communiquant leur froideur. »



Si on comprend assez rapidement qui est Daniel, le récit dévoile peu à peu les raisons de la tristesse et de la culpabilité qui rongent Tom. Et là encore, l’écriture profonde et sincère de l’auteur donne une dimension supplémentaire à ce voyage introspectif. Chaque sentiment sonne juste et j’ai été très touché par ce père de famille en quête d’absolution et qui veut protéger sa famille.



Les pensées vagabondent et sont uniquement interrompues par la voix du GPS qui ramène inexorablement Tom dans l’instant présent. Tout comme les appels téléphoniques de sa femme Lorna, de son fils Luke et de sa fille Lilly qui prennent régulièrement de ses nouvelles. Les échanges avec Lilly, et notamment les petites blagues de la fillette, apportent une légèreté bienvenue au récit, et ancrent aussi un peu plus Tom dans la réalité.



Un très beau récit, subtil, tout en pudeur, où l’émotion est à chaque page.
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Un espion en Canaan

Pour débuter l'écriture de cet avis, je dirai que je sais fort peu de choses sur la guerre du Vietnam. Pire : j’ignore tout de ce qui se passait à Saïgon en 1973. Mais est-il besoin d’avoir une connaissance historique parfaite pour lire un livre ? Non. En revanche, je ne doute absolument pas de la connaissance parfaite de ce sujet de l’auteur.

L’un des atouts de ce roman est son personnage principal et narrateur, Michael Miller. Il a fait une belle carrière, il a eu un mariage heureux, il est maintenant veuf et retraité alors qu’il se remémore ce qui s’est passé quarante ans plus tôt. Il était alors un tout jeune diplomate, même pas la cinquième roue du carrosse, non, juste un obscur gratte-papier. A Saigon, il est quasiment seul, n’ayant pour ami qu’un autre obscur gratte-papier, dont nous découvrirons la trajectoire dans la seconde partie du roman. Je ne dirai pas qu’il mène une existence des plus banales, non, ne serait-ce que parce qu’il a des principes, des valeurs, parce qu’il essaie de vivre en les respectant, ce qui le distingue de certains de ces collègues. Puis il est recruté par un certain Donovan pour le compte de la CIA. Il raconte alors son expérience, la vie qui continue à côté, et la guerre qui se rapproche. Et la débâcle.



Cela aurait pu s’arrêter là, et cela aurait déjà été très bien, si ce n’est que Miller retrouvera Donovan. Je ne dirai pas que ses retrouvailles changeront bien des choses, parce que c’est une formule rabâchée, je dirai qu’elles nous montreront que rien n’est immuable, que l’on ne sait pas quelles trajectoires prendront des personnes dont on pensait cependant…. dont on croyait…. et puis en fait, non. Avec, en filigrane, l’ombre d’un homme politique américain jamais nommé, sans doute parce qu’il ne mérite pas de l’être, eu égard aux dégâts qu’il a déjà causés, et à ceux qu’il risque encore de causer. Oui, le dernier quart du roman apporte une dimension épique à l’itinéraire de Miller, lui qui a toujours essayé de rester fidèle à ses valeurs.

Merci aux éditions La table ronde et à Babelio pour ce partenariat.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Un espion en Canaan

L'ombre de Graham Greene plane au-dessus du roman de David Park. Son "Américain bien tranquille" à lui est un jeune et inexpérimenté gratte-papier au sein des services administratifs multiples que les Etats-Unis ont installés à Saïgon durant la guerre du Viêt Nam. Année 1973, les tentatives de l'Oncle Sam pour se sortir du bourbier semblent vouées à l'échec.

Michaël, l'anti-héros, après avoir remué de la paperasse, est appelé à franchir un cap à la demande d'un membre de la CIA, le rigide et cynique Donovan qui a besoin de lui pour des tâches sur le terrain. Peu préparé à l'exercice, Michaël se prend de plein fouet la réalité sordide d'une guerre sale qui bouleverse ses valeurs. Rude épreuve que de trouver sa place dans le milieu de l'espionnage, "ce monde fragmenté d'intérêts divergents et de luttes de pouvoir".

Il s'avère bientôt que la déroute est proche et David Park nous restitue avec un sens aigu de la mise en scène la chute de Saïgon, le chaos en résultant marqué par une pagaïe indescriptible et l'abandon des Sud-Vietnamiens livrés aux représailles de l'armée viêt-cong. Précisément Donovan et Michaël sont au coeur de cette débandade, incapables de répondre à l'appel de la jolie Tuyen, maîtresse du premier et amie du second.

Le roman change alors d'époque. Quarante ans plus tard, Michaël, veuf et retraité après une carrière complète dans la diplomatie, reçoit un appel soudain qui le conduit dans une ferme à la frontière mexicaine. Il y retrouve un Donovan crépusculaire qui accueille des migrants et veut charger Michaël d'une ultime mission.

Il est évidemment question d'expiation, de repentance et de rédemption dans ce livre émouvant qui pose de multiples questions. Au niveau des protagonistes, celle de l'obéissance (ou non) à des ordres qu'on sait être contraires à l'éthique; celle de la possibilité (ou non) de rectifier une trajectoire jugée moralement répréhensible. Au niveau d'une nation, en l'occurrence les Etats-Unis, celle de la fin et des moyens : était-il juste d'"étendre les frontières de la liberté" à coup de napalm et de roquettes ? Est-il humain de dresser des murs et des barbelés pour empêcher l'Autre d'entrer ?

