BA VF de Master and Commander
Là où il n'y a pas d'égalité, il ne peut y avoir d'amitié. Quand un homme est obligé de dire « Oui Monsieur ! », son acquiescement n'a aucune valeur, même si d'aventure il est sincère.
Les marins, en général, après plusieurs années de leur vie monacale, si peu naturelle, tendent à considérer la terre ferme comme le jardin des délices, un lieu de perpétuelles vacances, et leurs espoirs ne peuvent en aucun cas être satisfaits. Ce que le terrien ordinaire accepte comme le lot commun, la routine quotidienne des maux domestiques, des enfants, des responsabilités, le marin ordinaire est porté à y voir la négation de ses espoirs, une épreuve tout à fait exceptionnelle, et une intrusion dans sa liberté.
Je ne suis pas un grand partisan du mariage. Et je me demande parfois si l'on ne fait pas grand cas d'un contrat qui vous astreint au bonheur. Si une seule arrivée peut égaler la somme des voyages. Je me demande, en fait, s'il ne serait pas mieux de voyager indéfiniment.
S'il y a de nombreux bons aspirants (en tout cas estimables), il y a un peu moins de bons lieutenants, encore moins de bons capitaines et presque pas de bons amiraux. En voici une possible explication : en plus de la compétence professionnelle, d'une résignation enjouée, d'un excellent foie, d'une autorité naturelle et de cent autres vertus, il faut être capable – qualité beaucoup plus rare ! - de résister aux effets... déshumanisant de l’exercice de l'autorité. L'autorité est un véritable solvant de l'humanité.
La science, c'est la possibilité de mesurer... Il n'est pas de connaissance sans mesure.
Pour sophia, la vie en mer devait être... pas exactement un pique nique éternel, mais quelque chose qui y ressemblait fort. Il y avait des souffrances occasionnelles, bien sûr – comme les pénuries de café, de lait frais ou de légumes – des canons, qui tiraient de temps en temps et le choc des épées, mais sans que l'on vois jamais d'hommes réellement blessés. Ceux qui trépassaient, eh bien ils mourraient sur le champ de blessures invisibles. Ce n'étaient jamais que des chiffres dans la liste des pertes.
Si je vois encore un vieux crétin de général goutteux m'arracher le pain de la bouche à l'instant où il est beurré, s'est-il exclamé avec rage, je vends mon brevet au plus offrant et que le service aille se faire... Être dépossédé de toute la gloire après avoir fait tout le travail, c'est plus qu'un humain ne peut en supporter.
Il est injuste de provoquer un homme pour le traiter de satyre si cela lui fait de l'effet.
Quand il était dans l'océan Indien, le capitaine Aubrey rêvait d'un cottage, avec un peu de terre : des rangées de navets, de carottes, d'oignons, de choux et de haricots; à présent, son rêve était réalisé. Mais il avait compté sans le puceron noir, la larve de taupin, la chrysomèle, la larve de tipule, le puceron vert, la piéride du chou. Les rangées étaient bien là, un demi-acre de rangs tracés au cordeau dans la mince couche de pauvre terre spongieuse et jalonnés de quelques plantes naines.
Eh bien, la vérité Stephen, dit Jack, en fixant la vache, la vérité c'est qu'elle refuse le taureau. Il est toujours partant, ah, grand Dieux oui, mais elle ne veut rien entendre. Alors il se met dans une colère folle, il mugit et laboure le sol, et nous restons sans lait.
D'un point de vue philosophique, son comportement est assez logique. Pensez aux grossesses continuelles, lassantes, prix d'un plaisir momentané et, dirais-je, aléatoire. Pensez à l'inconfort physique d'une mamelle pleine, sans parler de la nécessaire parturition, avec les périls qui s'y rattachent. Je laisse de côté le malaise de voir ses descendants transformés en blanquette de veau, qui est propre à la vache. Si j'étais une femelle d'une espèce quelconque, je prierais qu'on me libère de tous ces soucis; et si j'étais, dans ce cas particulier, une génisse, je choisirais certainement de rester sèche.