Citations de Fabien Clauw (65)
Il est vrai que les marins aiment à voir des signes et se faire des promesses. (…)
Prendre rendez-vous avec l’avenir entretient l’espoir de survivre jusque-là.
Dans les cercles feutrés de la diplomatie internationale, on évoquait pudiquement un état de "quasi-guerre" entre les États-Unis et leur ancien libérateur. Mais dans la réalité de ces rencontres, on dénombrait plus de trépassés que de quasi-morts.
A la vue des Français, elle abattit en grand. A un contre trois, le courage, même britannique, avait ses limites.
Ils volent les pauvres sous couvert de la loi, alors que nous volons les riches sous la seule protection de notre courage.
Le capitaine Samuel Bellamy à son procès pour piraterie.
L'espionnage serait peut-être tolérable s'il pouvait être exercé par d'honnêtes gens, nous enseignait Montesquieu. Pour autant, il faut bien que certains se salissent les mains afin qu'une majorité vive la conscience en paix…
Quand viendra les boulets ennemis, bien des choses nous paraîtrons futiles, Commandant. Et puis, ce qui se passe en mer n’intéresse que les marins qui y vont, Commandant…
Qui s’instruit sans agir, laboure sans semer.
Ainsi allait cette période troublée où les officiers supérieurs, essentiellement nobles, étaient sacrifiés sur l’autel de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité.
C’était là une nouvelle facette du commandement qu’il lui faudrait accepter à l’avenir : échafauder des plans auxquels ils ne pourrait pas toujours prendre part.
A cent mètres de distance, la masse de l'Anglais fit cracher ses douze caronades. Campé près du poste de barre, Belmonte attendait cet instant avec horreur. Le souffle de la mort s'abattit sur l'Egalité sous la forme d'un déluge de centaines de billes de plomb. Sur le pont et sur les gaillards, les hommes étaient fauchés par douzaines, tant par les balles que par les éclisses de bois, prélude à la gangrène pour les malheureux survivants.
Vive, l'Egalité galopait sur la mer comme le pur-sang qu'elle était.
La frégate pirate abattit en grand et profita d'un vent moindre pour réduire la toile. Alors qu'elle courait sur son erre à plus de quatre nœuds, son avant tribord vint heurter la muraille de bois dans un fracas sonore. Succombant au choc extrême, le mât de misaine, dont l'emplanture avait été délibérément sciée, s'effondra dans un craquement sourd sur le pont de l'Anglais. Dans les hauts, les extrémités des vergues des grands mâts s'entrechoquèrent jusqu'à plier sous la pression démente, entraînant dans leur chute autant d'habits rouges que de forbans. La plupart se brisèrent les os sur le pont quand d'autres disparurent à jamais entre les deux coques, dans les eaux sombres de l'Indien. Assurant l'étreinte mortelle, des grappins jaillirent de part et d'autre accompagnés de hurlements et d'invectives.
...la qualité de l’intrigue, l’intérêt et le charme des personnages, ce feu nourri sans cesse de surprises, d’étonnement, de plaisir de lecture jamais trahi ? La France tient là, enfin, son Forester, son O’Brian ou son Kent (qui, eux, se sont bien gardés d’évoquer Trafalgar…). Avec, en outre, un Belmonte bien plus sympathique que tous les Hornblower, Aubrey ou Bolitho réunis.
– L’Angleterre ne signera jamais la paix avec une France affaiblie. Notre ennemi préfère poursuivre la lutte jusqu’à nous terrasser… quoiqu’il lui en coûte… Bonaparte est le seul homme qui puisse inverser la tendance et, in fine, amener l’Angleterre à la table des négociations. Je crois volontiers en l’homme comme garant de la République, et le militaire a fait ses preuves plus que quiconque portant l’uniforme dans ce pays…
Mirabon en avait terminé avec la scie. Le morceau de jambe tomba dans un bruit sourd sur le sable répandu sur le plancher. Un sable qui, autour de la table, était tout rougi ! Il allait cautériser la plaie avec une lame chauffée au rouge sur le petit four à bois. Si le fusilier survivait au choc de la douleur, il pouvait espérer vivre. La mort par la gangrène ou la vie comme infirme, tel était le choix qui restait au blessé à bord d’un bâtiment de guerre.
A deux heures de voile du continent africain, sur lequel un flamboyant soleil se coucherait bientôt, un joyau d'une grande diversité biologique reposait sur l'océan Indien. Bordée de récifs coralliens, de lagons cristallins et de mangroves, allongée du nord-est au sud-ouest sur une douzaine de lieues, Monfia était la digne représentante de ces îles lointaines et enchanteresses dont les descriptions, de Vasco de Gama à James Cook, de Bougainville à La Pérouse, enflammaient l'imaginaire des aventuriers de tout bord.
Il se dirigea vers les timoniers, et sa voix grave et puissante s'abattit sur la dunette :
- Messieurs, il nous veut ! Il va virer sous peu pour nous laisser au vent et nous engager à bâbord. Nous abattrons en grand au dernier moment et passerons sous son vent.
Les regards qu'il reçut en retour ne semblaient pas inquiets.
Etaient-ils donc tous aussi fous que lui ?
- Le capitaine Belmonte sait donc parler ? demanda innocemment Camille Desmaret à de La Motte.
- Prenez garde, mademoiselle ! Je l'ai même entendu rugir ! répondit ce dernier, hilare.
Les soixante-trois mètres et les cent dix-huit canons de l’Océan, dessinés par le crayon du « Vauban de la Marine », l’ingénieur Sané, étaient à portée de rames. À bord, travaillaient et vivaient pas moins de onze cents hommes. Captivé, Belmonte dévorait le mastodonte des yeux. Dans les carrés, il se disait que le navire de Villaret-Joyeuse était plus rapide et plus manœuvrant qu’un soixante-quatorze et que nombreux étaient les officiers, y compris ceux de Sa Majesté, à rêver d’un tel commandement.
... le bilan était lourd. Pour prendre la mesure du sacrifice, il fallait enjamber les blessés qui patientaient à même le sol le long du couloir conduisant à l’infirmerie, puis entrer dans le royaume de Charles Villeneuve, transformé en salle d’amputation. Là, allongés sur une table, enivrés de rhum et fermement tenus par leurs camarades, une lanière de cuir entre leurs dents gâtées, les jeunes gens abandonnaient sur le sable noirci de sang qui un bras, qui une jambe ou un pied. Malgré les sabords ouverts, l’odeur de chair cautérisée au fer rouge révulsait les sens. À celle-ci s’ajoutaient les cris de souffrance, ceux d’un prénom féminin ou tout simplement de « maman ».