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Critiques de Ernst Jandl (11)
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Groite et dauche

Ce n’est pas chose aisée que d’entrer dans l’univers poétique du poète autrichien Ernst Jandl (1925-2000). Pour y pénétrer librement il faudrait pouvoir se dépouiller de tous les sédiments, de toutes les alluvions, de tous ces résidus que l’apprentissage du langage, l’éducation ou les traditions littéraires ont déposés en nous en couches limoneuses durcies et renforcées par les acquis historiques et sociaux tout au long du temps et de l’existence.

Ce n’est pas tant la poésie de l’artiste autrichien qu’il est difficile d’appréhender - celle-ci est au contraire réduite à sa forme la plus brève et la plus radicale - mais plutôt le ressenti et l’émotion qu’elle nous inspire, que l’on est en droit d’attendre lorsqu’on lit de la poésie et dont ici le caractère empathique se révèle pratiquement inexistant tout simplement parce que ce n’est pas son but.

Il faut donc arriver à laisser de côté ses émotions et accepter de ne pas être touché avec le cœur mais davantage avec l’esprit par cette poésie engagée et cérébrale qui fait écho non plus aux sens mais à l’intellect.



Déconstruire la langue, la détricoter maille à maille comme on tire sur un fil de laine pour détisser le passé, et de cette nouvelle pelote réinventer une langue neuve, qui ne serait pas libérée des anciennes normes littéraires mais qui, au contraire, les dédaignerait à loisir afin de les marquer de son opposition, de son refus d’appartenance et de son engagement politique, c’est là le travail poétique novateur qui est au cœur de l’œuvre d’Ernst Jandl.



Traduite pour la première fois en français et proposée par les éditions des Ateliers de l’Agneau, l’anthologie « Groite et dauche », organisée par l’auteur quelques années avant sa mort, regroupe des poèmes, des textes autobiographiques en prose et une singulière pièce de théâtre, dans lesquels le poète engagé laisse libre cours à un vaste champ expérimental à travers manipulation du langage, effets de style, jeux de mots, de sonorités, de phonétique, répétitions, allitérations, emploi d’onomatopées et d’interjections…

Les mots sont ainsi utilisés comme un matériau brut à sculpter, à remodeler et reformer au-delà des conventions et des codes littéraires, afin d’aboutir à une œuvre pleine, concrète, réelle, créée pour sensibiliser le lecteur sur les influences néfastes, les fautes et les atrocités - notamment historiques - que le 20ème siècle a générés.



Grandi avec la guerre et profondément meurtri par le peu de résistance de l’Autriche à l’égard du national-socialisme, Ernst Jandl, tout comme ses compatriotes Thomas Bernhard ou Elfriede Jelinek, s’est toujours affiché en opposition directe avec son pays d’origine auquel il reproche sa façon de renier le passé ou de l’édulcorer en menant une politique de l’oubli au lieu de prendre ses responsabilités et d’assumer son Histoire sans en flouter les bords.

Dans les années 1970, Ernst Jandl fait donc partie de ces jeunes poètes avant-gardistes de la nouvelle scène littéraire qui, après des débuts difficiles et très controversés, ont réussi à toucher les consciences en défiant l’ordre établi avec une littérature « de résistance ».

Pour Ernst Jandl, cette résistance s’est donc élaborée au gré d’une poésie expérimentale, d’un travail de déconstruction de la langue visant à refléter le regard éminemment critique qu’il porte sur la société et sur le passé nazi de sa terre natale.

« La place des héros environ tout enfière/échrouaient en une mer d’homoncules enmaillés… »



Les textes poétiques qui composent le recueil « Groite et dauche » jouent souvent avec le grotesque et le burlesque, offrant un côté ludique et fantaisiste par le biais de comptines ou de chansonnettes, désacralisant ainsi l’horreur pour n’en garder que l’aspect le plus abject et souligner toute la barbarie et de la guerre, et de l’idéologie hitlérienne.

