En Russie soviétique, disait-il en se drapant dans sa couverture, l'hôpital psychiatrique est le seul endroit où puisse vivre un homme normal. Tout le reste n'est qu'une vaste pétaudière. Non, décidément, je ne peux pas coexister avec les bolcheviks. Il vaut mieux à tout prendre vivre ici, avec les fous ordinaires. Ceux-là au moins ne construisent pas le socialisme, et en plus on me nourrit. Tandis que là-bas, dans leur pétaudière, ils vous obligent à travailler et moi, je n'ai pas l'intention de travailler pour leur socialisme. Et enfin, ici, j'ai la liberté personnelle : liberté de parole, de conscience... » Apercevant soudain un infirmier qui passait, César Starokhamski poussa un cri perçant : « Vive l'Assemblée Constituante! Tous au forum! Toi aussi, Brutus, tu t'es vendu aux responsables du Parti ? » Et se tournant vers Berlaga, il ajouta: « Vous avez vu? ,je crie ce que je veux. Essayez un peu dans la rue!"
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On doit aimer les piétons.
Les piétons représentent la plus grande partie de l'humanité. Et non seulement la plus grande, mais la meilleure. Ce sont les piétons qui ont créé l'univers. Ce sont eux qui ont construit les villes, édifié des immeubles à plusieurs étages; qui ont posé des canalisations et des conduites d'eau; eux qui ont pavé les rues et les ont éclairées au moyen d'ampoules. Ce sont eux qui ont implanté la civilisation dans les cinq parties du monde, qui ont inventé l'imprimerie, imaginé la poudre; qui ont jeté des ponts au-dessus des fleuves, déchiffré les hiéroglyphes, lancé le rasoir de sûreté, mis fin à la traite des nègres et établi qu'on pouvait préparer à partir des graines de soja cent quatorze plats savoureux et nourrissants.
Et quand tout fut prêt et que notre planète-mère eut pris un aspect plus ou moins décent, alors les automobilistes firent leur apparition.
Il convient de noter que l'automobile a elle aussi été inventée par les piétons. Mais ils emblerait que les automobilistes l'aient oublié, car ils ont aussitôt entrepris d'écraser les piétons, êtres dociles et policés. Créées par les piétons, les rues ont été accaparées par les automobilistes. Les chaussées ont doublé de largeur, tandis que les trottoirs se rétrécissaient aux dimensions d'un paquet de cigarettes. Et les piétons effrayés se sont mis à raser les murs…
Dans les grandes villes, les piétons mènent une vie de martyrs. On a conçu pour eux une sorte de ghetto de la circulation. Ils n'ont le droit de traverser les rues qu'aux carrefours, c'est-à-dire aux endroits précis où la circulation est la plus intense et où le fil ténu qui retient habituellement la vie du piéton est le plus aisé à rompre.
Dans notre vaste pays, l'automobile, destinée dans la pensée des piétons au paisible transport des marchandises et des êtres, a pris l'apparence redoutable d'un obus fratricide, qui met hors de combat des colonnes entière de syndiqués, avec leur famille. Si par extraordinaire, un piéton réussit à esquiver la proue argentée de l'une de ces machines, c'est pour se voir gratifier d'une contravention par un milicien qui l'accuse de ne pas avoir respecté le catéchisme de la circulation.
D'une façon générale, les piétons ont vu leur crédit fortement ébranlé. Eux qui ont donné au monde des hommes aussi illustres qu'Horace, Boyle et Mariotte, que Lobatchevski, Gutenberg et Anatole France, sont aujourd'hui contraints de faire les pires simagrées pour rappeler simplement leur existence. Ô mon Dieu, Toi qui n'existes pas, à quel sort as-Tu (malgré le fait de Ta non-existence) réduit ce pauvre piéton!
Précisons ici qu'en ce qui concerne les cadeaux faits à l'occasion des fêtes, inaugurations solennelles, anniversaires et jubilés en tout genre, tout n'a pas toujours été chez nous pour le mieux. Ou bien l'on offrait une maquette de locomotive minuscule, pas plus grande qu'un chat, ou bien c'était un burin gigantesque, plus grand qu'un poteau télégraphique. Ces inversions douloureuses de volumes prennent énormément de temps, coûtent d'énormes sommes d'argent et ne servent à rien : les locomotives enfantines se recouvrent de poussière au sommet des armoires de bureau, tandis que le burin que l'on a à grand peine transporté sur deux camions rouille dans toute sa monstrueuse absurdité au beau milieu de la cour de l'administration jubilaire. (pages 410 et 411, édition GINKGO)
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Le début (voir site de l'éditeur , éditeur que je remercie chaudement)
On doit aimer les piétons. Les piétons représentent la plus grande partie de l’humanité. Et non seulement la plus grande, mais la meilleure. Ce sont les piétons qui ont créé l’univers. Ce sont eux qui ont construit les villes, édifié des immeubles à plusieurs étages ; qui ont posé des canalisations et des conduites d’eau ; eux qui ont pavé les rues et les ont éclairées au moyen d’ampoules. Ce sont eux qui ont implanté la civilisation dans les cinq parties du monde, qui ont inventé l’imprimerie, imaginé la poudre ; qui ont jeté des ponts au-dessus des fleuves, déchiffré les hiéroglyphes, lancé le rasoir de sûreté, mis fin à la traite des nègres et établi qu’on pouvait préparer à partir des graines de soja cent quatorze plats savoureux et nourrissants. Et quand tout fut prêt et que notre planète-mère eut pris un aspect plus ou moins décent, alors les automobilistes firent leur apparition. Il convient de noter que l’automobile a elle aussi été inventée par les piétons. Mais il semblerait que les automobilistes l’aient oublié, car ils ont aussitôt entrepris d’écraser les piétons, êtres dociles et policés. Créées par les piétons, les rues ont été accaparées par les automobilistes. Les chaussées ont doublé de largeur, tandis que les trottoirs se rétrécissaient aux dimensions d’un paquet de cigarettes. Et les piétons effrayés se sont mis à raser les murs.
C'était l'instant, entre cinq et six heures du matin, où les concierges fatigués d'avoir agité dans les cours leurs balais de bouleau se sont retirés sous leurs tentes, et où la ville est propre, claire et silencieuse comme une banque d'Etat. On se sent alors des envies de pleurer et de croire que le yaourt est véritablement meilleur au goût et à la santé que l'eau-de-vie de grain.
- Quel adorable petit bazar indigène ! C'est Bagdad !
- Nous commençons à le démolir le dix-sept, répondit le jeune homme. Il y aura ici un hôpital et un centre commercial kolkhozien.
- Et vous ne regrettez pas cet exotisme ? Et Bagdad ?
- Très joli ! soupira Koreîko.
Le jeune homme prit la mouche :
- C'est pour vous que c'est joli, pour les touristes. Nous, nous devons vivre ici.
Le détournement ou la subtilisation des sommes monétaires varient en fonction des circonstances données. Je possède personnellement quatre cent moyens plus ou moins honnêtes de subtiliser de l'argent à quelqu'un. Mais là n'est pas le problème. Le problème, de nos jours, c'est qu'il n'y a plus d'hommes riches, et c'est là tout mon drame.
L'abîme financier est, de tous ceux existants, le plus profond. On peut y tomber toute une vie durant.