Cela empire de jour en jour . Avec tous ces psychologues qui ont mis dans la tête des parents que rien n'est plus important que le droit d'un enfant à s'affirmer , Dieu sait où nous allons !
Mrs Bridge, qui se sentait mieux à mesure que le voyage tirait à sa fin, se disait que jamais elle n'avait vu personne aussi solitaire et misérable que cette vieille femme, et qu'elle devait faire quelque chose pour l'aider. Elle vint donc un après-midi la trouver dans son coin, se pencha et lui toucha doucement l'épaule.
- Puis-je faire quelque chose pour vous? lui demanda-t-elle.
- Lei parla italiano?
- Oh! vous ne parlez pas anglais?
- Non capisco, répondit la vieille femme en la regardant avec un grand désespoir.
-Je suis désolée, dit Mrs Bridge faiblement. Si seulement je savais que faire, mais je ne comprends pas.
Mrs Bridge disait qu'on pouvait juger les gens à leurs chaussures et leurs manières à table .
- La société a les crimes qu'elle mérite , fit remarquer Mr. Bridge avec indifférence .
- Mais ma chérie, une dame ne sort jamais sans son sac !
- On ne dit pas la " dame " de ménage , on dit la "femme" de ménage . Une dame , c'est quelqu'un comme Mrs Arlen ou Mrs Montgomery .
Elle attendait toujours Noël avec plaisir . Le journal publiait toujours à ce moment-là la liste des cent familles les plus pauvres de Kansas City , et Mrs. Bridge adoptait l'une d'entre elles , veillant à ce qu'elle eût tout ce qu'il faut pour être heureux un jour de Noël .
Les amis de Ruth , curieusement , avaient toujours des noms étrangers . Les camarades de Carolyn s'appelaient Bob, Janet, Trudy, ou Buzz, mais il y avait dans ce nom d'Al Luchnek - comme d'ailleurs dans celui des autres : Louie Minillos, Nick Gajadas - quelque chose de venimeux . On aurait dit des noms de gangsters du North End .
Mr. et Mrs. Bridge recevait ce jour là - non qu'ils en eussent grande envie , mais il le fallait . [...] : une fois que vous avez accepté une invitation , il faut la rendre . C'est ce que Mr. Bridge avait un jour appelé les "représailles".
Mais il était encore plus captivé par l'image de la femme en raison de cet abandon et de cette confiance qu'elle exprimait. Elle ne doutait pas d'être aimée, ni que tout ce qu'elle faisait en la présence de son époux était comme il se devait d'être. Il se dit qu'il n'avait jamais vu, parmi les hommes et les femmes de son entourage, pareille noblesse (p367)