Les réponses de David Park ne font pas le moindre doute.

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Voyage en territoire inconnu

Un très beau texte, qui se doit d’être abordé comme un territoire inconnu, lui aussi. Je ne voudrais donc pas trop en dire.



Nous sommes quelques jours avant Noël. L’Irlande et la Grande-Bretagne sont ensevelies sous la neige, les avions ont tous été annulés. Luke, le fils étudiant de Tom et Lorna – ils ont aussi une fillette de dix ans, Lilly – , se retrouve coincé à Sunderland, sur la côte est de l’Angleterre, seul dans sa chambre d’étudiant et malade. Tom décide de faire l’aller-retour de sa banlieue de Belfast jusqu’à Sunderland, en voiture, pour ramener Luke à la maison pour Noël. Un matin, il embarque donc assez tôt pour pouvoir prendre le ferry à Belfast jusqu’à l’Ecosse, avec tout un stock de sandwichs, de thermos de café et de Cds pour la route. Le voyage d’un homme dans des paysages rendus méconnaissables par les intempéries… mais aussi, surtout, comme un miroir réfléchissant, le voyage d’un homme au coeur de lui-même.



« Je pénètre en territoire gelé, bien que je ne puisse dire à quel pays il appartient. »



Les kilomètres défilent lentement et l’histoire prend au diapason son temps pour se mettre en place. Tom est seul dans sa voiture avec la voix du GPS, et la musique n’empêche pas toujours ses pensées de surgir, des souvenirs et certaines voix du passé. Des vacances avec ses enfants petits, sa rencontre avec Lorna, son métier de photographe. La plume de David Park est habile, légère et implacable, finalement, car par petites touches la tension monte, imperceptible, au départ juste un malaise diffus, une omission, un non-dit, mais qui va s’amplifiant à mesure que les pages elles aussi tournent. Que se passe-t-il donc, avec cette famille ? Ou que s’est-il passé ?



Voyage en territoire inconnu raconte les failles d’un homme tourmenté, que l’on accompagne dans son paysage intérieur. Il y a une grande sobriété dans ce texte, poignant justement par cette pudeur, cette retenue. Comme une chute de neige peut en un clin d’oeil modifier le paysage le plus ordinaire en un environnement inquiétant, la vie parfois sans crier gare métamorphose les êtres. C’est un roman qui parle de ces contrées que l’on découvre toujours inconnues à chaque pas que l’on fait dans la vie : l’amour, et la parentalité.



« La neige dissimule tout, mais je ne suis pas sûr de pouvoir continuer à couvrir ce qui est pour le moment caché »



David Park a déjà publié de nombreux romans et un recueil de nouvelles, mais c’est la première fois qu’il est traduit en français : un grand merci aux Éditions La Table Ronde !
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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Voyage en territoire inconnu

Le cri d'amour déchirant d'un père pour son fils.



David Park est un grand auteur irlandais, j'ai adoré retrouver sous sa plume cet esprit-là, l'image mentale que je me fais de l'Irlande et de ses habitants.



Pour tenir l'intrigue tout au long de ces 200 pages et quelques - un homme seul dans sa voiture - il faut évidemment être un virtuose de la littérature.

David Park accomplit ce petit miracle avec justesse et simplicité…



Bientôt Noël, Tom va chercher son fils Luke dans son logement étudiant à Sunderland car ce dernier est souffrant et la météo ne permet pas aux avions de décoller. Il va faire un long trajet dans des paysages froids et immaculés.



Cette atmosphère feutrée, les routes enneigées qui défilent appellent le lecteur à "écouter".

Dans l'habitacle, lieu de l'intime, Tom est vraiment lui, sans entraves, il peut poser sa vérité (peut-être aussi arrêter de se mentir) et réfléchir au lien qui le relie à sa famille, à l'histoire douloureuse qu'il porte au fond de lui et qui est aussi celle de son autre fils Daniel.

C'est avec lui qu'il va entamer une discussion ininterrompue, dramatique et surtout pleine d'amour.

Tom est à un tournant de sa vie, cette route est aussi un cheminement personnel, psychologique, peut-être aussi spirituel.



La prose est portée par la musique qui passe en boucle dans la voiture (l'auteur a mis en place une playlist, pour l'écouter le lien est disponible en fin d'ouvrage).
Lien : https://www.xn--rdactrice-b4..
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Voyage en territoire inconnu

Lire ce roman, c’est comme entendre le boléro de Ravel. On y va crescendo.

Irlande du Nord. C’est Noël, il neige abondamment et je suis dans la voiture avec Tom qui entreprend un long trajet afin d’aller chercher son fils malade qui loge à des centaines de kilomètres.

Il fait très froid et le GPS est presque son unique lien avec le réel. Le suspense est grand et l’on se demande qui est ce Daniel (fils, frère, ami) avec qui Tom parle tout au long du voyage. Il lui raconte ses manques, ses interrogations, ses peurs et sa culpabilité.

Une réflexion sur la difficulté d'être père, le chagrin et la force de continuer à vivre. Un excellent texte d’une grande intelligence. Economie de mots, la prose est parfaite, magnifique.



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