Témoins ou
acteursBernard PIVOT a réuni quatre auteurs de
récits autobiographiques pour parler des événements dont ils ont été les
acteurs ou les témoins.
ERIC DE ROSNY, jésuite enseignant au Cameroun, raconte son
initiation par un ganga (médecin traditonnel) telle qu'il l' a rapportée dans son livre : "
Les Yeux de ma chèvre".
Elisabeth de MIRIBEL, auteur de "La Liberté souffre
violence" évoque les...
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Pendant notre courte absence, on a déposé au centre de la courette une cuvette d'un grand modèle remplie d'eau aux trois quarts, où je découvre, assis en son beau milieu, immergé jusqu'à la poitrine, un bébé ! Quel âge peut-il avoir ? Sept ou huit mois ? Rien ne me permet de penser qu'il est gravement malade. [...] Dans sa cuvette disproportionnée, il est comme un naufragé sur une île déserte, tout seul en plein océan. Effrayé, il se met à pleurer. [...] Après un long moment, une vieille femme se lève et, sans s'approcher de trop près de la cuvette, se met à chanter à voix douce une complainte rythmée...
[...] Suit une série d'opérations vraiment effrayantes pour un enfant de cet âge. Mais l'enjeu n'est-il pas à la mesure de l'émotion provoquée ? Il s'agit de lui « crever les yeux », c'est-à-dire de lui rendre invisible le mondes Ancêtres pour l'en séparer, et de l'introduire dans son nouvel univers végétal, animal, humain. Autrement dit, le faire naître pour de bon.
Loes est fondateur, constructeur et paroissien de la chapelle de l'Eglise baptiste camerounaise dans son quartier. Il est formel :
- Il y a des prêtres dans le ndimsi, parce qu'il y a des prêtes qui tuent. Ils portent un fil, là.
Je le questionne alors :
- La ceinture? (Le cordon de certains missionaires comporte plusieurs noeuds, et le noeud dans la symbolique populaire est le signe d'intentions meurtrières.)
- Oui, me répond-il, la ceinture, c'est pour tuer. Ou encore, vous prenez votre Bible, vous la lisez et il y a un homme qui devient fou.
- Voyons! Je n'ai jamais rien vu de semblable, dis-je indigné.
- C'est ça que je veux te mettre dans la tête. Il y a des bons prêtres et il y a des mauvais prêtres. Des prêtres qui tuent. D'ailleurs, Jésus lui-même a tué.
- Vraiment! Donnez-moi donc un exemple...
- Jésus, un jour, avait aperçu un arbre. Il avait faim et soif, et il voulait profiter de ce manguier. Or, il n'a rien trouvé dessus. Ce n'est pas possible qu'un arbre pousse sur la terre sans rien donner. Alors, il l'a fait sècher.
Moi (rassuré) : Mais Jésus n'a pas tué d’homme!
- L'arbre est l’égal de l'homme. Les herbes et les arbres, les oiseaux, les bêtes sont nés de la terre exactement comme l'homme. C'est Dieu qui a tout créé.
- C'est une façon de voir. Mais, dis-moi, les bons prêtres, que font-ils de leur pouvoir?
- Ils ont un pouvoir semblable au mien : pardonner, soulager, conseiller.
Ce dialogue ressemblait à une joute amicale mais j’avais nettement le dessous.
Quelle idée en vérité pouvait-on bien se faire de moi?
L'arbre vétuste et grandiose, curieusement appelé en français Le grand Fromager, est à deux pas de la maison où je me rends.
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Il ne fait à Douala, la nuit, ni plus frais ni plus chaud que pendant le jour. Ce grand port du Cameroun, serré entre l'océan Atlantique et la barrière que forme une montagne de douze mille pieds de haut, jouit d'un véritable microclimat.
p . 11
Si l'on entend par charité ,comme le propose l'Evangile,un amour qui s'étend jusqu'aux ennemis ,une question se pose ; est-il possible d'aimer son sorcier?