Denis Moreau - Résurrections : traverser les nuits de nos vies
« Je pense, donc je suis ». C'est vrai chaque fois que je le dis. Et quand je ne le dis plus ? Nous ne savons pas trop. Descartes n'a-t-il pas échoué dans son projet de trouver d'autres énoncés aussi certains que celui-là ? Assurément. Et les sceptiques ricanent ? Cela n'a rien d'étonnant. Mais je pense, donc je suis, cela est vrai. C'est certes peu de chose. Mais après tout, c'est déjà ça.
Quand vient le temps des grandes décisions, les bonnets de nuit de la pensée ne sont jamais à cours de bonnes raisons pour tenter de repousser l'échéance, et de se rabattre sur des positions plus confortables et conciliantes, centristes et tièdes.
« Je pense, donc je suis ». C'est vrai chaque fois que je le dis. Et quand je ne le dis plus ? Nous ne savons pas trop. Descartes n'a-t-il pas échoué dans son projet de trouver d'autres énoncés aussi certains que celui-là ? Assurément. Et les sceptiques ricanent ? Cela n'a rien d'étonnant. Mais je pense, donc je suis, cela est vrai. C'est certes peu de chose. Mais après tout, c'est déjà ça.
Denis Moreau (Je pense, donc je suis (Descartes)
On me demande encore : dans tes convictions catholiques, ne connais-tu pas le doute ? Bien sûr que si ! Il ne se passe guère de semaine sans que je me demande : et si tu t'étais trompé ? et si tout cela n'était qu'une fumisterie , une supercherie, des contes ? Cruci-fiction ? En particulier : et s'Il n'était pas ressuscité ? Et si Feuerbach, Nietzsche, Marx, Freud et même tant qu'on y est Michel Onfray avaient raison ? Je peux donc faire mienne la boutade de Georges Bernanos : "Une journée de foi, c'est vingt-quatre heures de doute moins une minute d'espérance."
Tout comme on se grandit, dans sa vie personnelle, à reconnaître ses erreurs et à en demander pardon, j'estime que mon Eglise doit admettre qu'il lui est arrivé d'errer, parfois gravement, qu'elle doit savoir reconnaître ses torts, faire acte de repentance et, lorsque c'est encore possible, dédommager ses victimes.
Cela signifie-t-il que l'Eglise, la communauté des croyants, a des torts et commet des actes répréhensibles ?
La réponse est : oui, évidemment.
Il faut une conception de l'Eglise très naïve, dans laquelle communient catholiques idéalistes et anticatholiques mal informés, pour penser le contraire. Il serait extraordinaire qu'en deux mille ans d'histoire, une réalité qui a structuré la vie de plusieurs milliards d'êtres humains, avec leurs grandeurs mais aussi avec leurs inévitables faiblesses, lâchetés, cruautés, n'ait rien à se reprocher.
Quant à moi, j'ai lu Nietzsche, et c'est, d'un point de vue chrétien, autrement revigorant que la routine bien-pensante : sa charge contre le christianisme représente une des critiques les plus pertinentes adressées à cette religion. La confrontation avec Nietzsche constitue une épreuve de vérité à laquelle le christianisme et les intellectuels chrétiens ne sauraient se soustraire, s'ils ne refusent pas le débat par lâcheté ou isolement théorique. Un chrétien postnietzschéen qui réfléchit sur sa foi doit accepter de poser, avec Nietzsche, la question de l'évaluation du christianisme, de la" valeur de valeurs" qu'il défend et contribue à produire. Il peut de la sorte considérer le nietzschéisme comme une ressource efficace pour prémunir les chrétiens eux-mêmes contre le piège de la réactivité et les ténèbres de l'opposition permanente.
P18-19

L'eutrapélie désigne la vertu qui consiste à s'accorder une légitime détente. L'eutrapélie est une vertu, c'est-à-dire une capacité à bien agir. Pour Thomas [d'Aquin], une vertu est toujours un moyen terme entre ces deux extrêmes que sont d'une part une exagération et d'autre part un manque (de là vient la locution latine in medio stat virtus, "la vertu se tient au milieu"). Ce moyen terme ne signifie pas une moyenne statistique ou un compromis médiocre, mais un optimum, la meilleure façon d'exercer nos capacités : par exemple, la vertu de courage est le juste milieu entre deux "vices", la couardise et la témérité ; la vertu de générosité est le juste milieu entre avarice et prodigalité ; etc. L'eutrapélie constitue quant à elle un cas particulier de cette grande vertu "cardinale" qu'est la tempérance, conçue comme la capacité à être modéré, à user sur le mode du ni trop ni trop peu des bonnes choses de la vie (la boisson, la nourriture, le sexe, le rire, etc.). C'est le juste milieu entre la paresse et l'agitation permanente, et elle consiste donc à accorder à l'esprit crispé, fatigué par le travail, la détente qui lui permet de ne pas se briser sous la tension accumulée.
« Je pense, donc je suis ». C'est vrai chaque fois que je le dis. Et quand je ne le dis plus ? Nous ne savons pas trop. Descartes n'a-t-il pas échoué dans son projet de trouver d'autres énoncés aussi certains que celui-là ? Assurément. Et les sceptiques ricanent ? Cela n'a rien d'étonnant. Mais je pense, donc je suis, cela est vrai. C'est certes peu de chose. Mais après tout, c'est déjà ça.

Aux jours de démoralisation conjugale, se souvenir que le premier acte public du Christ, lors des noces de Cana, fut de remettre sur un droit et joyeux chemin un mariage qui menaçait de mal tourner.
J’ai éprouvé dans mon existence d’époux une indéniable dimension de combat : contre le temps qui coupe les ailes de l’amour, contre les puissances de destruction du couple [ ] En tant qu’époux, je souhaite ainsi pouvoir dire au soir de ma vie « j’ai combattu un beau combat, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je sui resté fidèle.
Amateur de course à pieds, j’ai souvent médité cette similitude paulinienne entre le cheminement au long cours d’un couple et une longue course de fond [ ] La course idéale se réalise en courant la seconde moitié de l’épreuve légèrement plus vite et mieux que la première - ce qui peut donner espoir d’avoir encore de belles et importantes choses à accomplir passé le mitan d’une vie où les vingt ans de mariage.
Je serai triste sans nul doute. Mais peut être pas tant que cela. Par ce que ce qui, à vue humaine, constituera la fin de notre union signifiera également que nous avons tenu, que nous sommes allés au bout du chemin, ensemble. Le jour où le premier de nous deux mourra sera aussi celui du triomphe de notre amour, de notre définitive victoire d’époux
Quand vient le temps des grandes décisions, les bonnets de nuit de la pensée ne sont jamais à cours de bonnes raisons pour tenter de repousser l'échéance, et de se rabattre sur des positions plus confortables et conciliantes, centristes et tièdes.