« Salagaleikoum, salagaleiboum, saloryadégaquiboum, yadétaaadgaquiboum ! »



Volontiers caricaturaux, certains poèmes présentent aussi un caractère plus intime. En s’inspirant de son vécu et par un travail de mémoire non-dénué de tendresse mais toujours caustique, l’auteur fait remonter à la surface les liens filiaux et familiaux, l’éducation catholique austère et rigide, les premiers émois, les premiers chagrins, les premières douleurs : la mort de la mère, les bouleversements politiques vus par un garçon en pleine puberté, la participation obligatoire aux jeunesses hitlériennes…Des souvenirs qui sont à l’origine de l’engagement politique de l’auteur et qui vont être la matière première d’une œuvre non-conventionnelle, très moderne et largement implantée dans la réalité.



Les thèmes de la maladie, de l’amour, de la guerre, de l’amitié s’égrènent ainsi au fil de textes au fort pouvoir d’évocation mais dans lesquels il est parfois difficile de s’immerger tant ce travail langagier entrepris par l’auteur dénature avec férocité la langue de Goethe.

« Je glue en dieu le père tout puissant / créateur du ciel et de toute la pourriture / et, né profond en cette merde, moi qui me débats à coups de poings/pour maintenir ma gueule à l’air hors de cette mer/ d’immondices.. »

Sans doute faut-il faire preuve d’une ouverture d’esprit que nous n’avons pas encore suffisamment acquise pour priser pleinement cette poésie gutturale, sèche, gorgée de sons rauques, d’exclamations et de jurons, qui désoriente, décontenance, égare et finit par déconcerter malgré la qualité et la puissance indéniables de certains passages.

Si l’on est sensible à la portée du message et à la démarche poétique de l’auteur, cette anthologie, lue dans le cadre de l’opération Masse Critique, fait souvent l’effet d’une pierre dans la bouche…un peu dure à digérer !

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Le Cinquième

Cinq jouets cassés se trouvent dans la salle d'attente du docteur, où ils attendent leur tour. Bien sûr que cet album peut aider à apprendre à compter. Le texte fait en tout et pour tout seize phrases et consiste simplement à décompter le nombre de jouets qu'il reste à passer. Bien sûr aussi qu'il teste les pouvoirs d'observation des enfants. Quelle est la blessure de chaque jouet? Et comment ressortent-ils de la consultation avec ce docteur qu'on ne verra qu'à la dernière image?

Mais j'aimerais surtout parler de l'étrange réconfort que cet album procure. Il ne s'y passe absolument rien sauf l'essentiel, à savoir qu'il existe un endroit où on est écouté, un endroit où on est soigné, un endroit d'où on ressort en dansant la gigue, comme le nounours en peluche sans œil et le bras cassé, où en sautant, comme le crapaud à manivelle.

Et tout cela grâce à ce monsieur si bienveillant que l'on voit enfin dans une douce lumière à la toute dernière image.
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Groite et dauche

Avouons le tout de suite, je ne suis pas une grande lectrice de poésie, même si comme beaucoup de lecteurs je connais mes classiques et j’ose quelques incursions ponctuelles dans la poésie contemporaine.



L’auteur, Ernst Jandl, est une figure majeure de la poésie autrichienne du XXème siècle. Né en 1925 et décédé en 2000, il fut témoin de son siècle et ses écrits sont hantés par la seconde guerre mondiale, les camps de concentration, le sort des juifs et l’impossibilité de croire en Dieu après ça.



Il est beaucoup question de la souffrance, de la solitude, de la maladie et de la mort dans ces textes réunis à l’occasion des 70 ans de l’auteur, mais la noirceur n’est pas totale et l’espoir existe grâce à l’évocation de l’amour, de l’amitié, de la lucidité et du courage d’un enfant.



S’il a écrit également de la prose et du théâtre (que l’on retrouve également dans cette anthologie), ce sont ses poèmes concrets qui l’ont rendu célèbres et lui ont apporté une reconnaissance dans son pays à travers plusieurs prix littéraires. On notera la modernité de son style et la clarté de son propos.



Une occasion de découvrir et de saluer le travail remarquable des éditions l’Atelier de l’agneau, spécialisées dans la poésie à une époque où les lecteurs de poésie se font rares.



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Le Cinquième



Album à compter simple mais efficace pour percevoir l'aspect ordinal du nombre dès le premier âge.



