Citations de Emma Green (1682)
L’interdit m’angoisse… mais pas autant que son intensité me bouscule. Je serais bien incapable de l’arrêter. Soudain, je sens sa dureté contre moi et j’en frissonne : c'est la première fois que j'ai l'impression d'être désirée à ce point. C’est fort, viril, déroutant au point que ça me transcende. J’enfonce ma langue dans sa bouche, soudain prête à tenter tous les extrêmes, à braver tous les interdits pour me sentir vivante, enfin, entre ses bras.
Je l’embrasse sauvagement, comme si ma vie en dépendait. Comme si la bouche de Roman Latimer possédait le seul air qui puisse remplir mes poumons, comme s’il avait le seul cœur capable de supporter les battements déchaînés du mien, comme s’il était le seul être sur cette terre qui comprenne ce que je ressens vraiment.
Je ne suis plus innocente, plus timide, plus prudente.
J’ignore si ce baiser a eu autant d’importance pour lui que pour moi, si Latimer s’en veut d’avoir embrassé l’une de ses élèves, franchi un des plus grands interdits, si le fait que je sois encore mineure le panique, s’il croit que je serais capable de lui nuire… ou si lui aussi rêve de recommencer.
Je vous disais donc que vous n’êtes pas seuls au monde, contrairement à ce que certains d’entre vous semblent croire. Vous êtes tous le résultat de l’Histoire. Et la génération qui est en train de l’écrire. Ce que vous déciderez de faire de vos vies, ce que vous voterez, les lois que vous ferez changer, la société que vous ferez évoluer et les rôles que vous voudrez jouer, tout ça se retrouvera dans les livres d’histoire dans quelques années.
Je suis loin d’être un enfant de chœur, mais ça fait des années que j’essaie d’inculquer à mes classes le respect, de soi et des autres, la morale, le sens de l’honneur, la différence entre les règles que l’on peut enfreindre, par goût de la liberté, et celles immuables, qui permettent de vivre ensemble sans se faire du mal.
Elle a 17 ans. C’est ton élève. Ne fais pas ça.
Mais c’est bien plus fort moi. Je prends juste une seconde pour plonger mon regard dans le sien, comme pour vérifier que c’est bien ce qu’elle veut. Et c’est plus que ça : en fait, elle m’attend. Alors je pose mes lèvres sur sa bouche, sans précipitation, avec délicatesse. C’est doux, chaud. Et tellement puissant. Nos langues se rencontrent, s’enroulent, la sienne est timide, la mienne prudente.
Tu as du potentiel, tu es intelligente, vive, curieuse et tenace, ce milieu ne t’a pas encore transformée, tu as tout pour réussir mais tu te contentes du minimum. Si tu bossais un peu plus, tu pourrais exceller…
Elle est mignonne, il n’y a pas à dire. Et j’aime décidément l’audace de cette fille. Son côté frontal, spontané et sans scrupules, qui me rappelle mes copines de l’époque. Celles qui m’ont fait tourner la tête quand j’étais ado, moi aussi.
Et je ne supporte pas les types qui se croient tout permis, qui jettent les gens comme des vieux mouchoirs usagés quand ils n’ont plus besoin d’eux, qui ne sont pas fidèles à qui ils sont, ni à ce qu’ils promettent. Mais si je dois être tout à fait honnête, moi-même, ce qui me rend plus furieux encore, c’est de savoir que cet énergumène sans honneur est lié à Lemon. Elle qui semble avoir tant de valeurs. Elle qui lutte contre elle-même en permanence, puis finit par vous regarder droit dans les yeux sans ciller, en vous disant vos quatre vérités. Elle qui semble avoir le double de son âge dans l’âme, dans les veines, dans le cœur. Et même dans ce petit corps nerveux qui dégage tant de force et de…
Troy préfère les filles mais on ne peut pas vraiment dire qu’elles le lui rendent, vu sa timidité maladive. Je me situe pile à mi-chemin entre le gay collectionneur et l’hétéro solitaire, mais on était tous les trois profs dans le même bahut jusque-là. Et aussi différents qu’inséparables. Anglais pour le premier, maths pour le deuxième, histoire pour moi.
