Emmanuel Saez

L'impôt est un puissant outil de politique publique, mais au fur et à mesure des réformes successives, il est devenu aussi illisible, notamment avec le système d'imposition par tranche marginale de l'impôt sur le revenu, qu'injuste : apparition de niches fiscales nombreuses, absence de progressivité réelle de l'impôt, taxation très inégalitaire des revenus du travail et des revenus du capital.



Qui sait par exemple que l'imposition en fonction des revenus d'une personne physique augmente jusqu'à 5000€ brut par mois, puis ne cesse de décliner. Qui sait quelle est la part de l'impôt sur le revenu, de la TVA, de l'IS dans les revenus réels de l'Etat. Qui sait quelle est la part des revenus du capital qui sont réellement déclarés et assujettis à l'impôt.



L'étude de Piketty et Landais n'est pas neutre loin s'en faut, et elle ne s'affiche absolument pas comme telle : le titre programmatique annonce clairement le but politique et l'un des auteurs s'est suffisamment affiché comme soutien à Ségolène Royale en 2007 pour ne pas laisser le moindre doute. Une fois le diagnostic inégalitaire établi sur le système fiscal actuel - extrêmement riche et nourri - les auteurs annoncent un projet de réforme de l'impôt à la fois réaliste, pragmatique et renseigné. On aura du mal à savoir à quel point l'idéologie qui oriente la rédaction de cet essai, est un frein à l'objectivité scientifique apparente. Et cela suscite l'envie de lire au moins quelques contradicteurs pour se faire une idée. Passionnant et éclairant quoi qu'il en soit. Et accompagné d'un site internet accessible ci dessous.

A ce qu'il paraît en France on a n'a pas de pétrole mais on a des idées. Même qu'on les exporte. Et en économie il faut reconnaître qu'on a quelques réussites commerciales ces dernières années, des prix Nobel d'Esther Duflo aux palettes de livres de Piketty vendues dans toutes les bonnes librairies des Etats-Unis. Gabriel Zucman (et Emmanuel Saez) fait partie de cette écurie là, des économistes plus historiens que mathématiciens, plus du côté des plombiers qui rafistolent la tuyauterie du système que des physiciens contemplatifs à la recherche des lois de la gravité économique. Après avoir dévoilé dans La richesse cachée des nations, les montants du patrimoine national qui s'est évadé dans les paradis fiscaux (6000 milliards tout de même), le Français qui murmure à l'oreille de la gauche américaine s'est mis en tête de montrer l'origine de l'injustice fiscale systémique aux Etats-Unis. Enfin, plus que systémique, on comprend bien vite à la lecture de cet essai très documenté, qu'il n'en a pas toujours été ainsi : les pères fondateurs de la constitution américaine anticipaient les risques qu'une trop forte concentration des richesses feraient porter sur la démocratie, l'impôt sur la fortune et sur le revenu sont globalement nés aux Etats-Unis et le discours sur la nécessité de laisser libre cours aux forces vives de la nation n'est que très conjoncturel, et très construit. C'est précisément ce discours que Zucman déconstruit avec beaucoup d'intelligence, de données et une grande profondeur d'analyse : jamais trop technique on comprend comment le système oligarchique s'est fabriqué mais on voit aussi des pistes intéressantes pour le déconstruire. Reste à voir si ce contre-discours trouvera l'écho attendu.

Cet essai passionnant est écrit par deux jeunes économistes français, spécialistes de l'étude des inégalités, qui se sont installés aux Etats-Unis et conseillent la gauche américaine. C'est d'ailleurs le seul bémol que je mettrais à ce livre, on aimerait une analyse aussi poussée du système français ou au moins une analyse comparée. Néanmoins, force est de reconnaître que l'étude du système fiscal américain est éclairante.



En effet, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman expliquent comment l'Amérique, qui a été à la pointe du combat pour la justice fiscale pendant la moitié du XXème siècle, fait désormais triompher l'injustice fiscale. Leur analyse est à la fois historique et économique, et se lit presque comme un roman tellement elle est claire et bien documentée.



Dans une optique de réduction des inégalités, les auteurs proposent également à la fin de l'ouvrage une refondation du système fiscal à la fois visionnaire et pragmatique, afin de concilier mondialisation et justice sociale et fiscale.



Une lecture intéressante qui donne à réfléchir.

Analyse macroéconomique stimulante sur les différents niveaux globaux d'imposition (IR, TVA, cotisations sociales, etc) et de richesses (revenus et patrimoine) dans la France de 2010. Pas seulement un débat technique mais des propositions concrètes pour sauver la démocratie en rendant l'imposition plus juste et plus efficace. Salvateur...

Un très bon livre d'économie, les explications y sont claires, et le récit assez passionnant. À la fin de l'ouvrage, vous aurez en tête un état des lieux lucide de la situation fiscale (et partiellement politique et sociale) aux États-Unis. La vision politique des auteurs ne semble pas venir entraver l'objectivité face aux faits énoncés. Mention spéciale aux chapitres, chacun ponctué de graphiques cohérents, basés sur les études (plutôt poussées) des deux professeurs. Bon boulot !