A partir de 4 ans.
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Retour à l'envoyeur : Anthologie

C’est un auteur autrichien quasiment inconnu en France que nous donnent à lire Alain Jadot et Christian Prigent, qui l’ont traduit (et ce n’est pas un mince exploit !). Né en 1925 à Vienne, mort en 2000, Jandl est pourtant célèbre dans les pays de langue allemande, et plusieurs de ses écrits ont eu une résonance internationale.



Nous sommes, avec cette œuvre, très loin de ce qu’on entend ordinairement par « poésie ». Le présent volume s’ouvre d’ailleurs sur une série de textes où c’est l’image du poète dans sa distance sacralisée qui est moquée. Il y est question de Rilke au quotidien (variations comiques sur de simples gestes ou attitudes), mais ce pourrait être aussi bien une autre figure comme Stefan George, pour lequel il devait exister un « nouvel empire » de la poésie, en rupture avec l’époque présente – idéalisme poétique qui perdure jusqu’à aujourd’hui sous des formes diverses. Aux yeux de Jandl en revanche, la poésie ne peut échapper à l’histoire qui vient de se produire, ni à ce que cette histoire a fait à la langue. Le poète, un homme comme les autres, est en prise avec cette réalité, y est plongée, comme Jandl lui-même assistant, le 15 mars 1938, sur la Place des Héros à Vienne, au discours de Hitler proclamant l’intégration de l’Autriche au Reich allemand. Il a alors treize ans, et il écrit des années plus tard un poème intitulé vienne : place des héros où la majesté du Verbe triomphant est évacuée pour laisser la place à la brutalité et la vulgarité du Führer (« dieu le bouc enchâSSait SA diatribe / d’éructronçons éclatonitruands / ça grouillait en rut la ruée humaineuse », traduit Prigent). Cette brutalité et cette vulgarité nazies, c’est avant tout par la langue qu’elles se sont affirmées, et elles la hantent encore.



Il s’agit d’écrire une poésie de notre temps, pour notre temps, dont la langue ne peut être glorieuse. Au lieu d’être un outil au moyen duquel l’homme pourrait exprimer des émotions, voire des idées qui lui seraient supérieures – pure rêverie en somme –, la langue est comme expulsée du corps, semblable à ces humeurs, à ces nausées, à ces rythmes qui l’habitent, le font être. Elle n’est pas travaillée pour rompre (ou donner l’illusion de rompre) avec le temps et la matière dont elle procède, elle est matériau de chair et de sang, voix qui n’a d’existence que corporelle, et qui doit donc se tenir au plus près de ce qui fait l’homme, de ce qu’est la vie humaine, plus proche de celle des chiens (un recueil de poèmes s’intitule Le Chien jaune) que de celle, toujours idéalisée et en cela trompeuse, des poètes ou des grands hommes. « Philosophiquement, ces textes affichent un anti-humanisme décidé », écrit Christian Prigent, dans sa préface qui se tient au plus près de la démarche d’écriture de Jandl, en rupture avec la poésie de langue allemande qui l’a précédée (même si le on peut reconnaître des accents dadaïstes dans ses poèmes).



une langue moi oui avoir

qui dans moi tourner partout

pourtant moi le plus souvent muet

car là où être zéro oreille

là être aussi zéro bouche

sauf pour bouffer boire cloper



Cette langue, dans sa présentation des Poèmes à l’enfance, Jandl la qualifie de « délabrée », ajoutant qu’elle est celle de « gens qui sont contraints de parler allemand sans l’avoir jamais appris de façon systématique », et que c’est un « allemand de travailleurs immigrés ». D’où le caractère oral de ces poèmes dont les verbes sont la plupart du temps à l’infinitif et chaque mot déformé par un accent étranger ou populaire, ce que les traducteurs parviennent à rendre en français, inscrivant cette étrangeté par les mêmes procédés de déformation phonétique, syntaxique ou orthographique (« toi pareler deutch ? pareler deutch toi ? »).