Ce gamin est un soleil et un exemple pour nous tous. Il a mal partout et ne se plaint jamais, il profite du moment présent et il est toujours heureux de vivre alors que la vie ne le lui rend pas vraiment.
Cette idée selon laquelle certains élèves vaudraient mieux que d’autres, devraient avoir accès à une vie plus grande, plus belle, plus digne d’être vécue que le reste des gamins nés sans privilèges.
On peut lire et comprendre tant de choses dans un regard, je voudrais seulement pouvoir décrypter le sien.
Baraqué, charmant, looké, attitude cool et sex-appeal débordant : difficile de faire plus parfait fantasme du prof sexy et interdit. Je vois bien que toutes les autres élèves autour de moi sont sous son charme. Et que tous les mecs de la classe serrent les dents à l’idée qu’elles n’aient d’yeux que pour lui.
Bande d’imbéciles heureux…
Je n’ai pas besoin d’avoir passé plus de cinq minutes ici pour savoir que je les déteste tous. Que cet endroit sera mon enfer. Je me glisse en soupirant jusqu’au numéro de casier qui m’a été donné. Je pense à ma Louisiane, à mes meilleurs amis restés là-bas, à ma mère et mon monde qui me manquent. Ce n’était pas le paradis, loin de là, mais c’était chez moi. Je sors mon téléphone portable en espérant un signe d’eux qui me ferait me sentir moins seule.
J’ai choisi de vivre ma vie discrètement, comme je l’entends mais sous silence. C’est plus simple pour moi. Tant que je ne fais pas de vagues, mes proches s’en accommodent.
Mais tu es ici chez toi, tu ne manqueras de rien, de nombreuses portes vont s’ouvrir sur ton chemin si tu as envie de les emprunter. La seule chose c’est que je ne pourrai pas toujours te tenir la main. Tes choix t’appartiennent, il va falloir que tu sois indépendante.
C’est fou comme ces gens aiment le clinquant. Alors que j’ai grandi avec une mère qui a chiné tout ce qu’elle possédait en brocante, qui m’a appris à aimer le patiné, le vintage, les fringues dénichées en friperie et les objets d’occasion qui ont déjà eu plusieurs vies.
« Si ça brille, c’est qu’il faut gratter pour aller voir ce qui se cache sous le vernis, Lemon… »
Chapitre 1 : Puissance Mille
Tillie
« ….Je me retrouve soudain sur le banc des accusés. Prise à partie par ma propre mère.
— Désolée pour quoi ? répète-t-elle sur un ton plus grave.
— Vous savez pourquoi…
Elle me défie d’aller plus loin.
— Pourquoi, Tillie ?
— Je… Je l’ai trahie…
— Et alors ? On fait tous des conneries, ça ne fait pas de toi une meurtrière ! s’écrie soudain Jonah.
Ma mère le fixe durement à son tour.
— Sylvia, c’est ta douleur qui parle… lui glisse mon père.
— Je ne veux plus que tu le voies.
Elle plante à nouveau son regard sévère dans le mien.
— Pardon ?
— Arlo, insiste-t-elle. C’est terminé entre vous.
— Maman !
— Colleen vous a vus… On ne sait pas si… Peut-être que c’est ça qui…»
Chapitre 1 : Puissance Mille
Tillie
« Arlo.
Le vert de ses yeux qui me happent.
La chaleur de ses mains.
Le frémissement de sa peau.
Les tremblements de sa voix.
Les gémissements de mon petit frère, prostré sur le canapé d’en face.
Le regard fuyant de Jay.
Une mouche aux ailes bleutées qui vole.
L’air chargé en électricité.
Les murs de ce salon qui se referment sur moi.
Mon cœur qui bat dans ma gorge.
Je ressens tout puissance mille.
Face au garçon qui s’apprête à m’annoncer le pire, je suis plongée dans un état second, dans un brouillard terrifiant.
J’ai du mal à respirer. À faire taire mes pensées qui hurlent à la mort.
Ma sœur. Je veux ma sœur. Elle et uniquement elle. Personne d’autre...»