Citations de Eva de Vitray-Meyerovitch (37)
La prière, qu'elle soit individuelle ou commune, est donc l'expression du désir ardent que l'homme éprouve en lui de recevoir une réponse dans le terrifiant silence de l'univers.
Dans l’enseignement donné par le maître spirituel, l’accent est toujours mis sur l’humilité, et l’ascèse imposée au disciple, notamment lors des retraites – khalwa –, tend à faire grandir en lui cette vertu. Enfin, l’hagiographie musulmane se plaît à rapporter des épisodes de la vie des saints soufis épris de pauvreté spirituelle. Les récits suivants sont très caractéristiques à cet égard.
Un jour, Ibrâhim(1) vit un mendiant qui se plaignait de son sort.
« Je suppose que tu as acheté la mendicité pour rien, lui dit-il
– Eh ! quoi, la mendicité se vend-elle ? demanda le mendiant stupéfait.
– Assurément, répondit Ibrâhim. Je l’ai achetée en échange du royaume de Balkh. J’ai d’ailleurs fait une bonne affaire. »
« Depuis que tu es entré dans la Voie, as-tu jamais connu la joie ? demanda-t-on à Ibrâhim.
– Oui, plusieurs fois, répondit-il. Une fois, j’étais dans un navire ; le capitaine ne me connaissait pas. J’étais vêtu de haillons, mes cheveux étaient hirsutes et je me trouvais dans un état d’extase ignoré par tous ceux qui se trouvaient à bord. Ils se moquaient de moi et me tournaient en dérision. Il y avait là un bouffon qui passait son temps à me tirer les cheveux, les arracher et me frapper. J’avais atteint mon désir et me sentais parfaitement heureux d’être ainsi humilié. Ma joie atteignit son plus haut point le jour où ce bouffon s’approcha et urina sur moi.
Une autre fois, je vins à une mosquée pour y dormir, mais on ne m’y laissa pas entrer et j’étais si faible et épuisé que je ne pouvais me lever. On me prit par les pieds et on me traîna dehors. Or cette mosquée avait trois marches ; ma tête cogna chacune d’elles et le sang coula. A chacune des marches, un mystère me fut révélé. Je m’écriais : ‘’Ah ! Si la mosquée pouvait avoir plus de marches, afin que soit augmentée ma félicité !’’ »
(…)
Un jour, Ibrahim passa près d’un ivrogne dont la bouche était souillée. Il alla chercher de l’eau et lui lava la bouche. « Comment laisser souillée la bouche qui a prononcé le nom de Dieu ? Ce serait de l’irrespect », se dit Ibrâhim. Quand l’ivrogne se réveilla, on lui raconta que l’ascète du Khorassan lui avait lavé la bouche. « Je me repens », dit l’homme avec sincérité. Ibrahim entendit alors en rêve : « Tu as lavé une bouche par amour pour Moi. Moi, J’ai lavé ton cœur. »
(1) Ibrâhim Ibn ‘Adhâm (700-782), prince de Balkh [Afghanistan], abandonna son royaume pour mener une vie d'ascète, vivant du travail de ses mains. Sa légende est restée célèbre. (pp. 124-126)
Dieu a dit "Mes cieux et ma terre ne Me contiennent pas, mais Je suis contenu tout entier dans le coeur de mon serviteur fidèle."
Le jeûne et la prière du mois du Ramadan intercède pour l'homme au Jour de la Résurrection, le jeûne disant : Seigneur ! Je l'ai empêché de boire et de manger pendant le jour, et le Coran d'ajouter : Seigneur ! Je l'ai empêché de dormir pendant la nuit ; avant de dire à l'unisson : Seigneur ! Accepte notre intercession pour lui !
Après la mort, il ne reste à l'homme que trois qualités : la pureté du coeur, c'est-à-dire son exemption de toute souillure, sa familiarité avec le dhikr et son amour de Dieu. Ces qualités sont celles qui sauvent et qui aident après la mort.
Si l'examen du Coran ne te donne aucune satisfaction et ne te dévoile rien, c'est parce qu'il refuse que tu lui retires le voile ; il a rusé avec toi, en se montrant comme lait ; il te dit : "Je ne suis pas cette beauté." Le Coran est capable de se montrer sous l'apparence qu'il veut.
Un musulman est ému par le son même du Coran, et l'on dit qu'être ou ne pas être ému par les appels quotidien à la prière et la modulation du Coran constitue, pour chaque musulman, le critère de sa foi.
On prie debout comme un arbre, agenouillé comme un homme, prosterné comme une pierre, récapitulant donc les trois règnes.
On demande à un mystique (Abû 'Amar az-Zajjâji) : "Pourquoi pâlis-tu en prononçant le premier takbir de la prière ? "Parce que je crains de commencer la prière qui m'est prescrite par quelque chose qui ne soit pas vraie. Car celui qui dit Allâhu Akbar alors que dans son coeur se trouve quoi que ce soit de plus grand que Dieu, ou qui même, au cours de sa vie, a glorifié quelque chose autre que Dieu, celui-là dément dans son coeur ce que prononce sa langue.
La forme islamique de l'association dans la prière, outre sa valeur cognitive, témoigne donc de l'aspiration à réaliser cette unité essentielle de l'humanité comme fait vécu, en démolissant toutes les barrières qui s'élèvent entre l'homme et l'homme.
Muhammed, Sceau des prophètes, a reçu les mêmes recommandations : "Ordonne aux tiens la prière, sois-y toi-même constant." (Coran, XX, 132.).
"... Si Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une communauté unique ; mais, Il voulait vous éprouver en Ses dons. Faites assaut de bonnes actions vers Dieu. En Lui, pour vous tous, est le retour. Il vous informera de ce qu'il en est de vos divergences." (Coran, V, 48).
Dieu a parlé "en divers temps et en divers lieux", comme le dit saint Paul. C'est ce que le Coran affirme constamment : puisque la vérité ne peut être qu'une, toujours et partout, la Révélation, en son essence, ne peut qu'être la même pour tous les peuples, en tous les temps.
Nous savons que Dieu S'est décrit Lui-même comme l'Extérieur et comme l'Intérieur, et qu'il a manifesté le monde à la fois comme intérieur et comme extérieur, afin que nous connaissions l'aspect "intérieur" de Dieu par notre propre intérieur, et "l'extérieur" par notre extérieur.
Le livre sacré de l'Islam déclare que tout être célèbre les louages de Dieu, "l'oiseau en étendant ses ailes, l'arbre en projetant son ombre", mais que nous ne comprenons pas leur langage. La raison d'être de la Création, nous est-il encore rappelé, est l'adoration du Dieu Un.
En premier lieu, le terme "islam" s'applique à la religion fondamentale de l'être humain, c'est-à-dire à sa capacité innée de reconnaître ce qui le relie à Dieu.