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Critiques de Emmanuel Droit (8)
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Les suicidés de Demmin

Un essai sur un pan de l'histoire allemande peu connu en France qui aurait mérité, au regard de la situation de cette tragédie, un récit moins personnel.

J'entends par là que l'auteur s'est approprié des faits historiques pour les réinterprétés, et même si ses cursus universitaires et professionnels lui donnent toute latitude et légitimité, j'ai trouvé que son écrit manquait d'efficacité en écrivant des généralités parlant de "les allemands" plutôt que "des" de justifier voire excuser une partie des violences par une réponse à la loi du Talion.

A lire cet essai, des violences répondraient essentiellement à d'autres violences même si parfois elles ne sont pas totalement justifiées ou encore si elles sont crées de toute pièce ; on peut aussi le relier à d'autres conflits actuels ou passés mais en y ajoutant la malice des réseaux sociaux et autres désinformations.



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Les suicidés de Demmin

Du 30 avril au 4 mai 1945, à Demmin, à 200 km en plein nord de Berlin, se produisit parmi la population civile une terrible vague de plusieurs centaines de suicides. Pourquoi ? C'est l'objet de cet ouvrage, qui cherche à analyser les causes de cette "orgie" de suicides.

Les faits : étonnamment, s'agissant d'un livre d'histoire, l'ouvrage ne comporte aucune narration chronologique des faits. On apprend, par bribes, que les SS commencent par bloquer les ponts de la ville pour empêcher toute fuite vers l'ouest (page 99), que ces mêmes autorités, municipales, politiques, policières, militaires, s'enfuient finalement à partir du 29 avril (page 100), et que dans la nuit du 29 au 30 avril 1945, la Wehrmacht fait sauter tous les ponts (page 105) rendant la population prisonnière des trois fleuves qui entourent Demmin. En ce qui concerne les suicides, seuls des témoignages épars sont cités, à l'appui de ce que l'auteur veut démontrer.

Le livre se concentre en effet sur le contexte et les causes possibles de ce cas -hors du commun- de violence de guerre. Dans l'absolu, deux raisons principales peuvent expliquer cette tragédie :

- le fanatisme est la première que l'auteur met en avant : la population allemande a été conditionnée par l'alternative "vaincre ou mourir" imposée par Hitler. Dès lors que la victoire n'était plus possible, seule restait la mort, ce que feront Hitler et ses derniers fidèles.

- la deuxième explication réside dans la terreur inspirée par l'armée soviétique, motivée par l'antique loi du talion ("oeil pour oeil, dent pour dent") dans sa revanche contre les Allemands, qu'ils soient militaires ou civils. Plutôt que d'être tués par les Russes, ces civils ont préféré se donner la mort par eux-mêmes.

Ces deux raisons sont écartées par l'auteur. Selon lui, une troisième voie est suggérée les circonstances : en l'absence de toute autorité allemande, les quelques actes de résistance de la population civile auraient provoqué en réaction la violence arbitraire -incendie de la ville et viols- de l'Armée rouge, ce qui aurait conduit une partie des habitants à mettre fin à leurs jours, par désespoir, en raison de l'impossibilité de quitter la ville, faute de ponts.

J'ai eu l'impression que l'auteur cherchait à rattacher à sa propre grille d'analyse les faits correspondants, plutôt que de partir des faits et d'en déduire leurs causes. Beaucoup de concepts et de mots abstraits : "la violence est avant tout une performance interactionnelle qui advient dans une situation bien précise structurée par un face-à-face lui-même inscrit dans une tension émotionnelle potentiellement élevée" (page 72). J'ai donc trouvé le propos parfois confus. Il m'a fait penser à celui d'Albert Camus : "Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs de ce monde".