Il faut en effet rendre hommage aux traducteurs (principalement Alain Jadot, qui raconte de manière drôle sa rencontre avec Jandl) : ils sont parvenus à transposer ou plutôt à recréer cette « langue délabrée » en français, rendant ainsi la manière et la voix singulière du poète, devenu célèbre dans les pays germanophones par la drôlerie souvent tragique de ses textes qu’il lisait régulièrement en public. Car Jandl, c’est avant tout une voix qu’il faut non seulement lire, mais écouter. On s’en rendra compte en allant sur Internet : on y trouve de remarquables vidéos de ses lectures, notamment celle de Devil Trap (qui dure une dizaine de minutes). Les éditeurs allemands ont également publié plusieurs de ces enregistrements sous forme de CDs, et sans doute est-ce ce qui nous manque avant tout, en français : la voix de Jandl et la qualité théâtrale de ses lectures.



Il n’en demeure pas moins que ce livre est important. Si Jandl est resté si longtemps inconnu en France, c’est sans doute en raison du blocage qu’on pouvait ressentir, en tant que traducteur, face à nombre de ses poèmes basés sur des jeux sonores et visuels propres à l’allemand, perçus comme intraduisibles. Le tour de force réalisé ici consiste à avoir fait preuve d’autant d’inventivité que Jandl sur le plan poétique. Ainsi, le poème fameux Otto Mops raconte l’histoire d’un homme et de son petit bouledogue, histoire comique par la seule association de mots contenant les syllabes ops/ort/olt/oks. C’est bien la nature sonore du poème qui provoque le rire, même s’il s’agit de la scène la plus banale. En français, le bouledogue (Mops) se transforme en show-show faisant wow wow, et même si la petite scène du départ s’est perdue, on retrouve un jeu de sonorités semblable, propre à Jandl. Ce sont bien des poètes qui ont su traduire le poète.



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Cinquième

Cinq jouets/doudous cassés sont dans une salle d'attente, alignés sur 5 chaises côte à côte. La porte s'ouvre, le premier entre. Restent quatre. La porte souvre, quelqu'un sort. Le deuxième entre, Restent trois. Et ainsi de suite...



Ce n'est qu'à la dernière page que l'on découvre l'intérieur du cabinet du docteur réparateur de jouets. entre temps, les enfants ont observé et écouté attentivement ce livre très intriguant pour eux, car l'information est disséminée dans les images, très peu dans le texte lu par l'adulte.



Les enfants sont très attentifs à cette histoire, et se posent des questions dès qu'elle est finie.

Très bien.
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Le Cinquième

Il y a un jeu entre le texte et les images, plus expressives. C'est tout juste mignon.
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Le Cinquième

Un album tout simple : des jouets blessés assis dans une salle d'attente, chacun rentre dans la pièce d'à côté à son tour, puis en ressort en bon état, tout guilleret. Grâce au docteur que l'on découvre à la dernière image quand arrive le tour du cinquième. Les illustrations sont belles, avec des couleurs plutôt pastels. Un album qui peut rassurer un enfant malade. Un des rares albums pour enfants qui approche le nombre comme ordinal.
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Groite et dauche

Le titre francais Groite et Dauche se réfère sur un poème d'Ernst Jandl. Voici l'original en allemand:



lichtung



manche meinen

lechts und rinks

kann man nicht velwechsern

werch ein illtum

(Ernst Jandl)



Jandl a échangé les lettres R par un L et les lettres L par un R produisant un effet bien comique.



Direction

Quelques-uns pensent

qu'on ne peut pas

confuser à droite et à gauche,

quelle erreur.
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Le Cinquième

Cinquième N. Junge E. Jandl école des loisirs 11,90€



isbn: 2-211-048-57-9



Ils sont tous les cinq mal en point. Le manchot n’a plus d’aile, l’ours en peluche est borgne et le pantin de bois a le nez cassé.

« Encore 5 à attendre… »
Lien : https://www.litterature-enfa..
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Cinquième

Album allemand des années 70, repris par EDL en 2011. Apprendre à compter par les patients de la file d'attente du docteur qui diminuent. Ce sont des jouets. Pinocchio nez cassé arrive en dernier. Graphiquement intéressant. Texte minimal. Mediath Melville.
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