En août 2012, j’étais en Écosse et dans chaque librairie où je m’arrêtais (c’est-à-dire toutes celles qui croisaient mon chemin hihi), je voyais les livres de cette trilogie qui faisait fureur chez les anglo-saxons. Et puis le phénomène est arrivé en France, et là plus moyen de s’en débarrasser… Mais surtout, qu’y a-t-il vraiment dans ce livre ? Pourquoi des millions d’exemplaires vendus et des réactions aussi virulentes, qu’elles soient positives ou négatives ? C’est finalement la sortie du film qui m’a poussée à lire le fameux Cinquante Nuances de Grey d’E. L. James, histoire de me faire MON avis.
Ana remplace sa coloc’ et meilleure amie au pied-levé pour une interview à Seattle, avec un jeune PDG à qui tout réussit. Christian Grey est immédiatement très intéressée par Mademoiselle Anastasia Steele, et une relation pour le moins inhabituelle va commencer entre eux.
J’ai pu constater dès le premier chapitre qu’en effet, ce n’est pas bien écrit. L’auteure ne fait aucun effort de ce côté-là, c’est du langage parlé, au vocabulaire assez limité, mais ça a l’avantage de se lire très vite et sans effort. Les pages se tournent rapidement et sans y penser. J’ai lu des livres écrits dans un style qui m’ont plus dérangée que ça, et puis j’étais au courant pour Cinquante Nuances, donc je suis passée outre et j’ai continué à lire.
Les personnages m’ont bien plus embêtée. Ils sont si caricaturaux, si peu approfondis et souvent si stupides… Ana n’a pas l’air d’être de notre époque. Qu’elle soit vierge au début du roman ne me choque pas, il y a une part non négligeable de la population américaine qui atteint les 30 ans sans avoir fait le « grand saut ». Non, ce qui fait vraiment bizarre, c’est qu’on dirait qu’elle n’y connaît absolument rien et n’a pas la moindre once de curiosité en elle. Elle a traversé l’adolescence apparemment d’une façon normale, idem pour ses années de fac, et elle veut nous faire croire qu’elle n’a jamais pensé au sexe, n’a jamais voulu en savoir plus, que ce soit en embrassant un garçon une fois, en faisait des recherches sur le net ou en essayant de se faire plaisir toute seule ? Franchement, je n’y crois pas. Elle aurait pu être sympathique pourtant, et des lectrices se sont identifié à elle, jeune femme « timide et effacée », mais pour ma part je l’ai trouvée énervante à faire la girouette, et elle n’a aucune force de caractère.
Quant à Christian Grey, c’est l’exact opposé. Lui il sait tout, il a tout fait et maîtrise tout, même le « sexe-vanille » qu’il dit pourtant ne jamais pratiquer. On a donc la rencontre explosive entre la nana vierge, qui se trouve en plus être hyper-réceptive et avoir des orgasmes en deux temps, trois mouvements, ce qui existe, notez bien, mais il faut justement que ce soit elle qui tombe sur le dieu du sexe, meilleur que tous les autres hommes réunis – et qui bien sûr a une sexualité particulière, exclusivement articulée autour de la domination-soumission. Et évidemment, ils sont parfaitement compatibles et chaque partie de jambes en l’air est extraordinaire, aucun des deux n’est jamais trop fatigué ou chamboulé pour se rater un peu. Ça fait beaucoup de coïncidences. Ajoutez à ça que Grey est si riche qu’il se permet (« parce que je le peux » répond-il à Ana quand elle lui demande pourquoi il lui achète tel ou tel truc très cher) tous les caprices possibles et imaginables. Zéro normalité ou crédibilité là-dedans, et rien à quoi j’ai pu m’accrocher ou m’attacher.
Les personnages secondaires sont complètement creux. Si l’auteure avait pu trouver un moyen d’écrire son histoire sans que d’autres protagonistes que Ana et Christian apparaissent, elle l’aurait sûrement fait. Surtout que le narrateur, c’est Ana. On voit tout par ses yeux et ses pensées, qui ne volent pas bien haut. Au début il y a quelques références littéraires et musicales, mais plus on avance dans la lecture et plus elles se font rares. Ce qui m’a surtout exaspérée, ce sont les luttes incessantes entre sa « conscience » (la voix de la raison quoi, qui lui dit que Grey est dangereux, patati patata) et sa « déesse intérieure » qui ne pense qu’au sexe. À certains moments, ça aurait eu du sens, mais elles sont là à presque toutes les pages…
Passons au sujet principal : le SEXE. Comme la plupart des romans de ce genre (j’avais aussi lu le premier tome de la série Crossfire, qui était mieux écrit et avait des personnages un peu plus intéressants, mais dont la richesse m’avait aussi gonflée), c’est une transposition écrite de fantasmes (dixit Sylvia Day dans une interview que j’ai vue à la télé). C’est pour cela que rien n’est crédible. Quand on se fait notre petit film dans notre tête, on ne se soucie pas des détails réalistes – E. L. James non plus. Donc après tout dépend de si vous aimez ou non les romances agrémentées de sexe explicite sans autre sujet, ou pas. Pour ma part, je préfère toujours que l’histoire ne soit pas uniquement axée là-dessus et qu’il y ait en plus une intrigue historique ou fantastique. Néanmoins, j’admets volontiers que les scènes d’amour physique entre Ana et Grey sont émoustillantes et remplissent leur office – tant qu’on n’en arrive pas aux fessées et aux coups de ceinture, là je grimace et je lis vite pour passer à une autre scène.
Le livre a conquis des millions de lectrices parce qu’il n’exige rien, il se contente de faire rêver celles qui se brident habituellement, et quelque part il est libérateur en montrant une jeune femme qui attire l’attention de l’homme de ses rêves (à un détail majeur près, mais on ne doute pas que tout cela va s’arranger dans les tomes suivants) et qui prend du plaisir sans complexe et sans être jugée.
Donc en résumé, je confirme que ce n’est pas mon genre de bouquin. J’apprécie les bonnes romances et les descriptions de parties de jambes en l’air, mais je m’en tiendrai à l’urban fantasy je crois, qui remplit souvent cet office très efficacement. Charley Davidson en particulier me comble à chaque lecture ! Quant au film, je n'irai pas au cinéma pour le voir, mais je le regarderai quand il sera sorti en DVD.
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