Joseph O'Connor commente son roman, "Muse".
- J'ai décidé de former un choeur.
- Un choeur ?
- Tu en fais partie.
- Mais Monsignore, je sais pas chanter.
- Je ne sais pas danser, et pourtant je le fais quand même. Tu vas apprendre.
- Je vais y réfléchir, que je lui dis.
- Ne réfléchis pas trop longtemps. La tempête fait rage. J'ai besoin d'aide.
Pas un brin de vent là où on est. Un beau soleil. Un temps calme. Mais bien sûr, je sais de quoi il parle.
Est-ce que j'ai peur ? Ah madre mia, oui. Qui est-ce qui aurait pas peur ? Les temps étaient durs. Si Hauptmann découvre toutes ces conneries, rideau, ciao a tutti. Pas de procès, pas de peine, t'es mort. Mais bon, le regard de ce gamin. Et merde, c'était quoi, ta vie ? Est-ce que je croyais à quelque chose, est-ce que je m'étais jamais rebellé contre quelque chose ? Parce que, mon frère, le jour viendra où tes enfants te poseront la question, et t'auras intérêt à répondre, tu sais, et c'est vrai, j'allais dire quoi ? Dans ma tête, ça faisait des va-et-vient, mais à la fin j'ai accepté. Et voilà : j'ai rejoint le choeur. Une fois dedans, c'était plié. C'est pareil que prendre un penalty au foot : tu choisis d'où tu tires, tu vises, tu laisses le goal danser un peu s'il a envie, ça change rien à ta décision. Alors c'est bon. J'en suis. O la va o la spacca.
Pour le meilleur ou pour le pire. Il coro.
La bêtise a ses ruses, sinon elle aurait depuis longtemps disparu.
Les hommes, quand ils ont été fabriqués avec soin, sont merveilleux dans toutes sortes de rôles que la vie peut leur offrir, ils font d'excellents amis, amants, mineurs de fond, dompteurs de lions, explorateurs de régions désertiques ou jamais cartographiées, papes, tireurs, compagnons de beuverie. Ils sont d'une simplicité admirable, si prévisibles que c'en est apaisant. Parlez avec un homme pendant un quart d'heure, et vous le connaissez définitivement, jamais plus il ne vous surprendra, il en serait bien incapable; le lui demander ne ferait que l'effrayer. Seulement, hélas, ils ne font pas de bons maris. N'importe quelle femme rencontrée par hasard, dans la queue pour les fruits et légumes par exemple, ou à côté de vous dans le train, ferait un meilleur mari que pratiquement tous les hommes jamais venus au monde.
(p.427)
Chez certains hommes, il ne faut surtout pas prêter attention à ce qu'ils disent après dix heures du soir s'ils ont bu une bière. Harry appartenait à cette race de mammifères.
Ils ne veulent absolument pas faire les idiots. Seulement, cela revient à demander à un catholique de ne pas se sentir coupable. Autant dire au ruisseau de remonter la colline.
(page 104)
Il n’aime pas se souvenir, trop de douleur, de déceptions. Il est important de se maintenir à flot, les yeux braqués sur l’horizon, toujours. Le passé est un fou qui se noie ; lancez-lui une corde, il vous entraînera avec lui.
Si seulement ils pouvaient prendre le temps de vivre leurs sentiments plutôt que de rechercher de nouvelles manières de les dire.
- Je ne suis pas gros, Ranj. Il n'y a jamais eu de gros dans ma famille.
- Tu sais, c'est comme chez les Bates, il n'y avait jamais eu de psychopathes avant l'arrivée du petit Norman.
Leur souvenir demeure dans l'air de cette ville d'immigrants; leur souvenir demeure dans un immeuble de la ville de New-York.Vide. Livré aux ombres.Bâtiment aux vieux couloirs fatigués.Par où couraient les enfants , où l'on faisait face à la vie, supportait ses pertes,où l'on nourrissait de folles espérances, tandis que dehors, dans la rue,le monde se pressait, sans jamais lever les yeux vers ces fenêtres.
La troisième nuit, quand l'obscurité revint, Frank Little se remit à avoir peur.
Peur des voleurs, de ces saletés d'insectes, de la nourriture empoisonnée, des fantômes. Peur d'être incapable de parler avec les gens du pays. Peur de passer pour un rigolo aux yeux des gars armés qui se tenait au coin de la rue, à côté du Cine Dorado. Peur de la diarrhée, du rationnement d'eau et des Scorpions. Peur du plan de la ville et de ne rien comprendre. Peur d'avoir une crise cardiaque. Peur parce qu'il était seul et plus tout jeune. Et surtout il avait peur de dormir.
Si on pouvait appeler ça dormir. Quand la nuit dégoulinait sur Managua, l'obscurité semblait bourdonner, et la seule chose que Franck pouvait faire, c'était de s'allonger sur le lit étroit de sa pensión, accablé de chaleur, entièrement nu, tartiné de crème anti-moustiques. Il avait l'impression d'être une volaille au four, rôtissant dans son jus, il priait, avalait de grandes lampées de gin tiède, respirant l'odeur de sa sueur, et il attendait que la lumière finissent par revenir pour rendre aux choses un aspect presque compréhensible.
Chère MIss O'Neill,
Un petit mot pour vous dire combien j'ai apprécié votre compagnie au fil des années ainsi que notre amitié. Je ne suis pas au mieux en ce moment. J'ai un peu peur de temps à autre, et bien sûr j'éprouve des regrets. Les chemins j'amais explorés, etc.
Je ne suis pas du genre à faire des scènes ni à dire ce que je ressens. Ma défunte épouse, qu'elle soit en paix, me gourmandait toujours parce que je ne parlais pas. Mais les hommes sont comme ça, j'imagine. Toutefois, je tiens à vous dire quelque chose qui, j'espère, ne vous bouleversera par trop : de bien des façons, je vous ai aimée comme la soeur que je n'ai jamais eue et même, pour être tout à fait honnête, comme une amie très spéciale. Ce fut un honneur de connaître une dame aussi belle, aussi gentille et pleine de vie. Sans oublier votre esprit enjoué et votre gaîté face à la vie. Tout ce que vous disiez était toujours si plein de bon sens, mais aussi de charité, de compassion envers les autres, de compréhension. A tel point que je me suis dit bien des fois : "Si tout le monde ici-bas était comme ma chère MIss O'Neill, nous ne serions pas dans la panade où nous sommes".
J'aimais particulièrement les jours où vous me rendiez visite dans ma petite boutique, nos longues conversations, nos petites plaisanteries. Les livres sont merveilleux, n'est-ce pas, qui rassemblent les gens. Je pense qu'il représente la meilleure part de nous-mêmes, les livres et la musique. Et le courage.
Hélas, je ne crois pas qu'il y ait grand-chose qui nous attende "de l'autre côté", comme on dit, cependant si c'était le cas, après tout, qui sait ? - je me suis trompé tant de fois ! -, j'ai pris l'engagement spirituel de vous accompagner tous les jours de votre vie, si je le puis.
Au revoir, ma chère MIss O'Neill;
Votre ami aimant