Ce livre est un conte, mais pas un conte pour enfant, loin de là. À première vue, l'écriture est infantile, les personnages sont manichéens et digne d'un livre pour les petits, les animaux sont trop choux, etc. Mais quand on creuse, on trouve quelque chose de complètement différent.
De quoi ça parle donc ? L'intrigue tourne autour du fait que les enfants de Buenos Aires n'arrivent plus à dormir. Bon, connaissant déjà
Diego Vecchio avec son livre
Microbes, je m'attendais à de l'exagération – et je ne me suis pas trompée : tous les enfants qui apparaissent dans le livre sont insomniaques, les parents sont fous de fatigue, ils font des pieds et des mains pour les forcer à dormir, inventent des moyens touj
ours plus ingénieux, mais qui échouent les uns après les autres… le cas est tellement grave (échelle nationale, s'il vous plaît) qu'une industrie dans les jouets pour enfants se lance dans la création d'un
ourson spécial, très spécial… Mais il ne faut pas compter sans le méchant ogre de Buenos Aires, qui veut se venger des pitits n'enfants (qui lui ont rien fait, soit dit en passant, mais bon).
Oui, la façon dont je le raconte n'est pas très crédible. Mais les thèmes abordés sont beaucoup plus noirs qu'à première vue. La forme, toute naïve et innocente, cache bien son jeu. L'auteur fait apparaître des animaux protecteurs (les grenouilles Esméralda et Espéranza, les
ours en peluche), des animaux malfaisants (l'ogre maudit, le rhinocéros blanc et le rhinocéros noir), et d'autres qui sont issus directement de l'imaginaire des enfants, comme les moutons qu'on compte avant d'aller se coucher.
Diego Vecchio évoque – doucement – la Seconde Guerre mondiale en apparentant les rhinocéros aux SS (mais apparemment, c'est un effet de traduction, car en version originale il fait référence à une guerre qui a eu lieu en Argentine, non pas à la Seconde Guerre mondiale), les mensonges que font les adultes pour ne pas éveiller la méfiance des enfants, l'amitié, le besoin l'un de l'autre, le respect de la nature. Il emploie des hyperboles amusantes et volontairement hors de propos qui ont le mérite de faire rire : « Si, au bout d'une semaine, votre fils ne dort pas comme la momie d'un pharaon de la dix-huitième dynastie dans la chambre secrète d'une pyramide, nous vous rendons votre argent. »
C'était amusant de lire ce livre. Un peu irritant parfois, à cause d'une trop grande utilisation de l'écriture pour enfant, mais sympathique. L'imagination de
Diego Vecchio est surprenante : par exemple il a inventé le concept de la materline, une molécule qui fournit l'énergie nécessaire à toute femme pour être une bonne mère. À la lecture, ça faisait un peu robot. Ou drogué^^
En fait, ce qui fait surtout ressortir la juvénilité de l'écriture, c'est bien le comportement même des enfants dans l'histoire. Tout est crédible : leurs jeux, leur façon de penser, leur manière de passer au-dessus du risque, de ne pas penser à la probable colère maternelle s'ils font une bêtise... Je me suis très bien reconnue en eux, et j'imagine que ça ne doit pas être évident pour un adulte d'écrire comme un enfant.