Une forme d’histoire muséale américaine, avec en fil rouge celle de la Smithsonian Institution de Washington, racontée par un narrateur conscient mais sans rôle, comme un vieil oncle encyclopédiste et bavard, rasant vaguement l’assemblé de ses récits académiques construits sur des causalités simplificatrices et naïves, voir sur des erreurs scientifiques motivées par l’ethnocentrisme américain supposé.
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Procédé bizarre, ce truc: on nous raconte une histoire, en brouillant volontairement le vrai du faux, mais sans aucune intention d’établir « un narrateur non fiable », l’oncle barbant restant bien enfoncé dans son fauteuil, divaguant-jacassant sur la vie personnelle de tel ou tel personnage, sans aucun intérêt pour l’histoire générale, souvent sans suites, si ce n’est ce chat dont il nous parle plusieurs fois… sans jamais sortir, montrer son visage, et pourquoi nous raconte-t-il cette histoire imbibée de ses biais personnels ?
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Bien-sûr, il se fout un peu de nous, humour dans la tasse de thé, la vôtre ou bien celle des autres; personne ne songe à se verser quelque chose de plus fort, alors que la maitresse de maison se prépare à resservir les jus de fruits.
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Curieux livre, fait de courts foisonnements anecdotiques, comme les bases d’un travail beaucoup plus grand, ponctué de chapitres-paragraphes, certains comme ruptures narratives, plus elliptiques et « littéraires », d’autres nous intéressant à des caractères, pour ensuite les abandonner d’une carte postale, le Musée et la relativité humaine comme uniques sujets.
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C’est sûrement de ça qu’il s’agît, au fond. Un début d’interrogation sur l’Histoire, la manière dont on la montre ou raconte; de la notion de spectacle dans la diffusion de la culture; de la subjectivité civilisationnelle sous couvert d’universalisme; etc…. oui, mais tout le monde dans le salon dort déjà, les animaux empaillés encore plus que les autres… l’oncle se retire sans bruit, maugréant tout bas qu’il n’avait pas encore terminé.
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Mon libraire m'en avait vanté toutes ses qualités dans un post scriptum à sa newsletter et j'avoue que ça m'avait mis l'eau à la bouche. Du coup, sitôt le salon du livre arrivé, je me suis précipitée (façon de parler bien sûr) au stand régional de la maison d'édition, L'Arbre Vengeur. Bon accueil et marques pages en cadeau je repars avec le trésor sous le bras. Bien entendu, comme d'habitude, je ne le lis pas de suite. J'attends le moment propice. Et ce fameux moment est arrivé. J'ai terminé la lecture de ce petit roman de 142 pages.
Ours n'a rien à voir avec une histoire à raconter aux enfants. C'est plutôt une histoire à conter aux adultes, tout fraîchement sortis de l'enfance, et même avec encore un orteil dedans.
À Buenos Aires, les enfants sont frappés d'insomnie incurable qui rend la vie de leurs parents impossibles. Mais il existe un remède, sous la forme d'un ours en peluche qui aide les enfants à s'endormir. Une jeune mère part en quête de ce miracle, mais elle fait très vite face à la dure réalité des miracles : ils sont rares et difficiles voire impossibles à atteindre. Dans le magasin de jouets où elle se résout à repartir bredouille, elle trouve un ours en peluche qu'elle pense être le fameux Doux Dodo dans un bac à l'écart. La vendeuse lui rétorque que ce jouet n'est pas à vendre car défectueux. Mais la mère désespérée décide de le voler... Comme vous l'aurez deviné, l'ours en peluche ainsi volé est totalement diabolique.
Alors non, ce n'est pas non plus un livre d'horreur et l'ours ne va pas chercher à tuer l'enfant (j'entends déjà des "dommage !" au fond). Il va simplement faire l'inverse de ce pour quoi la mère l'a subtilisé, à savoir empêché l'enfant de s'endormir. Comment ? En lui racontant des histoires. Et c'est ainsi que l'on apprend comment les enfants de Buenos Aires ont été frappés d'insomnie. Il y a des ours, des ogres, des grenouilles et des baisers A. C'est sympathique et frais, c'est assez drôle et sans prétention. C'est à découvrir absolument. Les pages se tournent toutes seules et le ton est léger, l'écriture bien tournée. On compatit avec la mère, on tremble face à l'ogre et on apprécie Esméralda la grenouille. C'est très agréable et surtout ça change, apporte un peu de renouveau dans les lectures.
À lire !