De plus, son argumentation pour écarter la raison "fanatisme" ne m'a pas convaincu : pourquoi, dans ce cas, cette chape de plomb pendant près de cinquante ans, par laquelle le régime soviétophile de la RDA avait interdit de parler de cette semaine tragique ? le régime est-allemand aurait dû, au contraire, s'en prévaloir pour montrer que le nazisme menait à une impasse.

De même, son argumentation pour écarter la raison "terreur" ne m'a pas convaincu non plus. La dernière bataille, écrit par Cornelius Ryan vingt ans après la guerre, relatait déjà la tragédie des nombreux viols commis par les soldats soviétiques lors de la prise de Berlin, et mentionnait -alors que les témoins oculaires étaient encore vivants- le chiffre de six-mille suicides. L'ouvrage ne figure pas dans la bibliographie.

Les conclusions de l'ouvrage d'Emmanuel Droit, écrit près de 76 ans après les faits, à partir de témoignages écrits ou de témoignages de témoignages, m'ont ainsi paru reposer sur des fondements peu robustes, ou, à tout le moins, sujets à caution.

Ouvrage lu dans le cadre de l'opération Masse critique.
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Les suicidés de Demmin

Merci aux édition Gallimard et à masse critique de m'avoir donné accès à cet ouvrage.

J'avoue publier la critique assez tardivement alors que voilà plus de deux semaines que j'ai fini ma lecture. La raison est simple il m'arrive de lire des livres et de ne pas publier de critiques parce que je n'aurais pas l'impression d'apporter un avis constructif... Les suicidés de Demmin répond à ce critère.

Mais je vais tout de même tenter de m'astreindre à l'exercice.

La lecture de cet ouvrage est particulière puisqu'elle a débuté alors que la guerre en Ukraine commençait. Tout au long des pages ce conflit a retenti sur ma lecture. Mes attentes étaient grandes à cause du contexte.

Quand j'ai lu le quatrième de couverture j'ai été immédiatement attirée par la thématique. Je pensais que notre auteur avec appui de témoignages nous donnerait une lecture psychologique de ce suicide collectif. Or, la lecture est une succession de témoignages. C'est comme un puzzle pour lequel on aurait du mal à remettre les pièces en place. Il m'a manqué un fil conducteur. Finalement ce n'est qu'à la fin de l'ouvrage et sur quelques pages que j'ai eu cette lecture que j'attendais tant mais elle était dès lors dissociée de ses origines.
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Les suicidés de Demmin

C'est un livre intéressant sur des faits que je ne connaissais pas. Ou plutôt, j'avais une vague idée.



Mais ce livre me pose deux problèmes. Nous n'avons pas la même interprétation de ces fait, ou plutôt, elles ne se situent au même niveau. Aussi, j'ai ressenti une certaine indignation dès le départ de la lecture de ce livre, à la page 20 :



***************

Les habitants de la ville, terrés dans les caves, furent victimes de vols et de viols. Mais le drame qui s'est joué à Demmin entre le 30 avril et le 4 mai 1945 est très particulier car il dépasse largement le cadre des violences de la guerre totale qu'on connues des villages comme Maillé ou Oradour-sur-Glane en France, Nemmersdorf en Prusse-Orientale, Marzabotto en Italie, Distomo ou Domenikon en Grèce.

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A partir d'un certain niveau, comparer la violence subie par différentes viles me semble déplacée. Et cela encore plus dire que "celle de Demmin dépasse largement le cadre des violences de celle de Oradour-sur-Glane". Il s'agit de contextes et de modes de déroulement complètement différents comme on verra par la suite.



A la fin de la guerre, l'armée russe a envahit l'Allemagne, en direction de Berlin. le 30 avril, en début d'après-midi, ils sont entrés en Demmin, sans résistance et sans violence. Juste quelques incidents mineurs provoqués par un petit nombre d'habitants, qui ont été anéantis rapidement.



