C’est encore un ouvrage dont je n’avais jamais entendu parler sauf depuis quelques mois (sûrement en raison de sa sortie en collection 10/18) et je trouvais l’idée intéressante d’une chronique américaine à deux voix des années 30. J’ai donc commencé par Monsieur…… Ecrit en 1969, 10 ans après la publication de Mrs Bridge qui avait rencontré un grand succès (et apparemment le plus réussi des deux….) ce récit nous retrace la vie de Walter Bridge, avocat, marié à India, 3 enfants (deux filles, 1 garçon).
Le roman décrit le quotidien de cet homme de la middle-class du Kansas, homme à principe (il n’est pas pour rien avocat), un peu rigide, qui passe beaucoup de temps au bureau, déléguant à sa femme et à sa bonne noire (Harriet) de gérer au mieux la maison et les enfants.
Je suis allée au bout mais j’ai trouvé qu’il y avait des longueurs ou plutôt des répétitions dans les événements, les sentiments de ce Mr Bridge. Sentiments oui peut être, un peu, mais guère d’émotions car cet homme traverse la vie avec un flegme et une philosophie assez déconcertante.
Il est linéaire, sans relief, toute sa famille est à son écoute car il est celui qui gagne l’argent qui les fait vivre (on ne risque pas de l’oublier….), fier de sa réussite, de ses placements boursiers et il ne manque aucune occasion de le rappeler.
Il est celui qui détient LA parole : il y a des règles et une place à tenir. Il peut être parfois (rarement) libéral, pédagogue et parfois répugnant de préjugés (racisme, juifs) même s’il s’en défend.
Il est même insensible aux sentiments de sa femme, à ses attentes, aux souhaits de ses enfants. Il n’a pas d’amis mais des relations….
Triste visage d’un chef de famille à la veille de la 2ème guerre mondiale et au lendemain de la crise de 1929 aux Etats-Unis.
Cet incident le contrariait car il ne serait jamais résolu. Il en ressentait un léger picotement, comme une égratignure qui se referme sous une croûte. Cette dernière finit par disparaître, elle aussi, mais non sans laisser une petite cicatrice (p143)
Découpé en courts chapitres retraçant les faits marquants de cette famille où il ne se passe pas grand’chose si ce n’est la vie d’une maison, l’éducation des enfants.
Seul élément perturbateur à ce tableau bien conventionnel, Douglas, le fils, frondeur, révolté et anti-conventionnel, tellement différent de ce que son père voudrait qu’il soit, qui brise l’image parfaite de cette petite famille, même si sur la fin du récit les deux filles vont également briser le joug paternel.
Il entendait sa femme et ses filles et il observait son fils, mais il ne comprenait plus ce qu’ils disaient. Et tandis qu’il écoutait leur voix et la musique estivale des criquets, les problèmes qui l’avaient accaparé pendant la journée parurent insignifiants, et il se dit qu’il possédait pratiquement tout ce qu’il avait toujours désiré (p81)
On finit par se demander ce que ressent véritablement cet homme, s’il aime sa femme, ses enfants, ou si ceux-ci ne sont que des éléments de son tableau parfait de la réussite…..
Plus que la ressemblance physique, ce corps dégingandé, ce visage osseux anglo-saxon et cette tignasse aux reflets roux, car aucun de ces signes irréfutables ne parvenait à le convaincre aussi profondément que certains traits de caractère qu’il reconnaissait comme étant également les siens. Et de tous ces signes, le plus manifeste était cette obstination despotique qui ne pouvait concevoir la reddition, quel qu’en fut le prix. Il le savait aussi. Et de l’observer chez son fils le faisait sourire (p98/99)
Mais cet homme, sous ses aspects lisses, nous révèle également une face sombre : attirée par Ruth, l’aînée de ses filles
Il la regarda attentivement laisser couleur l’huile dans le creux de sa main, puis en oindre sa peau. Sa chaire satinée par la lumière matinale, faisait penser au bois de cerisier verni. Lorsqu’elle eut fini de se huiler, elle s’allongea sur la serviette, les bras étendus loin du corps. Elle semblait avoir dansé tout son saoul avant de tomber d’épuisement dans cette position
voyeur et troublée par Carolyn la deuxième
Mais il ne voyait que ce corps nubile prenant des poses devant le miroir. Il se répéta qu’elle était sa fille, mais la vision lumineuse ressurgit, tel le souvenir d’un rêve. Il cessa son travail et prit sa tête dans ses mains, se demandant combien de temps il lui faudrait attendre avant de pouvoir oublier (p333)
C’est une étude sociale même si elle semble assez caricaturale (mais sûrement réelle) d’une famille américaine du début du 20ème siècle
Mais il était encore plus captivé par l’image de la femme en raison de cet abandon et de cette confiance qu’elle exprimait. Elle ne doutait pas d’être aimée, ni que tout ce qu’elle faisait en la présence de son époux était comme il se devait d’être. Il se dit qu’il n’avait jamais vu, parmi les hommes et les femmes de son entourage, pareille noblesse (p367)
On le lit sans difficulté mais on se pose tout le long la question de savoir où l’auteur veut nous emmener, ce qu’il veut nous transmettre mais il n’y a peut-être aucun message et simplement le reflet masculin du premier roman sur Mrs Bridge qui j’espère sera plus passionnant.
J’ai cru jusqu’au bout à un évènement qui allait bouleversé tout cela mais à part les enfants qui ne répondront pas forcément à l’attente de ce père parfois indulgent, parfois autoritaire, bourré de principes et très attentif au reflet que sa famille donne à l’ensemble de la communauté, rien ne se passe qu’un long récit d’un quotidien émaillé de, parfois, petits écueils …….
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