Marquée par l'échec de François Fillon, éliminée au premier tour de la présidentielle avec 20% des voix, puis des européennes n'ayant rassemblé que 8,14% des suffrages autour de François-Xavier Bellamy, la droite française paraît aujourd'hui manquer d'un leader capable de rassembler autour d'idées clairement définies.
L'un des grands enjeux de la droite pour la présidentielle de 2022 sera alors de réussir à se démarquer des thématiques sécuritaires du Rassemblement national et du programme économique de la République en marche.
Que représente aujourd'hui la droite française ? Comment a-t-elle évolué depuis De Gaulle ? Sur quel terrain politique peut-elle gagner les prochaines présidentielles ?
Pour en parler nous recevons Arnaud Teyssier, historien, essayiste spécialiste d'histoire politique de la Ve République et haut-fonctionnaire. Son dernier livre L'énigme Pompidou / De Gaulle est paru chez Perrin (mars 2021). Il est rejoint par Sarah Belouezzane, journaliste au service politique du Monde.
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 1 Septembre 2021)
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Et c'est la raison pour laquelle le désir, nécessairement, produit de la violence. C'est la raison pour laquelle la société, nécessairement, est travaillée de violence ; le «vivre ensemble» est décrit comme une valeur suprême, mais il n'y a rien de plus épouvantable que le vivre ensemble !
Nous en parlons comme si c'était une promesse de paix et de bonheur. Mais le vivre ensemble, c’est l'enfer ! Il faut rompre avec l'illusion romantique, ne plus rêver d'un monde sans violence. Vivre avec les autres, c'est nécessairement le début de tous les ennuis, parce que c'est désirer ensemble exactement la même chose et passer notre temps à combattre pour obtenir précisément ce que l'autre désire.
La culture n’est pas un avoir, elle n’est pas un bagage ni un capital. Le capital que vous transmettez se divise en autant de parts que de personnes qui le reçoivent ; la culture, en revanche, et c’est tout le miracle de la transmission, se multiplie à mesure que vous la partagez. Elle s’augmente dans l’acte qui la transmet, à la différence d’un capital. En revanche, si vous ne la transmettez plus, elle disparaît. La culture meurt quand elle n’est pas transmise.
(Conférence à l'institut Diderot, "l'avenir de l'enseignement")
Espérance et optimisme (…) Il arrive souvent que les deux termes soient confondus ; rien pourtant n’est plus opposé, au point que ces deux attitudes existentielles sont en fait incompatibles l'une avec l'autre. Dans un article de 1942, publié plus tard dans les Essais et écrits de combat, Georges Bernanos dénonçait cette confusion :
«Je sais bien qu’il y a parmi vous des gens de très bonne foi, qui confondent l'espoir et l’optlmisme. L’optimisme est un ersatz de l'espérance, dont la propagande officielle se réserve le monopole. Il approuve tout, il subit tout, il croit tout, c’est par excellence la vertu du contribuable. Lorsque le fisc l’a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s’abonne à une revue nudlste et déclare qu’il se promène ainsi par hygiène, qu’il ne s’est jamais mieux porté. »
La différence entre celui qui a un vocabulaire étendu et celui qui a un vocabulaire très pauvre, c’est que le second, ne pouvant nommer ses propres émotions, ses propres intuitions, est en fin de compte privé de sa propre vie intérieure. Celui qui n’a pas les mots pour dire l’injustice qu’il éprouve, les blessures qu’il ressent, n’aura plus pour s’exprimer et protester que la violence.
(Conférence à l'institut Diderot, "l'avenir de l'enseignement")
Voilà peut-être ce qu on appelle, ce qu'on devrait appeler, le miracle de la politique. On ne peut pas rêver d'un monde sans violence. On ne peut que tenter de construire un monde qui nous préserve de notre propre violence, en construisant contre elle l'autre de la violence, c'est-à-dire l'expérience politique. Et voilà une piste vers la réponse qui pourrait nous permettre de vivre ce grand rêve dont nous devons continuer, j en suis sûr, d’être habités. Quant à savoir si ce rêve se réalisera, cela, chers amis de la vérité, c'est encore une autre question...
Pouvoir trouver en quelques clics toutes les grandes dates des siècles passés ne nous dispense pas d'apprendre la chronologie de notre histoire: car la connaître, c'est pouvoir se situer dans le temps; c'est comprendre, prendre avec soi, dans leur épaisseur propre, les périodes et les ruptures qui ont contribué à faire de nous ce que nous sommes, et ainsi mieux nous comprendre nous-mêmes.
la philosophie montre en effet que c’est en lisant ce que d’autres ont écrit que nous pouvons développer une pensée personnelle.
Là où la culture n'est plus transmise, il ne faut pas s'étonner de voir resurgir le contraire de la culture, c'est à dire une forme de barbarie.
[Public Sénat, 2 mars 2021]
Il n’y a pas d’alternative : il faut aimer cette culture, accepter de la recevoir et de la transmettre — ou bien n’en aimer aucune. Bourdieu reconnaissait qu’on ne peut faire d’un enfant « l’indigène de toutes les cultures » ; et ce ne sont pas nos programmes scolaires, qui ont abandonné des pans entiers de l’histoire de France pour faire place aux « civilisations extra-européennes », qui y parviendront. Encore une fois, c’est mettre le but avant le chemin : un collégien ne s’ouvrira pas sur l’universel pour avoir eu des aperçus universitaires sur toutes les cultures du monde ; c’est en apprenant à bien connaître sa propre culture qu’il se prépare à rencontrer demain le monde en adulte ouvert, curieux et capable de discerner la valeur de l’altérité.
Avec ses règles et ses contraintes, la langue est ce dans quoi prend forme une pensée, le rythme qui la structure, l'exigence qui la pousse vers son aboutissement. La gêne même qu'elle nous impose est ce qui donne corps à nos idées. L'orthographe, par exemple, est nécessaire - et pas seulement pour réussir en société : elle est nécessaire pour penser.