Les jours qui ont précédé l'arrivée de l'armée russe, les autorités administratives de la ville (maire, police et les SS) avaient interdit les habitants de fuir. La ville était bouclée par les SS qui étaient prêts à exécuter tous ceux qui essayeraient de s'échapper. Les 28 et 29 avril, veille de l'arrivée des russes, ces autorités administratives sont toutes parties laissant derrière les habitants à leur sort. La ville comptait, à ce moment, 15.000 habitants et un peu plus de 5000 réfugiés. Plus de 80 % de la population était constituée de femmes, enfants et vieillards. Les hommes en âge de combattre étaient partis au front.



Au départ il y a eu des vols, surtout des montres et des boissons. La nuit du 30 avril, les soldats russes, probablement sous l'effet de l'alcool commencèrent à se prendre aux femmes et à les violer. Certaines femmes ont été violées jusqu'à quatre fois dans la même journée.



Des nombreuses personnes se sont suicidés entre le 1er et 4 mai. Les estimations ont varié entre 600 et 1000 suicides. Il semblerait que autour de 1000 soit l'estimative plus probable. Un petit nombre de suicides a eu lieu avant le début des violences.



Selon lui, ni la violence de la part des russes ni le suicide de la part des allemands n'étaient des intentions ni des décisions, mais des options possibles. Son objectif, donc, était d'étudier ce qui a déclenché les violences et a transformé ces options en décisions. A mon humble avis, c'étaient des options assez probables, prêtes à être déclenchées au moindre incident et, encore à mon avis, c'est ce qui s'était passé.



Do côté des russes, les estimatives (source Wikipédia) sont de 20.000.000 de femmes violées par des allemands, contre 2.000.000 de femmes allemandes violées par des russes. Pour les allemands, il était question de conquête et nettoyage du territoire russe pour constituer un "espace vital" et installer des allemands. Partie de l'armée allemande était constituée de vrais voyous : la brigade Dirlewanger, par exemple. Si les russes n'étaient pas incités à la vengeance cela n'était pas interdite et des haut gradés russes ont parfois fermé les yeux.



Ce qui m'a beaucoup attiré l'attention est le manque de chiffres sur le nombre d'allemands tués par les russes. L'auteur ne parle même pas. A croire qu'il n'y a même pas eu ou que ce chiffre est très dérisoire. On n'a pas non plus d'estimative du nombre de femmes violées. Donc, on reste sur ce chiffre d'environ 1000 suicides sur une population de 20.000 habitants.



Du côté des allemands, depuis le discours au Sportpalast (Stade de Sports) de Berlin le 18 février de 1943, Joseph Goebbels incitait le peuple allemand à la "guerre totale" avec, si nécessaire "le plus grand sacrifice personnel". En octobre 1944, le massacre d'environ 70 personnes dans la ville de Nemmersdorf a été largement amplifié (soit disant 600 victimes) et inciter les allemands à se battre jusqu'au bout avec le plus grand sacrifice personnel, si nécessaire. Donc, le suicide était déjà infusé dans l'inconscient des allemands, comme une option à ne pas négliger. A l'exemple de Hitler et de Goebbels lui même et sa famille.



Cette hypothèse d'option semble confirmer par le fait qu'il y a eu des suicides collectifs dans d'autres villes allemandes. Wikipédia (https://en.wikipedia.org/wiki/Mass_suicide_in_Demmin) mentionne 13 autres villes, dont plus de 4000 à Berlin et environ 1000 à Stolp. Donc, Demmin n'a pas été un cas isolé.



Ainsi, il me semble que la manipulation psychologique des allemands par le Ministère de la Propagande de Joseph Goebbels a pris une part importante dans ce qui s'est passé à Demmin, et aussi dans ces autres villes.



Si on parle rapidement de Oradour-sur-Glane, il s'agit d'une ville qui a été complètement rasée par la division SS Das Reich en juin 1944, lors du déplacement de cette division vers la Normandie pour renforcer les troupes allemandes. Il y a eu 643 victimes et une trentaine de survivants. Les hommes ont tous été fusillés et les femmes et enfants (environ 350) enfermés dans l'église qui a été incendiée ensuite.



