J’ai trouvé un vol pour la Corse qui part dans une semaine, sans faire escale à Paris. Je l’ai payé à prix d’or. Je n’aime pas l’avion, surtout quand je suis stressée, mais c’était la seule option. La Corse est isolée du reste du monde. Si elle pouvait, elle irait s’échouer encore plus loin.
Avant, j’aurais peut-être pu me dire qu’il était à nous deux. Désormais, il représente juste un énième poids lié à toi. Il me volerait tout, cet enfant, puisqu’il me volerait ma liberté. Or la liberté a un prix. Et ce prix-là, tu ne voudrais pas le payer. « Ne me dérange pas, tu ne vois pas que je suis fatigué ? », me dirais-tu. Et moi, alors ? Qui s’occuperait de moi enceinte ? Et si l’enfant se mettait à pleurer à deux heures du matin, qui se lèverait ? Faudrait-il donc le tuer ? Je ne supporterais pas de t’entendre soupirer, irrité. M’aiderais-tu, nous aiderais-tu ? Non, tu en serais incapable. Alors, cet enfant, qu’il disparaisse. De toute façon, tu n’en sauras jamais rien.
Je me réveille, désorientée. J’ai dû faire un mauvais rêve, des frissons me glacent l’échine. Je suis toujours de mauvaise humeur quand je m’endors l’après-midi et reviens brusquement à moi. Quelque chose claque au vent : c’est la fenêtre. Je me lève pour aller la fermer. Puis je passe un sweat-shirt trouvé sur la chaise et me pelotonne sur le canapé.
Il me volerait tout cet enfant, puisqu’il me volerait ma liberté. Or la liberté a un prix. Et ce prix-là, tu ne voudras pas le payer.
En ce moment, j’ai besoin d’un endroit qui me rappelle que, chaque matin, le monde s’illumine à nouveau.
La mer n’a jamais cessé de la fasciner. Elle a comblé avec les vagues l’absence qu’il a laissée
Montagnes, hommes et mer se confondent en une seule et même splendeur rageuse.
Maintenant que ma beauté commence à décliner, je m’en désintéresse.
Elle trempe des yeux tristes dans l’encre noire de la nuit corse.
On ne s’attend pas à appartenir à une famille où germe la haine.