Comme toutes les personnes autour de lui, Henry tourna la tête dans la direction indiquée.
Pourtant, son regard passa sur le comte sans le voir vraiment et s'arrêta sur sa cavalière.
Elle était éblouissante. Sa tenue mettait en valeur sa taille mince et sa silhouette élancée, tout en dévoilant des rondeurs charmantes. Mais ce qui attirait le plus chez elle, c'était son expression radieuse, son sourire si franc et chaleureux, qui semblait déclarer à la terre entière qu'elle était heureuse d'être ici, à cet instant.
Une telle spontanéité lui fit l'effet d'une brise printanière,et il oublia tout ce qui le troublait. Il avait le sentiment d'assister à un spectacle rare.
Une figure força la danseuse à évoluer dans sa direction et, quand elle leva la tête, leurs yeux se rencontrèrent.
Son coeur cessa de battre...
-Que voulez-vous, je n'ai jamais su résister à une demoiselle en détresse...
-Une dame, se hâta-t-elle de le reprendre.
Pourquoi tenait-elle tant à insister sur sa condition de femme mariée ?
-Une dame, si vous le dites...
Quelque chose dans l'atmosphère de la pièce avant changé, et Constance sentit une fois de plus la vague de chaleur qui l'avait enveloppée quand elle avait aperçu le capitaine Hadley pour la première fois.
Si l'extérieur était peu engageant, l'intérieur tenait carrément du tripot et de la Cour des miracles : faiblement éclairée par quelques lucarnes aux carreaux crasseux, la salle était basse de plafond et accueillait une faune pour le moins... patibulaire. Des marins édentés buvaient un bock dans un coin tandis qu'une servante encore jeune mais au teint déjà fané remuait une marmite de ragoût.
-Oh mais... Il est vrai que l'amour est l'affaire des femmes : il les pousse à se marier et, ce faisant, les prive de leur liberté.
Ces propos, teintés d'une ironie mordante, n'avaient plus rien d'innocent.
Réprimant un soupir, il jeta un coup d'oeil par la fenêtre ouverte d'où il apercevait un coin de ciel bleu sans nuage se découper au-dessus des toits du château.
Quand il se pencha pour déposer un léger baiser sur sa tempe, il eut l'impression d'être enfin arrivé à destination.
La mélodie des violons leur parvenait, mais comme assourdie par la distance et le manque de lumière