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Microbes est un recueil de nouvelles de l’Argentin Diego Vecchio consacré aux liens entre la maladie et la littérature. Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire ?! Cela ne semble pas très sérieux. Précisément, ce ne l’est pas. Microbes est un recueil de science-fiction louchant vers le fantastique et l’absurde, mais de science-fiction tout de même, a-t-on envie d’ajouter. Pas de vaisseaux intergalactiques ou de petits hommes verts mais des descriptions cliniques rigoureuses des maladies qui parcourent ce recueil. Diego Vecchio est, parait-il, hypocondriaque. On l’aurait parié : certains passages n’auraient pu être écrits, pour le commun des mortels, qu’avec un dictionnaire médical sur les genoux. A l’inverse, j’imagine que notre anxieux écrivain connait sur le bout des doigts toutes les altérations du corps humain…
Toujours est-il donc que les descriptions cliniques pullulent et semblent très sérieuses – je ne suis ni médecin ni hypocondriaque, dois-je le préciser ? Elles côtoient des développements improbables voir furieusement fantasques. Jugez-en : une femme guérissant les maladies infantiles en lisant des contes, un ponte d’université qui pour traduire Hippocrate discute avec son fantôme et lui laisse l’un après l’autre ses organes en échange de son aide, un vampire philanthrope qui ne suce que les lipides, une herboriste attelée à la rédaction d’un savant ouvrage découvrant le complot terroriste ourdi par le Règne Végétal, etc.
Toutes les nouvelles travaillent, sans s’interdire aucun développement farfelu ou fantastique, les liens le plus souvent imaginaires entre littérature et maladie. Résultat : on s’enthousiasme devant tant d’imagination, on se marre plutôt deux fois qu’une. Un regret tout de même en forme de revers de la médaille : Dans une ou deux nouvelles, on peine un peu à suivre l’auteur dans ses délires…
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Ce recueil de Diego Vecchio contient neufs nouvelles concernant des écrivains fictifs atteints des maladies les plus improbables qui soient. Ces textes très originaux et étonnamment légers mêlent le banal à un surréalisme débridé.
L'humour de l'auteur, davantage absurde que noir, m'a rappelé celui du Belge Bernard Quiriny et est très présent dans chacune des nouvelles.
Toutefois si l'on peut sourire à l'évocation du destin pathétique de ces soeurs siamoises soviétiques dont l'une est une scientifique reconnue quand l'autre est une dramaturge incriminée par la justice de son pays ou encore face à cette pyromane hongroise qui veut à tout prix sauver le monde d'un vaste complot végétal dirigé par quelques lys d'un parc de Budapest, je dois avouer que deux ou trois récits sur les neuf (La fille à la peau sur les os, L'homme au bordel) m'ont laissé assez indifférent.
Diego Vecchio varie agréablement les lieux et les époques (par exemple : Japon contemporain, URSS, Empire d'Autriche-Hongrie) et évite les redondances entre les différentes histoires.
Je m'interroge au contraire vis à vis de certaines des nouvelles où j'ai l'impression que cet auteur argentin qui déborde visiblement d'idées étonnantes a essayé d'en faire rentrer deux là où une seule aurait largement suffit.
Bref, Microbes fut pour moi une lecture agréable mais loin d'être mémorable.
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Ce livre est un conte, mais pas un conte pour enfant, loin de là. À première vue, l’écriture est infantile, les personnages sont manichéens et digne d’un livre pour les petits, les animaux sont trop choux, etc. Mais quand on creuse, on trouve quelque chose de complètement différent.
De quoi ça parle donc ? L’intrigue tourne autour du fait que les enfants de Buenos Aires n’arrivent plus à dormir. Bon, connaissant déjà Diego Vecchio avec son livre Microbes, je m’attendais à de l’exagération – et je ne me suis pas trompée : tous les enfants qui apparaissent dans le livre sont insomniaques, les parents sont fous de fatigue, ils font des pieds et des mains pour les forcer à dormir, inventent des moyens toujours plus ingénieux, mais qui échouent les uns après les autres… Le cas est tellement grave (échelle nationale, s’il vous plaît) qu’une industrie dans les jouets pour enfants se lance dans la création d’un ourson spécial, très spécial… Mais il ne faut pas compter sans le méchant ogre de Buenos Aires, qui veut se venger des pitits n’enfants (qui lui ont rien fait, soit dit en passant, mais bon).
Oui, la façon dont je le raconte n’est pas très crédible. Mais les thèmes abordés sont beaucoup plus noirs qu’à première vue. La forme, toute naïve et innocente, cache bien son jeu. L’auteur fait apparaître des animaux protecteurs (les grenouilles Esméralda et Espéranza, les ours en peluche), des animaux malfaisants (l’ogre maudit, le rhinocéros blanc et le rhinocéros noir), et d’autres qui sont issus directement de l’imaginaire des enfants, comme les moutons qu’on compte avant d’aller se coucher.
