- Pierre Desproges, vous êtes d’abord un écrivain !
- Je dirais plutôt écriveur. Écrivain, c’est trop pompeux, trop encenseur pour ce que je fais. Et en même temps trop restrictif. Je suis un amoureux du verbe... Je peux oublier de manger, de faire l’amour, de boire - pas souvent -, mais je ne peux pas oublier de lire. Je ne peux pas passer un jour sans lire. C’est plus nécessaire que le Picon-bière.
Desproges était un amoureux de la vie. Et c'est probablement ce que ces jeunes lecteurs ressentent le mieux. La servilité n'était pas son fort et il fut régulièrement censuré pour une "quéquette" intempestive ou l'assassinat d'un immortel
La maquilleuse d’un téléfilm sur lequel il joue les utilités lui fait part de son inquiétude :
« A quoi ça sert Cyclopède ? »
Réponse de Desproges : « Ça sert à intriguer. »
« Et comment savez-vous que ça intrigue ?
- Parce qu’on me demande à quoi ça sert. »
Chiant, maniaque, possessif, impitoyable, mais aussi chaleureux, tendre et attentionné, il était selon ses proches "celui qu'on attendait et dont on ne pouvait se passer". Bien qu'il s'en défendit Desproges était un moraliste, un faux misanthrope, qui, comme le personnage principal de son unique roman, "aimait trop les humains pour les tolérer médiocres".
Et le citoyen Desproges? " Je ne vote pas, dit-il. Mais je voterais s'il y avait une menace noire ou rouge."
Je crois en la sainte trinité de la déraison, de l'ironie et de la futilité.
Des années plus tard Alphonse dressera un constat terrible de la situation, celui d'une France humiliée sous les cris de la victoire : "On est symbolique en quelque sorte de l'état de la France à cette époque... la pagaille, la misère, la mendicité. On a juste de Gaulle qui nous cocorique la victoire, mais rien dans nos galtouses, nos fouilles [...] Nos libérateurs, on les amuse à l'occasion, nos filles et nos mères les sucent, nous on quémande..."
Il sait qu’il doit se faire discret et éviter les débordements : «Un pénible folliculaire figaroteux est venu m’interviouver chez Plon. Il voulait me photographier, je l’ai menacé de lui casser la gueule.» C’est le début d’une relation compliquée avec les journalistes, dont il se méfie depuis ses précédentes apparitions dans les colonnes des faits divers. Et ça n’augure pas d’une bonne critique dans le journal.
Les lettres lui arrivent chaque jour avec leur lot de tapeurs. Au fil des ans, sa clientèle s’est diversifiée : "Selon le livre publié, ça me ramène les malades, les cinéphiles (ce qui revient au même), les anciens maquisards, les obsédés sexuels… un vieil artilleur qui vous tance à propos d’une petite erreur… un 75 qui n’était pas en 1944 sur une certaine sorte de blindé de l’armée américaine. […] On attend tous – enfin mes confrères hétéros – la lettre d’une charmante avec sa photographie dans un camp de nudistes. «Je suis à vous, cher Maître, demain soir.» Elle n’arrive pas, bien sûr."
"Je n’ai pas souffert du manque de respectabilité bourgeoise. Que foutre ! J’ai vite bifurqué dans les délinquances. Ma mère n’en était pas responsable… J’avais sans doute des chromosomes louches non identifiables."