"Une quête commence toujours par la chance du débutant. Et s'achève toujours par l'épreuve du conquérant"
L'Alchimiste, Paolo Coelho.
Son regard s’égara au fur et à mesure que les dessins du tatouage lui rappelaient les souvenirs de ces quarante dernières années. Que de chemin parcouru depuis la petite maison d’enfance où il jouait avec Patsy, sa chienne, et pouvait jouir du bonheur familial. Patsy ferait bientôt elle aussi partie de l’œuvre. Que de joies, que de tristesses, que de souffrances aussi. Une vie normale finalement, à quelques détails près...
- Tu aimes Modigliani ? demanda soudain Natacha.
- Modigliani ! Évidemment.
Il ferma un instant les yeux et se répéta « Modigliani, Modigliani ». Désormais, ce serait enregistré. »
- C’est une copie ? hasarda-t-il.
- Évidemment, allons…
Il fut un peu rassuré, mais ce fut de courte durée, car Natacha ajouta :
- L’original est au coffre ! Tu imagines bien.
- Évidemment, conclut-il.
Machinalement, il souligna son prénom : Natacha… Le plus doux des prénoms pour la plus belle des femmes. Un sourire fendit sa barbe de trois jours lorsqu’il prit conscience qu’il venait de noter ce rendez-vous comme s’il s’agissait d’une réunion ou d’une consultation chez le dentiste, alors que c’était sans aucun doute le seul rendez-vous qu’il aurait été incapable d’oublier.
Natacha…
En regardant une dernière fois le motif final transmis par Eric, il sourit de nouveau en se disant que cette œuvre serait le parfait résumé de ses sentiments, de ses passions, de sa vie. Si tant est que l’on puisse assimiler le quotidien d’un flic, composé d’interminables planques, de rapports à remplir et de criminels à appréhender, à une vie.
Tout en gardant les yeux rivés sur son agenda, il calcula rapidement le temps qui le séparait de cette gare routière où ils s’étaient dit au revoir quelque vingt ans – non, vingt-deux ans – plus tôt. Les souvenirs affluaient d’un coup, sans prévenir, comme une pluie de photos qu’on lui jetterait à la figure.
Encore des coups de feu et une explosion… Le monsieur m’empêche de regarder. Arrêtez ! Où est maman ?
La police arrive et une gentille dame me prend dans ses bras. Mais moi, je veux maman.
– C’est un attentat, mon garçon. Ta maman…
Un attentat ? C’est quoi un attentat ?
Simon reposa le combiné téléphonique sur sa base et ouvrit son agenda pour y inscrire le rendez-vous dont il venait de convenir avec Natacha : le jour même, à 11 heures, au _Café de la paix_ , celui qui fait face au SRPJ1 et qui lui tient lieu de bureau annexe.
- Elle a une faille, un talon d’Achille qui me donne un avantage certain pour la faire parler…
[…] Elle chercha une métaphore plus édulcorée que celle qu’elle avait en tête et murmura :
- Elle préfère le gazon aux baobabs… Si tu vois ce que je veux dire.
Marie était réputée pour ne pas faire dans la dentelle, tant au niveau professionnel que sentimental – si tant est que l’on puisse associer « Marie » et « sentimental » dans la même phrase.