Je n'oublierai jamais ma première rencontre avec les gorilles. J'entendis, je sentis avant de voir : le bruit d'abord, puis une puissante odeur musquée, une odeur de basse-cour et en même temps, une odeur presque humaine.
Quand on comprend la valeur de toute vie, on s'attarde moins sur le passé et on se concentre plus sur la sauvegarde de l'avenir.
Je n'oublierai jamais ma première rencontre avec les gorilles. J'entendis, je sentis avant de voir : le bruit d'abord, puis une puissante odeur musquée, une odeur de basse-cour et en même temps, une odeur presque humaine. L' air retentit soudain de cris perçants suivis d'un bruit de battements rythmés. C'était un énorme mâle à dos argenté, caché derrière un rideau de végétation impénétrable, qui se frappait la poitrine.
Les idées américaines et européennes sur la préservation des animaux sauvages sont à mille lieux des préoccupations des paysans et, à juste titre, elles leurs paraissent aberrantes. Ce qu' ils doivent comprendre, par contre, c'est que la montagne constitue un château d'eau indispensable à leur propre survie. Les forêts des Birunga recueillent 10% de la pluie qui tombe au Ruanda et qui va irriguer les cultures situées au pied des montagnes. L'avenir de chaque famille de cette région est donc étroitement lié à celui du Parc des Volcans. La disparition de la forêt entrainera inévitablement la disparition des cultures.
En onze ans, Karisoke vit défiler vingt et un étudiants que j'essayais de former pour en faire des recenseurs. La plupart n'étaient pas capables de fournir les efforts nécessaires et ne firent que de brefs séjours au camp. Bêtement, je m'étais imaginé que tout le monde partageait mon enthousiasme pour la montagne et les gorilles. Il ne m'était jamais venu à l'esprit que les marches épuisantes sur les pistes boueuses, les nuits passées dans des sacs de couchage mouillés, les réveils où l'on enfilait des jeans et des bottes trempés et où l'on avalait des biscuits secs comme petit déjeuner, ne correspondaient pas exactement à l'idée que chacun se faisait du paradis.
"Avant de détacher le collet qui retenait la patte de la courageuse petite antilope, je jetai un coup d'oeil aux gorilles et ne pus retenir un éclat de rire. Quatre jeunes mâles étaient assis sur une branche basse d'un Haguenia à quelques mètres de là, fascinés par ce que nous faisions. J'eus la nette impression qu'ils nous apportaient leur soutien moral. Un peu plus loin, le reste du groupe nous observait intensément à travers les arbres. Quand l'antilope fut libérée et s'échappa d'un bond, les quatre gorilles se frappèrent vigoureusement la poitrine et descendirent de leur perchoir. Leur sens de l'observation, leur curiosité m'émerveillèrent, une fois de plus."
Pour assurer la protection de l'espèce, certains préconisent la capture des gorille et leur emprisonnement dans les zoo ou des endroits similaires. Par la suite des liens le familiauxm étroits qui existent chez les gorilles, la capture d'un seul jeune peut entraîner la mort de plusieurs membres du groupe familial. De plus, tous les animaux capturés ne parviennent pas vivants à destination. On estime qu'un tiers seulement survit. La mortalité dans les zoos contribue encore à diminuer le nombre de gorilles. Je m'élève avec la plus vive d'énergie contre la théorie selon laquelle le massacre, la capture des gorilles et leurs expositions dans les zoos sont des moyens d'empêcher la disparition de ces animaux.
Je compris que tout observateur du monde des animaux sauvages est un intrus et qu’il doit en accepter et en respecter les règles. Il doit savoir aussi que le souvenir du premier contact influera sur le comportement de l’animal les jours suivants.
Je quittais Kabara avec regret, mais convaincue qu'un jour ou l'autre je reviendrais pour en apprendre davantage sur les gorilles de la montagne perdue dans la brume.