Il faut rappeler que la division SS Das Reich venait du front de l'Est pour se refaire en Montauban. le massacre qu'ils ont commis à Oradur-Sur-Glane, et à Tulle à la veille, était très probablement juste une répétition de ce qu'ils avaient déjà pratiqué dans le front de l'Est.



Ce qui s'est passé à Oradour-sur-Glane et à Demmin sont des événements complètement différents, des contextes et des modus operandi différents. Leur comparaison ne me semble pas évidente.



Un détail intéressant de ce livre est l'utilisation fréquente de l'écriture narrative dans la première personne (Je), chose assez rare dans un livre de Histoire, même pour un essai.
Lien : http://lecture.jose-marcio.o..
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Les suicidés de Demmin

Merci à Babelio et aux éditions Gallimard de m’avoir permis d’obtenir ce livre lors de la dernière Masse Critique. C’est, je crois, la première fois que je lis un essai et même si c’était très intéressant, je ne pense pas que je renouvèlerai souvent l’expérience. En effet, ce que j’aime dans les faits historiques, c’est d’en connaître l’histoire et les protagonistes, ici, même si l’histoire du fait est décrit et que quelques protagonistes témoignent, l’essentiel est l’explication de l’évènement.



Demmin est une ville martyr mais dans ce cas pas de massacre en masse comme à Oradour sur Glane, plutôt un suicide de masse (on annonce des chiffres allant jusqu’à 1 000 personnes suicidés sur quelques jours).



L’auteur analyse comment les habitants en sont arrivés à une telle extrémité. Forcément on pense à la famille Goebbels qui a préféré le suicide à l’effondrement du IIIeme Reich. Mais on ne parle pas d’une seule famille mais bien de près de mille personnes d’une même ville. Comment est-ce possible ?



Ce qu’il y a de très intéressant dans l’analyse faite dans le livre, c’est que, d’une manière générale, les actes de violence ont toujours un contexte et qu’ils découlent parfois d’une minorité de personnes qui en entraîne d’autres (par peur ou autre). Une sorte d’effet papillon malsaine.



Petit détail qu’on a tendance à oublier : certains soldats russes sont dépeints comme étant gentils par les témoins, tout comme certains allemands pouvaient l’être malgré leur uniforme lors de l’Occupation.
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Les polices politiques du bloc de l'Est

Reçu en cadeau pour Noël, je me suis plongée dedans avec une grande curiosité. Curiosité satisfaite ! Le livre d'Emmanuel Droit nous raconte la construction et la déconstruction de l'internationale tchékiste de façon chronique policière et judiciaire. C'est extrêmement bien documenté,. Les sources citées sont parfaitement analysées, restituées et contextualisées. On apprend beaucoup sur les appareils policiers de surveillance des populations dans l'ancien bloc de l'est et l'héritage de ces appareils. On entre au coeur des rivalités et des "amitiés" tchekistes de fait, ou obligées ou sincères sur le plan idéologiques. Le style est clair, simple. Par d'intellectualisme lourd. C'est en cela que le livre d'Emmanuel Droit, qui est un vrai travail d'historien, est très intéressant à lire. Je mettrai juste un tout petit bémol (riquiqui) sur les parties relatives au chapitre 5 sur la sociabilité entre tchékiste.
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Les suicidés de Demmin

Dans une enquête micro-historique au cœur d’une petite ville allemande, Emmanuel Droit invite à se méfier des interprétations toutes faites et à se plonger au plus près de la violence de guerre.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Les suicidés de Demmin

Des centaines d’Allemands se tuèrent à l’approche des Russes dans cette ville de Poméranie. Récit saisissant de l’historien Emmanuel Droit.
Lien : https://www.liberation.fr/cu..
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