Diego Vecchio évoque – doucement – la Seconde Guerre mondiale en apparentant les rhinocéros aux SS (mais apparemment, c’est un effet de traduction, car en version originale il fait référence à une guerre qui a eu lieu en Argentine, non pas à la Seconde Guerre mondiale), les mensonges que font les adultes pour ne pas éveiller la méfiance des enfants, l’amitié, le besoin l’un de l’autre, le respect de la nature. Il emploie des hyperboles amusantes et volontairement hors de propos qui ont le mérite de faire rire : « Si, au bout d’une semaine, votre fils ne dort pas comme la momie d’un pharaon de la dix-huitième dynastie dans la chambre secrète d’une pyramide, nous vous rendons votre argent. »
C’était amusant de lire ce livre. Un peu irritant parfois, à cause d’une trop grande utilisation de l’écriture pour enfant, mais sympathique. L’imagination de Diego Vecchio est surprenante : par exemple il a inventé le concept de la materline, une molécule qui fournit l’énergie nécessaire à toute femme pour être une bonne mère. À la lecture, ça faisait un peu robot. Ou drogué^^
En fait, ce qui fait surtout ressortir la juvénilité de l’écriture, c’est bien le comportement même des enfants dans l’histoire. Tout est crédible : leurs jeux, leur façon de penser, leur manière de passer au-dessus du risque, de ne pas penser à la probable colère maternelle s’ils font une bêtise... Je me suis très bien reconnue en eux, et j’imagine que ça ne doit pas être évident pour un adulte d’écrire comme un enfant.
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Panique dans les foyers : les enfants ne s'endorment plus. Les parents qui déployaient au début des trésors de patience commence à souffrir du manque de sommeil et ne pourront bientôt plus contenir leur agacement... Heureusement, une société chinoise commercialise un ours en peluche capable d'endormir garnements les plus résistants ou les plus apeurés une fois la nuit tombé. Résultat garanti. Puisque nous sommes chez l'Arbre Vengeur, personne ne sera surpris en apprenant que l'ours parle et que ses méthodes sont pour le moins originales...
Voilà la première trame du roman. Car ensuite, une fois l'ours acheté, c'est un tout un bestiaire bavard qui est convoqué par Diego Vecchio pour former un récit plus débridé qu'il ne l'était déjà : vous y croiserez un ogre maudit et vengeur, des grenouilles enchanteresses et même un inquiétant Casimir. C'est du grand n'importe quoi, comme seuls savent le faire les enfants lorsqu'ils se racontent des histoires. Si vous aimez qu'on vous en raconte et que vous appréciez l'imagination débridée des enfants, ce livre est fait pour vous.
Un livre, comptine bizarre, qui manque sans doute d'ambition mais qui reste très agréable et léger.
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Lu en Juillet 2018
Je ne me suis attachée ni à l'enfant ni à sa famille ni à une peluche. Histoire courte donc rapide à lire mais sans émotion ressentie.
Ce livre de contes est plus destiné à des enfants pré-pubères ou de jeunes parents.
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Une œuvre originale, divertissante & jouissive, intelligente et poétique variation sur le repos & les rêves d’enfants, où les contes concourent dans un marathon des mille et une nuits. Pour lire ma chronique dans son intégralité, un clic : http://notesvagabondes.wordpress.com/2014/03/30/ours-diego-vecchio/
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Très amusant !
L'auteur nous fait ressurgir toutes nos peurs enfantines à travers ce petit conte, pour adultes !
J'ai dévoré ce livre dont l'univers fantastique et poétique plaira à beaucoup de monde.
Vous n'achèterez plus d'ours en peluche.
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L'un des livres les plus intelligemment écrits qu'il m'ait été donné de lire!
9 nouvelles qui nous emmenent aux quatre coins du monde pour nous présenter 9 maladies improbables, loufoques... et littéraires.
On y rencontre un jeune étudiant qui pour traduire le Corpus Hippocraticum loue des partie de son coprs au fantôme d'Hippocrate lui-même. Ou encore une mère de famille qui invente des contes pour guérir toutes les maladies, du rhume à varicelle. Une jeune japonaise anorexique qui ne doit sa survie qu'à la lecture des phrases qui enveloppe des bonbons. Un homme dont le corps se transforme peu à peu en celui d'un poulet.
Diego Vecchio, de son propre aveu hypocondriaque, est un auteur brillant, il n'y a pas d'autre mot, qui mérite vraiment d'être lu et reconnu de tous.
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